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Politique - Secteur hospitalier

L’avertissement des « révolutionnaires en blouse blanche » aux « irresponsables politiques »

« Ce cri collectif est destiné à toucher les cœurs et secouer les consciences d’une classe politique comateuse », tonne Roland Tomb, doyen de la faculté de médecine de l’USJ, lors d’un sit-in.

« Le Liban se soulève », peut-on lire sur le calicot exhibé par le groupe de médecins du LAU Medical Center. Photo DR

« La santé est une ligne rouge. » C’est le message qu’ont envoyé hier les « révolutionnaires en blouse blanche » aux responsables qui persistent à rester sourds aux besoins les plus fondamentaux et vitaux des citoyens au Liban. À l’initiative des médecins de l’Hôtel-Dieu de France (HDF), les membres du personnel médical de plusieurs hôpitaux ont tenu des sit-in simultanés, hier à 14 heures, dans les divers établissements pour demander à la classe encore au pouvoir de satisfaire les revendications d’un secteur hospitalier à la dérive en raison de la grave crise politique, économique et financière qui perdure. Au-delà de la sonnette d’alarme tirée pour pousser les dirigeants à se pencher urgemment sur les problèmes dus aux restrictions bancaires imposées par la Banque du Liban (BDL) et les banques privées, et qui se traduisent notamment par une dépréciation de la livre et la difficulté à importer du matériel médical, les médecins ont dénoncé sans ambages l’incurie des dirigeants.

« Nous, professionnels de la santé, envoyons un avertissement clair à tous les responsables irresponsables politiques que nos soins de santé sont une ligne rouge à ne pas franchir », tonne le doyen de la faculté de médecine de l’Université Saint-Joseph (USJ), Roland Tomb, dans le hall de l’Hôtel-Dieu de France, où se pressent plus de 120 médecins déterminés à manifester leur refus absolu d’une situation inextricable dans laquelle la classe au pouvoir a entraîné le pays. « Nous durcirons le mouvement face à leur insouciance et leur comportement clairement irresponsable qui mettent en danger les fondements de notre société », poursuit M. Tomb, déclarant que « ce cri collectif est destiné à toucher les cœurs et secouer les consciences d’une classe politique comateuse ».

Fadi Haddad, médecin interniste, prend ensuite la parole pour conjurer tous les hôpitaux de « renoncer à vouloir faire des bénéfices au cours de cette année », afin, dit-il, que « les Libanais puissent continuer à bénéficier de soins ». Il s’adresse à ceux-ci pour leur assurer que les médecins de l’HDF resteront toujours à leurs côtés, « malgré les difficultés ». À L’Orient-Le Jour, M. Haddad dira à ce propos que ces mêmes médecins œuvrent dans le « Centre de solidarité médicale », un dispensaire consacré aux patients démunis créé par l’Université Saint-Joseph et situé près de l’église Saint-Joseph des pères jésuites, à Beyrouth. L’Hôtel-Dieu de France a en outre mis en place un « service d’urgences qui accueille tous les participants au mouvement de contestation blessés lors d’affrontements », précise de son côté M. Tomb à L’OLJ.


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« Malades d’avidité »

Lors de son intervention, Fadi Haddad ne manque pas de fustiger les responsables politiques, les décrivant comme « des malades d’avidité et des fous du pouvoir ». Il les accuse d’« individualisme », les exhortant à « prendre exemple sur le travail d’équipe qu’effectuent les médecins pour servir leurs patients ».

Après les allocutions, direction le Ring, où la circulation est bloquée par les contestataires. Une grande tache blanche se déplace ainsi dans la rue. Un médecin scande des slogans révolutionnaires amplifiés par un porte-voix. « La santé est une ligne rouge », « Toubib, révolte-toi pour ta chère patrie », répètent après lui ses collègues, avant de lancer des accusations, en rime, contre le Parlement et le gouvernement.

Au LAU Medical Center (hôpital Rizk), une cinquantaine de médecins rentrent pour leur part d’une marche qu’ils ont effectuée vers l’avenue de l’Indépendance, en criant « Thaoura ». « Nous avons bloqué la route pendant quelques minutes, le temps de manifester notre colère et de chanter l’hymne national », raconte une jeune femme médecin. Devant la façade de l’hôpital, tous les participants au sit-in avaient auparavant pris une photo de groupe au premier plan de laquelle est exhibé un calicot de plusieurs mètres proclamant « Le Liban se soulève ».

Georges Ghanem, cardiologue et directeur médical du LAU Medical Center, affirme à L’OLJ que la démarche des médecins vise à réitérer leur « solidarité avec le peuple libanais qui est dégoûté de la situation actuelle ». Il expose plus spécifiquement deux problèmes « intolérables » qui touchent les hôpitaux et commencent à se répercuter sur les patients. « La Banque du Liban a promis d’assurer des lettres de crédit pour les importateurs à concurrence de 50 % de leurs besoins en dollars, à charge pour eux d’assurer l’autre moitié des montants. Or pour se procurer ces sommes, les importateurs sont obligés de se rendre sur le marché secondaire, où les agents de change vendent le dollar à un prix largement supérieur à celui de 1 515 LL fixé par la BDL », déplore M. Ghanem. Hier, le dollar se vendait ainsi à plus de 2 200 livres sur le marché secondaire. « Depuis le début de la crise, les banques ne permettent plus, en outre, aux entreprises d’effectuer des transferts en dollars pour passer leurs commandes », poursuit-il. « Nous pâtissons ainsi d’un manque accru de matériel. Aujourd’hui même, nous avons eu beaucoup de mal à assurer un pacemaker à un patient », confie le spécialiste.


(Lire aussi : Thaoura 2.0... Et ce n’est que le début, le billet de Médéa Azouri)


Le second problème dont souffre le secteur est le retard, voire l’absence des paiements dus aux hôpitaux par les ministères de la Santé et des Finances, la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) et les compagnies d’assurances. Une situation qui risque d’entraîner des fermetures d’établissements hospitaliers. « L’hôpital des Makassed a arrêté son service d’urgences », rappelle M. Ghanem, soulignant que son établissement connaît une affluence inhabituelle. « Au LAU Medical Center, 22 personnes ont été accueillies aujourd’hui (hier) dans le service des urgences, dont 11 sont dans les couloirs », ajoute-t-il. « Pour résoudre les problèmes au quotidien, il faut vite former une cellule de crise qui réunirait des représentants de la BDL, de l’Association des banques du Liban (ABL), du ministère de la Santé, des hôpitaux, des médecins et des importateurs de matériel médical », préconise M. Ghanem.C’est aussi un paiement rapide et urgent des dus de l’État au secteur hospitalier que réclame Georges el-Ghoul, directeur de l’hôpital Serhal à Rabieh. « Les tiers payants publics mettent des mois à nous rembourser », déplore-t-il, à la fin du sit-in organisé là aussi pour dénoncer la détérioration de la situation. Lui aussi fait observer que le matériel médical commence à manquer, notamment « les plaques, les prothèses, les vis et tout le matériel d’ostéosynthèse nécessaire à la chirurgie orthopédique, sans oublier les filtres de dialyse ». M. Ghoul évoque également les difficultés qui surgissent en cas de panne de machines (scanners ou autres). « Lorsqu’un appareil tombe en panne et nécessite l’achat d’une pièce de rechange, notre fournisseur nous demande de payer en liquide pour acquérir cette pièce. Or comment un hôpital peut-il payer en liquide lorsqu’il n’encaisse pas en liquide ? » interroge-t-il. D’un jour à l’autre, poursuit-il, « nous nous attendons à ce que les problèmes de pannes ne soient plus résolus »...


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