Le directeur général des douanes libanaises, Badri Daher. Photo d'archives Ani
Le procureur financier Ali Ibrahim a engagé des poursuites, jeudi, contre le directeur général des douanes libanaises, Badri Daher, pour dilapidation de fonds publics, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), alors que plusieurs actions en justice ont été lancées ces derniers jours contre des responsables de premier rang, sur fond de contestation populaire inédite dans la rue depuis le 17 octobre. Aucun détail supplémentaire sur les poursuites contre M. Daher n'était disponible pour le moment.
D'après l'Ani, le parquet général a ordonné une enquête concernant "tous les ministres des gouvernements successifs depuis 1990 à ce jour". Cette décision fait suite à une plainte déposée par des avocats contre ces responsables, notamment pour les chefs d'accusation de "détournements de fonds publics", "gaspillage de fonds publics à des fins personnelles" et "abus de pouvoir qui ont engendré des dommages importants aux citoyens libanais", toujours selon l'agence.
Lors d'une conférence de presse, M. Daher s'est défendu des accusations "injustifiées" à son encontre. Il a dans ce cadre reproché aux Libanais "de croire aveuglément tout ce qu'on leur dit". Il a affirmé qu'il "applique les lois" en ce qui concerne la transparence et la lutte contre la corruption et qu'il est prêt à coopérer avec la justice et "fournir toutes les informations nécessaires" concernant les dossiers pour lesquels il est accusé de corruption. Il a annoncé avoir récemment "supprimé de nombreuses étapes" de la procédure à suivre pour faire entrer des biens dans le pays, parce que, selon lui, ce grand nombre d'étapes, et par conséquent d'intermédiaires, "alimente la corruption, soit de la part des employés, soit des citoyens". Il a par ailleurs accusé "ceux qui sont réellement corrompus" d'alimenter la campagne menée contre lui.
Mardi, le directeur des douanes avait déposé une plainte pour diffamation contre la chaîne de télévision al-Jadeed qui avait diffusé la semaine dernière un long reportage sur la corruption au Liban. Via son avocat Georges Khoury, M. Daher avait déposé plainte contre la chaîne et les journalistes Georges Salibi et Riad Kobeissy, devant le bureau du procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, en raison des "attaques" dont il a été la cible dans le reportage titré "A bas le règne des corrompus". Dans ce reportage de plus de trois heures, les reporters exposent une quinzaine de dossiers de corruption, touchant de nombreuses administrations publiques, notamment les douanes, la justice, le ministère de l'Education et le secteur des télécommunications.
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Parallèlement, le juge Ibrahim a auditionné jeudi pendant plus de trois heures l'ancien Premier ministre Fouad Siniora dans le cadre des soupçons de dépenses de onze milliards de dollars entre 2006 et 2008, alors qu'il était chef de gouvernement.
Mercredi, le procureur financier avait en outre lancé des poursuites pour blanchiment d'argent et échange de pots-de-vin contre le président de l'Agence pour la sécurité de l'aviation civile à l'Aéroport international de Beyrouth, Omar Kaddouha.
Le juge Ibrahim a déjà lancé dernièrement plusieurs procédures contre des responsables et sociétés accusés de corruption. Hier encore, il a engagé des poursuites contre l'ancien ministre Fayez Chokr (Parti syrien national social) pour "négligence dans l’exercice de sa fonction", suite à une plainte déposée par le collectif d’avocats "Moutahidoun". Le groupe rapporte que "M. Chokr, qui est médecin de métier, était enregistré auprès de la Caisse nationale de Sécurité sociale en tant que médecin observateur sans avoir jamais honoré sa mission", révèle une source proche du dossier à L’Orient-Le Jour. Lundi, le procureur avait engagé des poursuites judiciaires contre le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) et plusieurs sociétés pour gaspillage de fonds publics dans le dossier du barrage de Brissa, sur les hauteurs de Denniyé (Liban-Nord). Ce barrage n’a jamais été en mesure, depuis son inauguration en 2001, de stocker efficacement de l’eau.
Ces actions en justice interviennent au moment où le Liban connaît une contestation populaire inédite qui touche tout le territoire depuis le 17 octobre. Les Libanais réclament, par dizaines de milliers, la chute de la classe dirigeante, accusée de corruption.
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commentaires (12)
Avec toutes les enquêtes à mener et tous les procès qui vont suivre, si on veut vraiment faire rendre gorge à tous les voleurs le parquet financier ne va plus pouvoir suivre et devra embaucher du personnel ! Enfin une bonne nouvelle: cela va réduire le chômage !
Yves Prevost
22 h 18, le 07 novembre 2019