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À La Une - Liban

Colère et humiliation des Libanais devant les stations-service en grève depuis deux jours

De nombreuses actions ciblées ont été organisées dans le pays, notamment contre la Banque centrale.

Dans de nombreuses stations-services fermées vendredi au Liban, des automobilistes, notamment des conducteurs de mobylettes ayant besoin de leur véhicule pour travailler, se sont rués vers les pompes avec des bouteilles d'eau afin de pouvoir obtenir quelques litres de carburant. AFP

La grève des stations-service, fortement suivie dans tout le Liban pour la deuxième journée consécutive, a provoqué sur tout le territoire des scènes de colère et de désemparement, certains citoyens se ruant vers les quelques établissements ouverts afin de pouvoir obtenir quelques litres de carburant. Pris par un sentiment de colère, les manifestants ont fermé plusieurs grands axes routiers, au 44e jour de la révolte populaire contre la classe dirigeante, accusée de corruption et alors que le pays connaît une grave crise économique et financière. 

Les stations-service libanaises sont en grève pour le deuxième jour consécutif, pour protester contre les restrictions imposées à l'accès au dollar. Dans de nombreuses stations-service fermées, des automobilistes et, surtout, des conducteurs de mobylettes ayant besoin de leur véhicule pour travailler, se sont rués vers les pompes avec des bouteilles d'eau afin de pouvoir obtenir quelques litres de carburant.



AFP



Dans le quartier de la Corniche de Mazraa, à Beyrouth, plusieurs automobilistes ont abandonné leurs véhicules sur la chaussée, après s'être retrouvés à court d'essence en chemin.

Lors d'un sit-in devant une station-service près du siège de la Banque du Liban, dans le quartier beyrouthin de Hamra, une manifestante a été arrêtée après une altercation avec un agent des Forces de sécurité intérieure. La jeune femme, identifiée par la LBC comme Dana Hammoud, a été transférée à la caserne el-Helou, devant laquelle plusieurs manifestants se sont réunis pour réclamer sa libération. Des manifestants ont également fermé la route principale de Mar Elias, en solidarité avec l'activiste arrêtée. 

Fortement impactés par la grève des stations-service, des dizaines de chauffeurs de taxi en colère ont tenu un sit-in dans le quartier de Cola. "Nous sommes dans la rue à cause du manque d'essence, du manque d'argent, du manque de moyens pour scolariser nos enfants, pour les hospitaliser", se désole l'un d'eux.

A Saïda (Liban-Sud), des dizaines de taxis ont coupé la route à l'entrée nord de la ville, se garant en plein milieu de la chaussée. Des dizaines d'autres ont fait de même au niveau du rond-point Elia, rebaptisé place de la révolution du 17 octobre. L'armée dialoguait avec les contestataires pour rouvrir les routes. Dans cette ville, des manifestants ont forcé la réouverture d'une station-service et obligé les employés s'y trouvant à remplir les réservoirs des véhicules présents, selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle).



(Lire aussi : Retour des réfugiés vs. condamnations du racisme : rassemblements parallèles devant le siège de l'UE)



Pour exprimer leur mécontentement face à cette grève, les Libanais ont coupé plusieurs routes au Liban-Nord, au Liban-Sud, à Hadath (banlieue de Beyrouth) ainsi que sur l'autoroute du nord, au niveau de Jounieh (Kesrouan). Après une brève fermeture de l'autoroute à Nahr el-Mot (au nord de Beyrouth), la circulation a été rouverte. 

Dans la Békaa, des protestataires ont coupé les routes de Marj et de Saadnayel pour protester contre la pénurie d'essence, rapporte notre correspondante Sara Abdallah. Une manifestation s'est également déroulée à Qab Elias.



Photo Philippe Hage Boutros



Face à cette crise, la ministre sortante de l'Energie, Nada Boustani, a entamé dans la soirée des négociations avec les propriétaires de stations-service et les sociétés importatrices de carburant. Ces négociations portent principalement sur le dépôt de garantie requis par la BDL dans le cadre du mécanisme mis en place début octobre pour faciliter les paiements d'importations en dollars. Ce montant équivaut à 15% du montant total requis par les importateurs, à verser en dollars.

Mme Boustani a par ailleurs donné des instructions pour permettre aux propriétaires de générateurs privés de s'approvisionner en mazout auprès des installations pétrolières de Tripoli et Zahrani, conformément à un mécanisme mis en place avec ces installations. Cet approvisionnement se fera au prix officiel du carburant en livres libanaises, selon des informations rapportées par notre correspondante Hoda Chédid. Les propriétaires de générateurs ont de leur côté réitéré, dans un communiqué, leur engagement à assurer la production d'électricité pendant les heures de rationnement de la production de courant par l'Etat.



(Lire aussi : Osez... ou la porte ! Le commentaire d’Élie Fayad)



Grève des agents de change
Dénonçant la corruption et l'incompétence de la classe politique, mais aussi une détérioration continue des conditions de vie, des centaines de milliers de libanais battent le pavé dans tout le pays depuis le 17 octobre. Les manifestants veulent des mesures rapides pour redresser l'économie, mais refusent que les plus démunis en payent le prix, dans un pays où un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale. Le pays connaît aussi une crise de liquidités qui menace les importations et a entraîné une hausse des prix. Les importateurs de carburants, mais aussi de matériel médical, ont tiré la sonnette d'alarme. Car si le dollar est couramment utilisé au quotidien, des restrictions de plus en plus sévères ont été adoptées depuis plusieurs mois sur l'obtention du billet vert dans les banques, et la situation s'est aggravée avec la contestation.

Dans ce contexte, les bureaux de change entamaient eux aussi vendredi une première journée de fermeture. Les changeurs dénoncent les accusations à leur encontre. Les stations-service quant à elles réclament à l’État un mécanisme couvrant 100% de leurs achats de carburant en dollar, alors que celui mis en place par la Banque du Liban n'en couvre que 85%, un taux jugé inacceptable par les propriétaires des stations en question.



(Lire aussi : Les émissaires se succèdent au Liban et repartent avec le même constat affligeant)



Actions ciblées
Par ailleurs, depuis le début de la journée, des actions ciblées contre diverses institutions et administrations publiques se poursuivaient, notamment devant la direction de la TVA à Beyrouth, où la tension était montée dans la matinée après l'intervention des forces de l'ordre.

Dès 6h ce matin, quelques dizaines de protestataires ont ainsi bloqué pendant quelques heures, tôt le matin, l'entrée au bâtiment de la direction de la TVA, situé sur la Corniche du fleuve, à proximité du palais de Justice de Beyrouth. "Révolution !", scandaient plusieurs d'entre eux qui voulaient empêcher les fonctionnaires de regagner leurs bureaux. Ces derniers ont toutefois réussi à y pénétrer depuis une entrée située à l'arrière du bâtiment. Peu après 9h, des bousculades ont éclaté et les forces anti-émeutes ont été déployées sur place, tentant d'empêcher les protestataires de rester sur place. Mais ceux-ci ne décoléraient pas, et ont été rejoints par d'autres manifestants venus grossir leurs rangs sur les lieux du sit-in. Certains d'entre eux dénonçaient le fait que des fonctionnaires soient simplement venus pour marquer leur présence afin d'être payés, avant de quitter leurs bureaux. La veille, un sit-in similaire s'était également tenu devant cette administration.

En début de soirée, des étudiants de l'Université libanaise ont organisé une manifestation "symbolique" devant le siège de la BDL dans le quartier de Hamra, selon l'Ani. 

Parallèlement, à Zahlé, dans la Békaa, un groupe de manifestants a tenu un sit-in devant la branche de la Banque du Liban pour exprimer leur mécontentement face à la chute du cours de la livre libanaise, qui avait atteint jeudi le pic de 2 300 livres pour un dollar.

A Baalbeck, le chanteur et joueur de oud libanais Marcel Khalifé a donné un concert devant une foule nombreuse. Cette initiative entre dans le cadre d'une "tournée" que fait le musicien sur de nombreuses places de la révolte libanaise. 



Des manifestants rassemblés le 29 novembre 2019 devant le siège de la Banque du Liban à Zahlé.
Photo Sarah Abadallah



A Nabatiyé, au Liban-Sud, des protestataires de la localité et de celle, voisine, de Kfar Remmane ont également manifesté devant le siège local de la BDL, condamnant la hausse du taux de change de la livre par rapport au dollar. Les manifestants se sont ensuite rendus en procession jusqu'au sérail de Nabatiyé et devant les différentes banques, scandant des slogans contre "la politique de faillite" des établissements bancaires. Des protestataires ont également pénétré dans plusieurs banques privées dans la région, afin de crier leur colère.

A Mazboud, dans l'Iqlim al-Kharroub, des protestataires se sont rassemblés devant le siège d’Électricité du Liban, forçant les employés à évacuer leurs bureaux. Dans le village de Chehim, des manifestants ont bloqué les accès au bureau de l'Office des Eaux et celui d'Ogero, la société qui gère le réseau télécom libanais.


Des manifestants à Chehim, dans l'Iqlim al-Kharroub, le 29 novembre 2019. Photo ANI


Dans le Nord, à Bohsas, des manifestants ont tenu un sit-in devant l'office d'Électricité de Kadicha, appelant les fonctionnaires à quitter les lieux.



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commentaires (7)

Cela va durer encore longtemps cet irrespect envers la population ? Vous n'avez pas honte ? il y a longtemps que vous auriez dû prendre la petite porte et fuir loin, très loin, vous brillez seulement par votre absence,votre silence, peut-être la peur vous gagne-t-elle ? Allez sauvez-vous, et laissez la place à des gens compétents, pensez au cadeau de Noël que vous pourriez offrir au Liban !

Brunet Odile

21 h 58, le 29 novembre 2019

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Commentaires (7)

  • Cela va durer encore longtemps cet irrespect envers la population ? Vous n'avez pas honte ? il y a longtemps que vous auriez dû prendre la petite porte et fuir loin, très loin, vous brillez seulement par votre absence,votre silence, peut-être la peur vous gagne-t-elle ? Allez sauvez-vous, et laissez la place à des gens compétents, pensez au cadeau de Noël que vous pourriez offrir au Liban !

    Brunet Odile

    21 h 58, le 29 novembre 2019

  • Il faudrait attendre à peu près 2 semaines pour la première cargaison de carburant, selon la ministre de l'énergie. Entretemps, éteigner vos moteurs! En réalité, cette nouvelle crise ne devrait pas arriver s'il y a eu un dialogue objectif entre le ministère et les autres parties. Une petite correction entre 750 et 1000 livres (calcul à l'appui), nous aurait évité le marché noir qui ajoute 5000 livres aux 20 litres, sans compter les possibles manipulations au compteur. Tout ceci en attendant le carburant importé par le ministère. Mais en fait, tout le monde se dérobe.

    Esber

    19 h 02, le 29 novembre 2019

  • C,EST LE BORDEL A L,ECHELLE NATIONALE ! QUELLE HONTE ! DEGAGEZ-LES !

    LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

    18 h 39, le 29 novembre 2019

  • Plus rien ne fonction dans le pays, le Hezbollah largement payé n'a que faire des problèmes libanais Berry comme Hn n'ont aucun soucis

    FAKHOURI

    18 h 35, le 29 novembre 2019

  • Plud rien ne fonctionne dans le pays Un Président emmuré dans sa forteresse, Le hezboll

    FAKHOURI

    18 h 33, le 29 novembre 2019

  • LES TENSIONS MONTENT PARTOUT MAIS LEUR MULTIPLICATION DEVIE LA CONTESTATION DE SON BUT PRINCIPAL QUI EST LA REVENDICATION DE LA FORMATION D,UN GOUVERNEMENT DE TECHNOCRATES INDEPENDANTS.

    LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

    13 h 39, le 29 novembre 2019

  • Quand le chat est absent les souris dansent .

    Antoine Sabbagha

    12 h 43, le 29 novembre 2019

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