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À La Une - Dette

Notation souveraine : Fitch enfonce un peu plus le Liban

L'agence considère sans surprise que l’immobilisme politique du pays rend sa situation financière de moins en moins tenable.


Le logo de l'agence de notation financière Fitch Ratings. Photo d'archives Reinhard Krause/Reuters

Fitch a dégradé jeudi la note souveraine du Liban de « CCC » à « CC ». L’agence américaine, l’une des trois principales avec Moody’s et Standard & Poor’s, a également répercuté cette baisse sur les notes des banques qu’elle évalue (Bank Audi et Byblos Bank).

Fitch considère désormais très « probable » que le Liban procède à une restructuration de sa dette publique ou « fasse défaut » à ses prochaines échéance. Des scénarios envisagés  en raison de « l’incertitude aiguë » concernant la situation politique du pays, mesures informelles de contrôle de capitaux » mises en place par les banques et de l’impact sur les entrée de capitaux de la baisse de confiance  des déposants et investisseurs envers le secteur bancaire. Mercredi, Bloomberg a indiqué que pour beaucoup de détenteurs d’obligations d’Etat, le fait que le pays restructure ses 87 milliards de dette n’était plus qu’une question de temps.

Sur le plan politique, Fitch évoque en outre la « rupture » entre les dirigeants et la population, cristallisée par les manifestations qui se poursuivent depuis le 17 octobre, « les plus importantes depuis une décennie », selon les termes de l’agence. Elle rappelle d’ailleurs que le processus de formation du gouvernement est bloqué par les tensions politiques depuis la démission de l’exécutif dirigé par le Premier ministre sortant Saad Hariri, fin octobre.



(Lire aussi : Moody’s dégrade partiellement les notations de trois banques libanaises)

 

Circulaire n°536
Les indications laissant craindre une forte récession de l’économie ont également été citées ; tout comme l’émergence d’un marché du change parallèle et « l’échec de la Banque du Liban a pleinement assurer le service de ses obligations en devises – une référence à la circulaire n°536 du 4 décembre par laquelle elle s’est autorisée à régler en livres 50 % des intérêts sur des certificats de dépôts et des dépôts bancaires en devises -  comme facteurs augmentant la pression financière sur le pays.

Fitch estime dans ce contexte que les réserves brutes de devises de la BDL devraient atteindre 28 milliards de dollars à fin 2019, soit une baisse de 4 milliards de dollars et continueront de s’effriter en 2020, en raison des « importants besoins de financement extérieur » et des 2,5 milliards de dollars d’eurobonds – titres de dette en dollar émis par le Liban – arrivant à échéance au cours de cet exercice. Le Liban s’est acquitté en novembre de sa dernière échéance de 2019, d’un montant de 1,5 milliard de dollars. La  prochaine est prévue pour mars prochain (1,2 milliard de dollars).

L’agence voit en outre les importations diminuer de moitié, pour se situer dans une fourchette allant entre 8,5 et 9,5 milliards de dollars. Elle souligne en outre que les réserves nettes de devises de la BDL sont en réalité négatives en raison des engagements financiers de la banque centrale vis-à-vis des établissements bancaires du pays, qui s’élevaient selon elle à 67 milliards de dollars à fin septembre, dont 18 milliards de réserves obligatoires.

Fitch précise que les avoirs étrangers de la BDL - en dehors des 13,4 milliards de dollars de réserves d’or – sont largement liquides, tandis que ses engagements en devises vis-à-vis des banques ont « des maturités moyennes plus longues ». Elle considère cependant que les réserves de devises diminuerait « beaucoup plus rapidement si les banques pouvaient puiser dans leurs dépôts à  la BDL pour répondre aux demandes de leurs déposants. » Une situation qui est à l’origine de la mise en place des mesures informelle de contrôle des capitaux mis en place par les banques, qui ont en outre été contraintes d’utiliser leurs réserves liquidités à l’étranger qui ont reculé de 3,6 milliards de dollars par rapport aux 8,4 milliards qu’elles affichaient en octobre.



(Lire aussi : Comment se déroule une restructuration de dette, selon Camille Abousleiman)


 

Toujours pas d’aide débloquée
Sur le plan des finances publiques, Fitch indique que si le Liban a toujours honoré le service de la dette, sa situation budgétaire semble de moins en moins tenable. Elle mise sur un ratio déficit/PIB de 9,3 % à fin 2019 (contre 7,5 % anticipé dans le budget pour 2019) avec un surplus primaire marginal et considère que ce dernier devrait atteindre 5 % du PIB sur les quatre prochaines années pour stabiliser ses comptes.

Si elle considère toujours qu’un consensus politique combiné à la mise en place de réformes budgétaires crédibles et le déblocage d’aides extérieures substantielles contribuerait à améliorer la situation du pays et rétablir la confiance des déposants, l’agence admet néanmoins que ce scénario « dépend d’une combinaison de développements positifs » qu’il est difficile de tenir pour acquis. Fitch rappelle que les fonds promis par les donateurs présents lors de la conférence de Paris d’avril 2018 (la CEDRE) n’ont toujours pas été débloqués et préfère ne pas tenir compte des aides promises par certains pays du Golfe ces derniers mois, en raison de la place du Hezbollah au Liban, dans un contexte de tensions entre l’Iran, qui soutient le parti chiite, et l’Arabie saoudite, notamment, qui le considère comme une organisation terroriste. Fitch note enfin que la possibilité que le pays sollicite l’aide du Fonds monétaire international conduira « presque certainement » le pays à restructurer sa dette. Il reste que la possibilité que ce scénario se concrétise s’est un peu plus renforcée après que le bureau du Premier ministre sortant, Saad Hariri, a indiqué jeudi que ce dernier avait discuté avec des responsables du FMI et de la Banque mondiale, sollicitant l’assistance technique des deux organisations internationales pour élaborer un « plan urgent de sauvetage » afin de sortir le Liban de la crise économique et financière qu’il traverse.

L’agence n’exclut pas de rehausser la note du pays en cas déblocage des financements extérieurs promis au pays – sans que cela ne soit conditionné à une restructuration de la dette - ; au lancement des réformes attendues pour assainir les finances publiques et restructurer l’économie ; ou encore à une « résurgence des dépôts non-résidents dans les systèmes bancaire du pays. Elle n’hésitera en revanche pas à la dégrader davantage s’il les indications confirmant le scénario d’un défaut ou d’une restructuration imminents.

La décision de Fitch survient moins de 24h après que Moody’s ait partiellement dégradé les notations des trois banques libanaises qu’elle évalue – Bank Audi, BLOM Bank et Byblos Bank – de Caa2 à Ca -  tout en maintenant maintenu sa surveillance sur les établissements du pays. La dégradation de la situation économique et financière du pays a déjà été sanctionnée cette année par les trois grandes agences de notation américaines. Tout comme Fitch, Moody’s avait déjà abaissé la note du Liban à deux reprises en 2019 (de B3 à Caa1 en janvier, puis Caa2 en novembre ; S&P l’a dégradée de « B- » à « CCC » le mois dernier. La décision de Fitch n’a en revanche pas d’incidence sur les ratios de solvabilité des banques, qui ont déjà été rabaissés quand les obligations d’Etat du pays sont passées des notations de catégorie B (qui regroupe les emprunteurs dont la solvabilité va de moyenne à incertaine) à C (risque très important de non remboursement sur le long terme à situation de faillite).


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commentaires (3)

Pourquoi les réserves nettes en devises de la BDL sont devenues négatives? On doit écouter les explications du gouverneur là-dessus , et dans les meilleurs délais. On n'aimerait pas parler de gaspillage pour préserver la parité de la livre face aux devises!

Esber

16 h 25, le 12 décembre 2019

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Commentaires (3)

  • Pourquoi les réserves nettes en devises de la BDL sont devenues négatives? On doit écouter les explications du gouverneur là-dessus , et dans les meilleurs délais. On n'aimerait pas parler de gaspillage pour préserver la parité de la livre face aux devises!

    Esber

    16 h 25, le 12 décembre 2019

  • LA POLITIQUE Y JOUE UN ROLE MAJEUR DANS LES NOTATIONS DE CES AGENCES AMERICAINES. FAUT BIEN LE DIRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 01, le 12 décembre 2019

  • et ils se reunissent encore et encore

    Jack Gardner

    16 h 00, le 12 décembre 2019

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