Rechercher
Rechercher

Liban - Société

Les retraités extrêmement vulnérables face à la crise

De nombreux Libanais qui vivent de leurs indemnités de fin de service se retrouvent dans la précarité, et certains doivent se tourner vers les associations caritatives.

Une dame assise, l’air abattu, à l’entrée du siège de l’Association des Banques du Liban. Photo Ahmad Azakir

La fermeture prolongée des banques, la crise du dollar et la hausse du prix de la livre chez les changeurs ont touché de plein fouet les Libanais, mais plus particulièrement les retraités et les personnes du troisième âge, l’une des catégories les plus vulnérables de la société. Beaucoup d’entre eux se contentent de retirer, à chaque début de mois, les maigres intérêts que leurs indemnités de fin de service leur rapportent. D’autres n’ont même pas de comptes en banque et vivent dans une grande précarité, si ce n’est l’aide prodiguée par certaines associations caritatives.Un grand nombre de retraités se sont retrouvés dans une situation critique lorsque les établissements bancaires ont fermé pendant deux semaines, notamment ceux qui continuent de retirer des sommes au guichet. C’est le cas de Carole Haddad, 65 ans, enseignante à la retraite, qui a laissé tomber les cartes de débit quand elle a arrêté de travailler. Elle se contentait de toucher les intérêts de sa retraite placée dans un compte épargne en livres libanaises en se rendant tous les débuts de mois à la banque. « Quand j’ai vu que les banques pouvaient fermer à n’importe quel moment, j’ai décidé de demander une carte de débit, pour pouvoir retirer de l’argent lorsque les intérêts arrivent à échéance, explique Mme Haddad à L’Orient-Le Jour. Sauf que la banque a exigé des frais de trois dollars par mois pour la carte. Or mon compte est en livres libanaises et je paie déjà des frais mensuels de sept mille livres, sans compter 10 % de taxes », déplore cette ancienne enseignante. Elle confie avoir ouvert au départ un compte épargne en livres libanaises « afin de toucher un taux d’intérêt plus intéressant que sur les comptes en dollars » et qui lui permettrait de subsister. « Or, aujourd’hui, ma retraite a perdu environ la moitié de sa valeur. Évidemment, lorsque les banques ont rouvert, j’ai voulu changer la somme en dollars, mais la banque a refusé », indique Mme Haddad.

Interrogé par L’OLJ, l’économiste Kamal Hamdane estime que les retraités « sont les plus touchés par la crise parce qu’ils n’ont pas d’autres sources de revenus » que les indemnités de fin de service. Les sommes touchées par les retraités affiliés à la Caisse nationale de Sécurité sociale ne dépassent pas, en moyenne, les 40 millions de livres libanaises, selon M. Hamdane. « Le Liban est le seul pays arabe à ne pas avoir de système de pension de retraite mensuelle pour les salariés du secteur privé. De plus, un tiers des personnes employées par le secteur privé ne sont pas inscrites par leurs employeurs à la CNSS », déplore l’économiste.


(Lire aussi : Entre peur et espoir, le soulèvement libanais vu par les Palestiniens)


« Si vous ouvrez leur frigo, il est vide »

Maya Chams Ibrahimchah, fondatrice de Beit el-Baraka, un supermarché gratuit dans le secteur de Karm el-Zeitoun, à Achrafieh, côtoie beaucoup de seniors en détresse. « Lorsque les banques ont fermé au début des manifestations, les gens étaient dans la panique totale, notre stock a été vidé en une journée, il y avait une file d’attente de 5 heures », raconte-t-elle à L’OLJ.

« Beit el-Baraka vient en aide à 328 familles qui comptent chacune parfois deux personnes âgées. Les retraités qui viennent nous voir survivent avec de petites sommes en banque. Certains ne sont pas abonnés au générateur depuis des années. Quand les banques ont fermé, ils étaient sous le choc. On parle d’argent récolté pendant toute une vie et qui se retrouve bloqué et qui pourrait même être perdu », explique Mme Ibrahimchah.

« Quand les gens touchent leurs indemnités de fin de service, c’est la descente aux enfers. À 70 ans, ils ont tout dépensé et n’ont plus rien pour vivre. Certains se retrouvent avec 3 000 ou 1 000 dollars dans leur compte bancaire », souligne la fondatrice de Beit-el Baraka.

Elle raconte par ailleurs que beaucoup de seniors qui appartenaient à la classe moyenne ont dû quitter leurs maisons dans les quartiers aisés et s’installer dans des quartiers plus populaires ces dernières années, en raison de la cherté de vie. « Ceux qui habitaient Achrafieh vont à Karm el-Zeitoun, ceux qui vivaient à Sin el-Fil ou Horch Tabet vont à Nabaa. Les retraités qui résidaient dans la région de Ras Beyrouth se retrouvent à Ouzaï, Cola ou Tarik Jdidé quand ils n’arrivent plus à payer le loyer », déplore Maya Ibrahimchah.

« Ces personnes n’ont pas le visage de la pauvreté auquel nous sommes habitués, elles ne sont ni sales ni mal habillées, mais si vous ouvrez leur frigo, il est vide, ajoute-t-elle. Les professions libérales, les commerçants, ou chauffeurs de taxi se retrouvent sans couverture sociale et sans retraite. Certains continuent de travailler à un âge avancé pour payer leur loyer. Souvent, ils finissent dans un taudis, sans électricité. »


(Lire aussi : Monté pour les manifestants, l’hôpital de campagne de Tripoli reçoit désormais aussi les plus démunis)



Paola Accari, fondatrice de l’association Gestures from the heart, vient en aide à des personnes du troisième âge dans le nord du pays, notamment dans la région de Zghorta. Les personnes âgées qui demandent l’aide de son association sont, pour la plupart du temps, déjà démunies avant d’arriver à la retraite. « Il s’agit souvent d’anciens ouvriers ou de paysans. Certains n’ont peut-être jamais eu de comptes en banque. Si personne ne demande de leurs nouvelles, ils peuvent passer des jours sans manger. Il y a une sorte de misère silencieuse », confie Mme Accari à L’OLJ.

« Notre association aide normalement les seniors mais, cette année, on se retrouve à aider une centaine de familles qui se retrouvent dans la précarité. Gestures from the heart distribue régulièrement des portions alimentaires et organise tous les samedis des déjeuners gratuits pour les personnes du troisième âge. Mais dernièrement, on nous demande de plus en plus d’aides pour l’achat de médicaments. On n’avait pas autant de demandes à ce sujet avant », souligne Mme Accari.


Lire aussi
Les parents d’élèves en retard pour les écolages ; déjà des coupes dans les salaires des enseignants

La fermeture prolongée des banques, la crise du dollar et la hausse du prix de la livre chez les changeurs ont touché de plein fouet les Libanais, mais plus particulièrement les retraités et les personnes du troisième âge, l’une des catégories les plus vulnérables de la société. Beaucoup d’entre eux se contentent de retirer, à chaque début de mois, les maigres intérêts que leurs...

commentaires (2)

Au lieu d'aller à Karm el-Zeitoun, à Nabaa ou à Ouzaï,.. Au lieu d'acheter des tomates et des oeufs très chers pour vos maigres ressources, ramassez des pierres et allez les lancer sur les portes et fenêtres de leurs domiciles, sur leurs yachts, sur leurs voitures hauts-de-gamme de ceux de vos gouvernants qui ont volé votre argent, l'argent du peuple, pour le placer dans les paradis fiscaux.

Un Libanais

15 h 02, le 01 décembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Au lieu d'aller à Karm el-Zeitoun, à Nabaa ou à Ouzaï,.. Au lieu d'acheter des tomates et des oeufs très chers pour vos maigres ressources, ramassez des pierres et allez les lancer sur les portes et fenêtres de leurs domiciles, sur leurs yachts, sur leurs voitures hauts-de-gamme de ceux de vos gouvernants qui ont volé votre argent, l'argent du peuple, pour le placer dans les paradis fiscaux.

    Un Libanais

    15 h 02, le 01 décembre 2019

  • Et maintenant où on va?

    Eleni Caridopoulou

    17 h 38, le 30 novembre 2019

Retour en haut