Le président Aoun recevant l’émissaire de la Ligue arabe. Photo ANI
Après les émissaires français et britannique, c’est le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Houssam Zaki, qui a effectué hier une tournée auprès des responsables libanais, répétant le même message que les envoyés occidentaux : « La solution à la crise doit venir des Libanais eux-mêmes. » Et le diplomate égyptien, qui a notamment rencontré le chef de l’État, le Premier ministre démissionnaire et le président du Parlement, repart avec le même constat affligeant : la classe politique est prisonnière de ses divergences et ne semble pas réaliser l’ampleur de la catastrophe économique qui guette le pays.
M. Zaki a clairement déclaré, à l’issue de son entretien avec le président Michel Aoun, que « la situation au Liban n’est pas facile, car il y a une crise politique, des dangers économiques et une instabilité dans la rue ». « Nous sommes prêts à contribuer à un règlement de la crise, mais la résolution doit venir des Libanais eux-mêmes », a cependant ajouté le diplomate égyptien.
Après son entrevue avec le Premier ministre démissionnaire Saad Hariri, il a déclaré que « la situation nous inquiète aujourd’hui, car elle comporte les éléments d’une crise politique et d’une situation économique critique, ainsi qu’une mobilisation dans la rue ». « Tout le monde sait que les protestataires ont des demandes justes, de l’aveu de tous les responsables politiques libanais, et nous comprenons cela, a-t-il ajouté. Mais la mobilisation dans la rue a un coût économique qui aggrave la situation, et cela nécessite de soutenir le Liban et les Libanais. »
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Tout en indiquant être venu « afin de proposer notre aide au Liban et lui dire qu’il n’est pas seul » et en soulignant que « la Ligue se tient aux côtés du Liban en ces temps de crise », il a assuré qu’il n’était porteur d’aucune initiative et ne menait pas de médiation dans la crise. Comme lui, l’émissaire du président français Emmanuel Macron, Christophe Farnaud, et l’envoyé britannique Richard Moore, directeur des affaires politiques au ministère britannique des Affaires étrangères, avaient fait la tournée des responsables au cours des deux dernières semaines avant de repartir avec le même constat d’impuissance face à une classe politique qui n’arrive pas à mettre l’intérêt du pays en premier.
Selon une source diplomatique, Paris œuvre toutefois à la tenue d’une réunion du Groupe international de soutien au Liban, qui pourrait avoir lieu la semaine prochaine dans la capitale française. Ce groupe est composé de la France, l’Allemagne, l’Italie, la Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine, l’Union européenne, les Nations unies et la Ligue arabe.
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Exigences et contre-exigences
De son côté, le président Aoun a assuré, après avoir reçu l’émissaire de la Ligue arabe, qu’il poursuivait ses efforts pour « parvenir à une entente au sujet du nouveau gouvernement ». Il a estimé que « la situation actuelle ne peut plus supporter les exigences et les contre-exigences » posées par les différentes parties pour former le cabinet. « Nous devons œuvrer ensemble pour sortir de la crise actuelle », a-t-il ajouté.
Un vœu pieux jusqu’à présent, puisque les consultations parlementaires contraignantes, annoncées dans un premier temps pour cette semaine, ont à nouveau été reportées à la semaine prochaine, alors que le Liban est aujourd’hui sans gouvernement depuis un mois. Selon notre correspondante à Baabda, Hoda Chédid, la décision de reporter les consultations avec les groupes parlementaires a été prise « afin de donner plus de temps aux concertations » au cours du reste de la semaine. D’après les mêmes sources, les différentes parties auraient demandé au chef de l’État « un délai supplémentaire et le président a accepté de leur donner une nouvelle chance de se concerter ».
Sauf qu’il est clair que ces parties politiques n’ont pas besoin de plus de temps pour constater l’ampleur de leurs différences, qui empêchent pour le moment la formation d’un gouvernement.
« Je ne sais pas si les responsables réalisent l’ampleur de la crise. Il est nécessaire que chaque partie fasse des concessions », commente un ancien ministre qui a requis l’anonymat. Il estime indispensable de former en l’étape actuelle un gouvernement de transition composé de technocrates et considère que les figures politiques doivent « s’effacer pour le moment pour laisser un tel cabinet travailler ». « Mais certaines parties politiques continuent de s’accrocher à tel ou tel portefeuille ministériel », au risque de vouloir former un gouvernement « avec les mêmes vieilles figures », ignorant totalement les revendications de la rue, ajoute-t-il.Hier en soirée, la présidence a annoncé être prête à tenir, aujourd’hui, une réunion de haut niveau sur la situation financière. Y participeront les ministres sortants des Finances, de l’Économie et des Technologies de l’information, respectivement Ali Hassan Khalil, Mansour Bteich et Adel Afiouni, le ministre d’État chargé des Affaires présidentielles, Salim Jreissati, ainsi que le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, le président de l’Association des banques libanaise, Salim Sfeir, le chef de la commission de contrôle des banques, Samir Hammoud, et le conseiller économique de Saad Hariri, Nadim Mounla.
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Attaques contre le gouvernement sortant
Dans ce contexte de tensions, le camp du 8 Mars a poursuivi hier ses attaques contre le gouvernement démissionnaire, l’accusant de faillir à ses responsabilités. Après les critiques formulées mercredi par le président du Parlement Nabih Berry, le groupe parlementaire du Hezbollah a estimé que « le gouvernement démissionnaire est tenu constitutionnellement d’accomplir son devoir, de veiller à la bonne marche des affaires de l’État et d’assumer ses responsabilités à l’égard du peuple libanais, notamment au vu de la hausse des prix et de la dégringolade de la monnaie nationale ».
Il s’agit peut-être d’une façon d’ouvrir la voie à une réactivation du gouvernement sortant, face à l’impossibilité d’en former un nouveau, estimait hier un observateur, relevant qu’il s’agit d’un procédé éculé revenant à chaque crise gouvernementale au Liban.
Le groupe parlementaire de la Fidélité à la résistance a par ailleurs accusé certaines parties de « susciter de manière méthodique des tensions dans la rue et d’exacerber des sensibilités confessionnelles et communautaires », alors que ce sont surtout les partisans du Hezbollah et ses alliés, scandant des slogans sectaires, qui ont attaqué les manifestants pacifiques au cours des derniers jours.
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commentaires (7)
On veut à tout prix assigner à Saad Hariri un gouvernement formé par les autres. Entretemps,on le gronde pour n'avoir pas continué à assumer son devoir. En résumé, coûte que coûte, il doit rester chef de gouvernement ,peu importe démissionnaire ou en fonction!
Esber
15 h 17, le 29 novembre 2019