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Liban - CNSS

La protection sociale fragilisée par l’endettement de l’État et l’inflation

Au mépris de toute éthique, l’État s’approprie indûment les cotisations des assurés pour combler le déficit de la branche maladie-maternité... dû à ses impayés.

Le ministre sortant du Travail, Camille Abousleiman : « La CNSS doit continuer à fonctionner. »

Un grand nombre de salariés inscrits à la Caisse nationale de Sécurité sociale (1,6 millions de cotisants, y compris les personnes à charge) tentent actuellement, même de façon anticipée, de toucher au plus vite leurs indemnités de fin de service, afin d’en préserver le pouvoir d’achat, compte tenu de la hausse du prix du dollar. Faut-il craindre que la Sécurité sociale soit dans l’incapacité de faire face à ces demandes ? Telle est la question lancinante que se posent beaucoup de salariés qui approchent de l’âge de la retraite (64 ans).

À cette question précise, une source responsable de la CNSS qui a requis l’anonymat répond par la négative, tout en qualifiant sa réponse. Certes, précise la source citée, la CNSS est affectée par la crise en cours ; du fait des restrictions bancaires et des licenciements qui se produisent, ses rentrées baissent en ce moment. Toutefois, avec un flux de trésorerie équivalent à 8 milliards de dollars, sa solvabilité n’est pas en question.

La menace actuelle pour les cotisants, précise la source, vient de la dévaluation de la monnaie nationale, ou plutôt de la perte relative de son pouvoir d’achat. L’inflation des prix se répercutera nécessairement sur la valeur des indemnités de fin de service comme sur les prix des médicaments dans la branche maladie-maternité, compte tenu du fait qu’ils sont remboursés conformément à un barème établi, fixé en livres libanaises. En outre, les abonnés pourraient être affectés par le retard dans le remboursement des factures, comme c’est déjà le cas, puisque ces remboursements peuvent prendre jusqu’à deux ans de retard, et perdre effectivement de leur valeur.

On sait en effet que la valeur de la livre a chuté d’environ 40 % face au dollar, au cours des deux derniers mois. Une dévaluation de la livre, officielle ou effective, affectera aussi inévitablement les dépôts en livres placés par la CNSS, à égalité, dans les bons du Trésor et dans diverses banques.


(Lire aussi : Aucun espoir pour le secteur de la santé tant que la situation persiste)



Mauvaise gouvernance

Cela dit, des problèmes pourraient se poser en raison de l’endettement de l’État à l’égard de la CNSS. Le Trésor doit en effet à la Caisse 3 200 milliards de livres, soit 2,2 milliards de dollars, un chiffre astronomique arrêté au 31 décembre 2018 et qui, à la fin de cette année, devrait atteindre 3 500 milliards de livres environ. C’est à peu près le montant que l’État doit aux hôpitaux. Certes, ces dettes sont internes, mais elles n’en demeurent pas moins des dettes, et le retard dans leur paiement perturbe sérieusement le cycle économique, comme on le constate clairement aujourd’hui dans le cas des hôpitaux et, par ricochet, au niveau des fournisseurs d’équipements, des laboratoires d’analyse, etc.

C’est qu’au mépris de toute obligation fiduciaire à l’égard des cotisants, l’État puise dans la branche indemnités de fin de service de la CNSS, pour payer ce qu’il doit à la Caisse et surtout pour combler, à la fin de chaque année, le déficit chronique de la branche maladie-maternité. Contrairement à toute éthique, l’État « emprunte », sans leur consentement et à leur insu, l’argent des cotisants, pour se mettre en règle avec la Caisse. « C’est plus grave que le non-paiement, c’est une violation des règles fiduciaires ; c’est s’approprier l’argent des autres », estime une autorité juridique.

En gros, les dettes de l’État sont un cumul de ses diverses obligations : de sa quote-part de 25 % aux cotisations de la branche maladie-maternité ; de sa participation aux cotisations de ses salariés non soumis à la loi sur les fonctionnaires ; de sa part des cotisations au bénéfice des chauffeurs de taxi et des moukhtars ; aux montants qu’il doit au titre de l’adhésion facultative à la CNSS ; aux cotisations des retraités assurés à vie après l’âge de 64 ans et ayant accompli 20 ans d’emploi (loi du 12 février 2017) ; enfin aux indemnités de fin de service qu’il règle à ses salariés.


Désordre comptable

Le ministre sortant du Travail, Camille Abousleiman, a réagi à ce désordre comptable et adressé au gouvernement une lettre écrite à cet effet. Selon le ministre, l’État va échelonner sa dette sur dix ans. Sur insistance du ministre, le montant annuel a été inscrit au budget de 2019 (il demeure impayé à ce jour), et le sera désormais dans tous les budgets à venir. En tout état de cause, affirme en substance le ministre sortant du Travail à L’OLJ, même si le pays doit recourir à l’assistance technique ou financière du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale – ce qui semble inévitable –, un montant sera consacré à l’installation d’un filet de protection sociale, ainsi qu’une barrière de protection contre l’inflation, car la CNSS doit continuer à fonctionner.


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Un grand nombre de salariés inscrits à la Caisse nationale de Sécurité sociale (1,6 millions de cotisants, y compris les personnes à charge) tentent actuellement, même de façon anticipée, de toucher au plus vite leurs indemnités de fin de service, afin d’en préserver le pouvoir d’achat, compte tenu de la hausse du prix du dollar. Faut-il craindre que la Sécurité sociale soit dans...

commentaires (2)

C'est effarant. On découvre jour après jour l'ampleur de la fuite en avant pratiquée par les services officiels avec des conséquences gravissimes pour les citoyens. Comment l'économie aurait-elle pu fonctionner normalement alors que l'Etat ne s'acquitte pas de ses charges, pire, en fait un usage inapproprié? Le paiement par l'Etat de ses factures, qu'il s'agisse des achats des diffèrentes administrations ou des indemnités légales, est le nerf de la guerre dans toute économie. En France, l'adoption de la loi LME, fixant, entre autres, des délais stricts de paiement s'appliquant tant à l'administration qu'aux entreprises, a beaucoup fluidifié les échanges avec des retombées très positives pour l'ensemble de l'économie. Je salue en passant l'action du ministre Abousleiman qui continue à travailler contre vents et marées.

Marionet

09 h 04, le 21 décembre 2019

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Commentaires (2)

  • C'est effarant. On découvre jour après jour l'ampleur de la fuite en avant pratiquée par les services officiels avec des conséquences gravissimes pour les citoyens. Comment l'économie aurait-elle pu fonctionner normalement alors que l'Etat ne s'acquitte pas de ses charges, pire, en fait un usage inapproprié? Le paiement par l'Etat de ses factures, qu'il s'agisse des achats des diffèrentes administrations ou des indemnités légales, est le nerf de la guerre dans toute économie. En France, l'adoption de la loi LME, fixant, entre autres, des délais stricts de paiement s'appliquant tant à l'administration qu'aux entreprises, a beaucoup fluidifié les échanges avec des retombées très positives pour l'ensemble de l'économie. Je salue en passant l'action du ministre Abousleiman qui continue à travailler contre vents et marées.

    Marionet

    09 h 04, le 21 décembre 2019

  • OU LESSA WAYNAK !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 39, le 21 décembre 2019

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