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Liban - Crise

Aucun espoir pour le secteur de la santé tant que la situation persiste

Les traitements des maladies chroniques comme le cancer et la dialyse continuent à être assurés, même si des difficultés sont rencontrées pour assurer le médicament.

Selon plusieurs directeurs d’hôpitaux, les patients attendent que leur état de santé s’aggrave pour se rendre aux urgences. Nasser Traboulsi/Photo d’archives L’OLJ

R. souffre d’un cancer de la vessie. Il se fait traiter dans un hôpital de la banlieue de Beyrouth. « Les trois premières sessions ont été couvertes par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), confie-t-il. Mais avec l’aggravation de la crise économique, le médicament n’est plus importé. Le médecin m’a changé de protocole de traitement, que la CNSS ne couvre pas. On m’a demandé de présenter les factures, soulignant qu’on me remboursera. Un processus d’au moins deux ans, alors que je n’ai pas les moyens de payer. Je vais voir avec mon assurance (qui couvre la différence des frais versés par la CNSS) si elle accepte de payer la totalité des sessions restantes de chimiothérapie. Si elle refuse, je pense sérieusement interrompre le traitement. »

La crise que connaît le secteur hospitalier est récurrente, l’État et les compagnies d’assurances tardant à honorer leurs dus envers les hôpitaux. L’État à lui seul doit aux hôpitaux privés plus de deux mille milliards de livres libanaises pour la période allant de 2012 jusqu’à aujourd’hui, comme le signale à L’Orient-Le Jour le président du syndicat des propriétaires des hôpitaux privés, Sleiman Haroun. Cette crise a toutefois été exacerbée par la baisse de la quantité de dollars circulant sur le marché suite à une décision de la Banque du Liban fin août, ainsi que par la suppression des facilités bancaires aux entreprises décidée par les banques depuis le début du soulèvement populaire le 17 octobre.

Les hôpitaux ont mis en garde contre l’impact d’une telle crise sur le secteur de la santé, tirant la sonnette d’alarme plus d’une fois. Parallèlement, les rumeurs concernant le risque de fermeture de certains hôpitaux se multiplient. M. Haroun rassure : « À ce jour, aucun hôpital n’a fermé ses portes. Mais depuis le début du soulèvement et l’aggravation de la crise économique, de nombreux hôpitaux ont réduit le nombre de lits. Le taux d’occupation des hôpitaux a chuté à 40 %. De leur côté, les patients ne se rendent plus à l’hôpital que lorsque leur état de santé s’aggrave. Et les chirurgies à froid sont ajournées soit par une décision de l’hôpital soit à la demande du patient. »

Des informations confirmées par de nombreux directeurs d’hôpitaux privés et publics (qui pâtissent de la même crise d’autant qu’ils s’autofinancent) à Beyrouth et dans les régions. Une source de l’hôpital universitaire Rafic Hariri explique ainsi à L’OLJ que « les patients ont peur de se faire hospitaliser faute de moyens ». « Nombre d’entre eux préfèrent se faire soigner aux urgences et rentrer chez eux, ajoute-t-elle. Par ailleurs, les cas examinés aux urgences sont à des stades avancés de la maladie. »

Dans les mêmes milieux, on souligne que jusqu’à présent l’hôpital tient bon, « mais à l’instar des autres établissements dans les secteurs privé et public, il souffre d’une pénurie dans les fournitures et dispositifs médicaux, ainsi que dans les pièces détachées ». « Nous comptons aussi beaucoup sur les donations, de nombreux organismes comme le Comité international de la Croix-Rouge et le HCR, ainsi que des associations locales et internationales nous ayant fait don de mazout, d’oxygène, de médicaments… Ce qui nous permet de poursuivre. »



(Pour mémoire : Secteur hospitalier : le seuil d’alerte est atteint)



Traitements toujours assurés
Pour pouvoir subsister, les grands hôpitaux ont dans leur majorité pris la décision de ne plus accepter le transfert de patients d’un autre hôpital, que ce soit dans un service ou à travers les urgences. « C’est une décision logique pour pouvoir continuer à administrer des soins de qualité à nos patients », souligne dans ce cadre une source dans un hôpital de Jbeil. Dans d’autres grands hôpitaux, on assure que les stocks suffiront pour un à deux mois, « voire six mois pour certains produits », note le directeur général du Centre médical de l’Université libano-américaine-Hôpital Rizk, Sami Rizk. Il explique que jusqu’à présent les hôpitaux universitaires arrivent à se débrouiller pour payer les fournisseurs dans les délais contractuels. De ce fait, ces derniers leur donnent la priorité sur d’autres hôpitaux. « Nous continuons à recevoir des patients qui nous sont renvoyés par des petits et moyens établissements parce que nous avons le devoir de traiter les patients dans une période aussi difficile, insiste-t-il. Mais à mon avis, la situation de ces hôpitaux empirera à partir du début de l’année prochaine. »

C’est ce que craint également M. Haroun qui fait état par ailleurs d’un autre problème concernant les traitements du cancer : ne pouvant plus les acheter à leurs patients, plusieurs hôpitaux leur demandent de les assurer eux-mêmes. Contactés par L’OLJ, plusieurs oncologues ont expliqué qu’à ce jour ils n’ont pas eu de problèmes à assurer le traitement de leurs patients. Certains médicaments sont en rupture de stock, mais ils arrivent à trouver des substituts. Des médecins ont même référé leurs patients à d’autres établissements hospitaliers qui les ont acceptés. Une source de l’Association libanaise pour le cancer du sein raconte qu’une réunion élargie a rassemblé hier les différentes parties concernées du secteur (médecins, associations d’aides aux patients, centres oncologiques…) pour évaluer la situation. « Jusqu’à présent, les traitements continuent à être assurés, mais on craint une rupture de stocks, par exemple dans les fournitures médicales, ce qui constituera un problème pour administrer le traitement », dit-elle.

Côté dialyse, les centres contactés ont assuré que le protocole de traitement n’a pas changé pour leurs patients, mais qu’ils craignent manquer de fournitures médicales. Toutefois, certains centres dans des régions éloignées, comme à Saïda et à Tripoli, ont référé leurs patients à d’autres hôpitaux de la région.

Le ministère de la Santé continue de couvrir normalement les traitements de ses patients et les médicaments essentiels sont toujours disponibles dans les centres de soins de santé primaire grâce à des donations de l’Union européenne, l’Organisation mondiale de la santé et l’Unicef.

Toutes les parties sollicitées font toutefois part de leurs craintes concernant la capacité de durée du secteur de la santé. « Si aucune solution n’est trouvée, le niveau médical va baisser », déplore ainsi le directeur d’un hôpital.

Quid de la solution ? Sleiman Haroun est formel : « Il n’y aura aucune solution avant la formation du gouvernement. À cause de la crise économique et des restrictions bancaires, nous évoluons dans un cercle vicieux. Tant que cette situation persiste, il n’y a aucun espoir pour le secteur. »



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ET LA SITUATION VA EMPIRER HELAS ! AVEC UN GOUVERNEMENT D,UNE SEULE COULEUR ET CONTRAIRE AUX REVENDICATIONS POPULAIRES.

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 42, le 20 décembre 2019

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Commentaires (1)

  • ET LA SITUATION VA EMPIRER HELAS ! AVEC UN GOUVERNEMENT D,UNE SEULE COULEUR ET CONTRAIRE AUX REVENDICATIONS POPULAIRES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 42, le 20 décembre 2019

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