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À La Une - Liban

Des dizaines de milliers de manifestants dans le centre-ville de Beyrouth pour un "dimanche de l'unité"

"Nous ne voulons plus être divisés", déclare un étudiant présent dans le centre-ville. 

Un manifestant brandissant un drapeau libanais au milieu de la foule rassemblée le 3 novembre 2019 sur la place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth lors d'une manifestant contre le pouvoir en place. Photo REUTERS/Andres Martinez Casares

Des milliers de manifestants de tout le Liban se sont rassemblés dimanche dans le centre-ville de Beyrouth, épicentre de la mobilisation inédite que connaît le pays depuis le 17 octobre contre toute la classe politique. Les manifestations anti-pouvoir de ce dimanche sont placées sous le slogan "dimanche de l'unité" et interviennent quelques heures après un important rassemblement à Baabda en soutien au président Michel Aoun.

Depuis le centre de la capitale, de nombreux appels étaient lancés dans la soirée à une grève générale et à la fermeture des routes de tout le territoire à partir de lundi et jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement soit formé.

En début de soirée, Mahdi Karimeh, connu sous le nom de DJ Madi K et rebaptisé "le DJ de la révolution", qui anime depuis le début de la contestation les soirées de Tripoli, a fait danser les Beyrouthins. "Je suis venu à Beyrouth pour que le souffle de la révolte continue", a-t-il déclaré. 

Si samedi, la mobilisation était en net reflux dans le centre-ville de Beyrouth, après la démission, mardi, du Premier ministre Saad Hariri et la réouverture des écoles et des banques en fin de semaine, ainsi que la levée des blocages de la grande majorité des routes à travers le pays, la mobilisation restait forte à Tripoli, capitale du Liban-Nord. Des milliers de manifestants se sont rassemblés samedi soir sur la place al-Nour, cœur de la mobilisation. Dans la foule se trouvaient des protestataires venus des quatre coins du pays pour une mobilisation sous le signe de l'union. 


(Lire aussi : La société civile s’impatiente et réclame un gouvernement indépendant, sinon...)



"La révolution n'est pas terminée"
"Nous sommes descendus pour répondre à la manifestation qui a eu lieu plus tôt aujourd'hui à Baabda" en soutien au chef de l'Etat, a indiqué dimanche un couple présent dans le centre-ville de Beyrouth à notre journaliste sur place Suzanne Baaklini. Ils ont affirmé "ne pas comprendre comment 24.000 personnes, selon certaines estimations, peuvent aller à l'encontre de la volonté de tout un peuple", qui réclame la chute de tout le régime politique, sans exception. Ils ont dénoncé que les responsables récupèrent "les discours des manifestants", soulignant toutefois que ces derniers "ne se laisseront ni séduire ni provoquer". Concernant la formation du futur gouvernement, ils ont estimé que le peuple "ne va plus lâcher prise" et que si les noms des futurs ministres ne sont pas satisfaisants pour les Libanais, "ils descendront encore et encore" manifester dans les rues du pays.

Venu avec ses enfants, un père de famille beyrouthin a affirmé être descendu dans la rue "pour prouver que la révolution n'est pas terminée et que rien ne l'arrêtera". Il a critiqué les discours prononcés ce matin par le chef du CPL et le président libanais qu'il a qualifié de "provocateurs", les accusant de vouloir "récupérer les acquis de la révolution". "Nous descendrons manifester jusqu'à ce qu'un gouvernement neutre, à la hauteur des attentes de la rue, soit formé le plus rapidement possible", a-t-il assuré. 

Pour sa part, un étudiant originaire de la Montagne, a critiqué les dirigeants "qui n'ont pas compris que la révolution est contre eux et continuent de vouloir diviser les Libanais". "Cela n'arrivera plus", a-t-il estimé. Les autorités "essaient de nous intimider mais si nous devions avoir peur, nous ne serions plus descendus manifester", a ajouté le manifestant qui a accusé par ailleurs la classe dirigeante de "détruire sciemment l'Université libanaise afin de pousser les étudiants à s'inscrire dans des universités privées, dont les diplômes ne sont pas reconnus". Pour assurer leur avenir, ils sont donc venus tous les jours manifester à Beyrouth, même s'ils devaient s'y rendre à pied en raison des fermetures des routes, a-t-il raconté. "Nous sommes d'une autre génération que nos parents. Nos parents sont de la génération de la guerre, ils ont peur des personnes des autres religions. Mais nous sommes différents. Nous avons des amis de tous les horizons et ne voulons plus être divisés", a-t-il ajouté.



(Lire aussi : Paniers percés, l'éditorial de Issa GORAIEB)



Partie du Musée national à Beyrouth, une marche féministe rassemblant quelques centaines de femmes et d'hommes, s'était dirigée plus tôt dans la journée, vers la place des Martyrs."Notre révolution est féministe", pouvait-on lire en rouge sur une bannière brandie par des manifestantes. "Allez révolte-toi Beyrouth", "Haussez le ton, le machisme doit être éliminé", ont scandé les protestataires, au rythme de tambours."Il est très important qu'il y ait une vraie justice sociale et que les demandes des femmes soient entendues", a déclaré Sarah Bukhari, 28 ans, qui travaille dans une ONG féministe et réclame "l'égalité des genres".

Dans la rue menant à la place Riad el-Solh, enveloppés dans des draps blancs, une corde autour du cou accrochée à une potence, trois manifestants alignés miment la mise à mort des maux dont souffrent encore le pays selon eux : le confessionnalisme, la guerre civile et la corruption.



Des manifestants libanais mimant la mise à mort du confessionnalisme, de la corruption et de la guerre civile, dans le centre-ville de Beyrouth, le 3 novembre 2019. Photo AFP / Patrick BAZ



"Les Libanais ont perdu confiance en l'Etat", reconnaît Aoun
A Baabda dimanche matin, les participants ont dénoncé les manifestants anti-pouvoir qui réclament le départ de Michel Aoun, tout en disant qu'ils partageaient les demandes de la contestation -réformes et lutte contre la corruption- et que le chef de l'Etat était le seul qui pouvait les concrétiser. Avec ses alliés, notamment le Hezbollah, la formation de M. Aoun domine le Parlement.

Lors de ce rassemblement, Michel Aoun et Gebran Bassil se sont exprimés. "Vous êtes venus pour me soutenir. Je vous dis que je suis avec vous. Je vous aime tous, c'est-à-dire tous", a lancé le président Aoun lors d'une allocution télévisée prononcée au palais de Baabda et diffusée sur les écrans installés le long de le route menant au palais présidentiel, en référence au slogan des manifestants "Tous veut dire tous" (Kellon yaani kellon). "Les Libanais ont perdu confiance en l'Etat. Nous devons restaurer cette confiance (...) Certains essaient de pousser à un affrontement des rues. Ceci ne doit pas se produire. La lutte contre corruption, l'amélioration de l'économie et la construction d'un État civil demandent l'effort de tous ceux qui ont des revendications légitimes", a également affirmé le chef de l’État.

"Vous dites 'Tous, c'est à dire tous', mais tout le monde n'est pas corrompu. Si vous vous en prenez à tout le monde, les corrompus et les autres, il ne peut pas y avoir de reddition des comptes. Nous ne devons pas être la cible des symboles de la corruption, et celle de leurs victimes", a déclaré, pour sa part, le chef du courant aouniste Gebran Bassil. "L'objectif politique de certains était de renverser le mandat, mais personne ne peut nous éliminer, car nous sommes aussi le peuple", a-t-il ajouté, dénonçant les insultes dont il a été la cible.

Mardi dernier, le Premier ministre Saad Hariri a annoncé la démission de son gouvernement. Samedi, le bureau de presse de la présidence libanaise a publié un communiqué se défendant de tout retard dans le lancement des consultations parlementaires contraignantes par le chef de l’État pour désigner un nouveau Premier ministre, ajoutant qu'il était nécessaire de gérer la situation calmement et sans précipitation.

Les manifestants réclament la formation d'une nouvelle équipe ministérielle composée de technocrates. Par le passé, ils ont aussi réclamé la dissolution du Parlement.


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commentaires (5)

Ce n'est pas en repoussant sine die les consultations parlementaires et donc la formation du gouvernement qu'on va regagner la confiance du peuple.

Yves Prevost

22 h 32, le 03 novembre 2019

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Commentaires (5)

  • Ce n'est pas en repoussant sine die les consultations parlementaires et donc la formation du gouvernement qu'on va regagner la confiance du peuple.

    Yves Prevost

    22 h 32, le 03 novembre 2019

  • Un "dimanche de l'unité"qui s'impose par une masse populaire qui vient de déclarer la grève ouverte. Et à bon entendeur salut .

    Antoine Sabbagha

    19 h 33, le 03 novembre 2019

  • Des féministes, des dj...et on parle de laïcité à réaliser en 15 jours !! On ne l'a pas fait depuis l'indépendance, on veut la faire en 15 jours ?????? Ya wayleh ya Lebnen.

    FRIK-A-FRAK

    18 h 38, le 03 novembre 2019

  • GRANDIOSE CETTE IMMENSE MANIFESTATION DE LA CONTESTATION DU PEUPLE LIBANAIS CAR ELLE EST COMPOSEE DE TOUS LES CITOYENS DE TOUTES LES CONFESSIONS ET NON D,UN SEUL PARTI COMME UNE AUTRE CONTRE MANIFESTATION.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 45, le 03 novembre 2019

  • M. Gebran Bassil continue ses discours populistes, il semble ne pas avoir compris que c'est exactement pour cela qu'il est mal-aimé...

    Mike

    17 h 24, le 03 novembre 2019

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