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Économie - Dette

Moody’s dégrade la note du Liban pour la seconde fois en un an

L’agence de notation a justifié sa décision en invoquant la possibilité « accrue » que le pays procède à un « rééchelonnement de la dette ou toute autre opération de gestion de passif qui constitue un défaut », selon sa définition.

Moody’s a dégradé hier la notation souveraine du Liban de « Caa1 » à « Caa2 », tout en maintenant la mise sous surveillance du pays. Photo d’archives AFP

Un mois après avoir adressé un ultimatum aux dirigeants libanais, Moody’s a dégradé hier la notation souveraine du Liban de « Caa1 » à « Caa2 », tout en renouvelant la période de mise sous surveillance du pays. C’est la deuxième fois cette année que Moody’s dégrade la note du pays, après un premier abaissement en janvier. L’agence de notation financière américaine, l’une des trois principales avec Fitch et Standard & Poor’s (S&P), a justifié sa décision en invoquant la possibilité « accrue » que le pays procède à un « rééchelonnement de la dette ou toute autre opération de gestion de passif qui constitue un défaut », selon sa définition.

Moody’s estime en outre que les importants mouvements sociaux qui se poursuivent depuis le 17 octobre dans tout le pays, la démission du gouvernement il y a une semaine et la perte de confiance des investisseurs ont un peu plus miné le « modèle traditionnel de financement du pays basé sur les flux entrants de capitaux et la croissance des dépôts ». Une combinaison de facteurs « qui menace la viabilité de la fixation au dollar du cours de la livre par la Banque du Liban (à un taux de 1507,5 livres pour un dollar depuis 1997, NDLR) et la stabilité macro-économique ». L’agence prédit qu’en « l’absence d’un changement de politique rapide et significatif », le pays fera face à une dégradation accélérée de sa balance des paiements et à des sorties de capitaux qui provoqueront une contraction du PIB, tandis que les mouvements sociaux se poursuivront.

Moody’s considère en outre que la contestation rend de moins en moins probable l’adoption du budget pour 2020, dont le projet, aux objectifs jugés peu réalistes par de nombreux observateurs, a été approuvé à la hâte par le gouvernement peu après le début des manifestations le 17 octobre. Le texte vise un ratio déficit / PIB de 0,6 % pour cet exercice, principalement à travers une réduction de 50 % du service de la dette assumée par la BDL et une taxation exceptionnelle du chiffre d’affaires des banques.


Dette détenue par la BDL

Le fait que la Banque centrale détient des titres de dette – équivalant à 50 % du PIB – signifie que le Liban dispose d’options de gestion de la dette à court terme pouvant limiter les pertes supportées par le secteur privé en cas de défaut de paiement, écrit Moody’s. L’agence estime que des options d’extension de la maturité ou d’annulation de la dette détenue par la BDL pourraient être envisagées pour limiter les risques, bien que cela soit insuffisant pour rétablir la soutenabilité de la dette. Elle note cependant que ces options diminuent à mesure que la crise économique et politique libanaise perdure.

Le retard dans l’adoption du budget 2020 écarte par ailleurs un peu plus la perspective d’un déblocage rapide d’une partie de l’enveloppe de plus de 11 milliards de dollars de prêts et dons réservés par les donateurs lors de la conférence de Paris d’avril 2018, ou encore les éventuelles « aides et / ou investissements » que certains pays du Golfe ont affirmé envisager de fournir ces derniers mois. Pour Moody’s, ces injections sont « essentielles pour atténuer les risques immédiats de défaut de liquidités et permettre à l’économie de récupérer sur le long terme ». L’agence ajoute que la baisse des prix des eurobonds – dont les rendements à court terme ont battu des records ces derniers jours – rend encore plus difficile la possibilité pour le pays de se financer sur les marchés extérieurs.

Moody’s insiste en outre sur le fait que la situation politique et sociale actuelle risque d’accélérer le rythme de sortie des dépôts, accentuant ainsi l’épuisement des réserves utilisables de devises qui permettent notamment à la BDL de maintenir la fixation de la livre au dollar. « L’émergence d’un marché parallèle du taux de change et la tendance des déposants à convertir leurs dépôts en dollars qui a atteint 73 % à fin septembre contre 65 % en juin 2016 reflète déjà la fragilité de la situation », juge l’agence. Selon elle, la BDL n’a plus que 5 à 10 milliards de dollars de réserves de devises utilisables, une enveloppe qui sera probablement utilisée pour régler le financement du service de la dette en devises entre 2019 et 2020, lequel s’élève à 6,5 milliards de dollars en comptant les 1,5 milliard de dollars d’eurobonds qui arrivent à maturité le 28 novembre. Selon les derniers chiffres disponibles, les réserves totales en devises de la BDL s’élevaient à 37,9 milliards de dollars, qui ont baissé de 12,1 % par rapport à la même période un an plus tôt.

Depuis la mi-septembre, l’accès au dollar, qui circulait librement en temps normal, se fait de plus en plus difficile pour les importateurs comme pour les citoyens lambda. Face à un creusement continu de la balance des paiements (flux de biens, de services et de capitaux entre le pays et le reste du monde), que la BDL a dû couvrir avec ses réserves en devises, les banques ont vu leurs quotas journaliers de devises fournis par la Banque centrale réduits. Elles avaient donc fini par limiter fortement les retraits de dollars à travers les distributeurs automatiques et les guichets. Cela a poussé de fait une partie importante de leurs clients vers les bureaux de change, qui face à la forte demande pratiquent un taux de change parallèle supérieur au taux officiel.Pour rappel, Fitch, qui avait dégradé la note du pays en août à « CCC » a récemment baissé les notes de deux grandes banques libanaises qu’elle évalue, Bank Audi et Byblos Bank, de « CCC » à « CCC – ». Standard & Poor’s ( « B- », négative) a de son côté placé le pays « sous surveillance » depuis octobre.



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