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Société - Social

La solidarité s’organise au dispensaire de l’église Saint-Joseph

Portés par l’impulsion de la révolution, une trentaine de médecins, accompagnés par des bénévoles civils et religieux, ont redonné vie à un dispensaire aménagé dans un bâtiment annexe à l’église Saint-Joseph de la rue Monnot, qui tombait à l’abandon depuis quelques années.


Sur le comptoir d’accueil du dispensaire de l’église Saint-Joseph, rue Monnot, une infirmière renseigne une patiente. Photos Quentin Peschard

Il n’est pas encore 9h lorsque Liliane Hajj sort de la salle de consultation établie dans les locaux accolés à l’église Saint-Joseph, rue Monnot, à Beyrouth. « J’ai découvert l’initiative par Facebook », commente cette patiente cinquantenaire. Venue rencontrer une dermatologue bénévole, elle écoute attentivement les consignes de l’infirmière qui lui remet un anti-inflammatoire. Nadine Sokhn, qui a travaillé auparavant en hôpital, reçoit un salaire réduit financé par un donateur et elle est l’unique employée de ce dispositif lancé au début du mois de janvier.

Depuis la révolution, de nombreux médecins, issus de multiples spécialités, se sont rassemblés autour du projet de proposer des auscultations et traitements gratuits. Une volonté également partagée par Roger Khairallah et Gabriel Khairallah, responsable des projets au Moyen-Orient de la fondation Raoul Follereau pour l’un et père jésuite pour l’autre. Le duo remarquait depuis le début de la crise économique libanaise une dégradation sévère des conditions de vie des personnes les plus pauvres, qui ne peuvent plus avoir accès aux soins. Si le dispensaire de l’église Saint-Joseph existait depuis 32 ans, avec l’appui du ministère des Affaires sociales, il avait été laissé à l’abandon ces dernières années et n’accueillait presque plus de patients depuis cinq ans. L’équipe a repris en main le cabinet, rassemblant près d’une trentaine de spécialistes en deux semaines.


(Pour mémoire : Sur les réseaux sociaux ou à travers les applis, l’entraide se développe)



Des consultations à prix symbolique
Une femme âgée s’est installée dans la salle d’attente et signe son dossier avant l’arrivée de la néphrologue. Depuis plusieurs semaines, elle se plaint de douleurs aux reins. « Mes analyses sanguines n’étaient pas bonnes », indique-t-elle. Aujourd’hui, à 83 ans, et après avoir subi des soins à l’hôpital pour un problème de vésicule biliaire, elle ne peut pas se permettre de financer de nouveaux traitements. Les personnes âgées, isolées et nécessiteuses ont ainsi d’abord été le cœur de cible de cette opération. Certains patients participaient aux activités organisées par le Cercle de la jeunesse catholique et deux autres associations dans les locaux, comme des repas partagés.

Puis le mot s’est rapidement transmis, notamment via WhatsApp, et des familles viennent désormais également consulter. Si bien que certains jours, on compte près d’une quinzaine de rendez-vous. « Le nombre de consultations grimpe chaque semaine : cet élan de solidarité est exceptionnel », se félicite Roger Khairallah. Le centre est ouvert certains samedis et les deux codirecteurs envisagent également de proposer des consultations le dimanche, dans le but d’accueillir des manifestants.


(Pour mémoire : Les valises solidaires des Libanais de Montréal)


Les médecins qui viennent y travailler sont bénévoles, et nombre d’entre eux travaillent à l’Hôtel-Dieu de France comme le Dr Mouïne Jamal qui chapeaute ce calendrier bien rodé. La néphrologue Hiba Azar s’est ainsi engagée au sein de l’équipe de volontaires, à raison de deux à trois heures par semaine. « On s’arrange en fonction de nos plannings personnels et on ramène notre propre matériel, explique-t-elle, un stéthoscope à la main. On a également pu aménager modestement les locaux avec du matériel donné par l’Hôtel-Dieu, qui n’était plus utilisé. »

Le projet s’inscrit également dans une initiative plus large lancée par l’église de promouvoir un grand mouvement de solidarité, par la collecte de portions alimentaires par exemple. L’ouverture du dispensaire a ainsi été rendue possible grâce aux dons, mais aussi au soutien de l’association YMCA, qui fournit des centaines de médicaments, en finançant les traitements jusqu’à 300 000 LL par bénéficiaire. À chaque consultation, les patients sont invités à payer 5 000 LL, voire 10 000 LL si celle-ci débouche sur une remise de médicaments, mais sans obligation. « L’argent ne doit pas être un handicap, insiste le père Gabriel Khairallah. Si la personne ne peut pas payer, on la reçoit quand même : c’est surtout une participation symbolique pour que les gens se sentent responsables et investis. »


(Lire aussi : Les Libanais n’ont jamais été aussi pauvres, ni non plus aussi solidaires)



Un soutien tant médical que psychologique
Pour nombre de patients à l’état de santé critique, leurs conditions de vie relèvent en effet de la grande précarité. Nagib Semaan attend également son heure de passage en fumant une cigarette devant le porche du dispensaire. Un bonnet vissé sur le front, un autre enrobant sa main gauche aux doigts bleus, saisis par le froid à cause d’une mauvaise circulation du sang, ce survivant de la guerre civile porte les marques du conflit sur le corps, ayant reçu des éclats d’obus sur le ventre. Aujourd’hui, il souffre également des reins et devrait subir une opération, mais n’en a pas les moyens. « Je suis soulagé de venir consulter un médecin, car j’ai parfois la sensation que je vais mourir et je cherche au moins à atténuer la douleur. » Pour se rendre au dispensaire, l’octogénaire a dû emprunter 10 000 LL à son voisin, pour payer le taxi.

Pour les examens approfondis et traitements lourds, comme ici dans le cas d’un recours à la chirurgie, le dispensaire peut proposer des réductions sur les coûts, grâce à un partenariat avec l’Hôtel-Dieu mais aussi par la collaboration avec l’ONG Lebanon Needs. Mais ces dispositions ne sont pas toujours suffisantes. Dorothée Maheut, une pharmacienne française expatriée à Beyrouth qui s’est jointe à l’équipe, explique : « Certaines personnes ne peuvent pas financer leurs soins, même à prix réduit, et c’est difficile de leur annoncer qu’on ne pourra pas faire plus pour les aider. » Si la plupart des patients peuvent être soulagés par l’administration directe de médicaments, à la sortie du cabinet, certains d’entre eux repartent alors sans pouvoir être soignés.

Parfois, l’équipe bénévole assure ainsi davantage un soutien psychologique que médical. Nombre de patients reviennent d’ailleurs à plusieurs reprises : le personnel veille à assurer un suivi individualisé, qui se déploie dans la durée en dépit de moyens limités. Un accueil psychologique et psychiatrique, assuré par des spécialistes, est déjà en train de se mettre en place. « Ici, c’est très humain, commente l’infirmière Nadine Sokhn. Certaines personnes ne passent que pour dire bonjour, sans avoir de consultation. C’est touchant. »


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