Des militants du CPL sur la route du palais présidentiel de Baabda, le 3 novembre 2019. Photo Ani
Les partisans du Courant patriotique libre, dirigé par Gebran Bassil et fondé par le président Michel Aoun, deux des cibles privilégiées du mouvement de contestation contre le classe dirigeante, qui est entré dans son 18ème jour, se sont rassemblés en masse, dimanche en fin de matinée devant le palais de Baabda pour une manifestation de soutien au chef de l'Etat. Des partisans qui ont afflué de tout le pays.
"Nous sommes ici pour le président Aoun qui est le plus honorable. On était avec les manifestations les premiers jours mais pourquoi est-ce qu'ils ne visent que Aoun et Bassil ? Les manifestations ont pris une tournure confessionnelle !", lance Wadad 50 ans, mère de deux enfants, à notre journaliste sur place, Soulayma Mardam Bey. "Et puis, en bloquant les routes, ils nous empêchent de travailler", ajoute-t-elle.
Autour d'elle, les militants chantent "Hela hela ho, Gebran Bassil men Hebbo" (Gebran Bassil, nous l'aimons), un détournement du slogan entendu dans les manifestations contre le pouvoir, mais qui, lui, finissait de manière insultante pour le chef du CPL.
Les militants présents à Baabda, munis de drapeaux libanais, du CPL et de l'écusson de l'armée libanaise, ont exprimé leur soutien au chef de l'Etat, rejetant les accusations de corruption et les insultes dont il a été la cible. S'ils ne rejettent pas nécessairement en bloc tout le mouvement de contestation qui traverse le Liban depuis le 17 octobre, ils estiment qu'il comporte, en son sein, de "faux manifestants" ayant un agenda contre le CPL. Ils disent néanmoins réclamer, à l'instar de ceux qu'ils qualifient de "vrais manifestants", la restitution de l'argent public volé par certains hauts responsables et la levée du secret bancaire des "vrais responsables de la corruption".
"J'étais avec les manifestations les deux premiers jours quand les demandes étaient proches des nôtres : la redevabilité, rendre l'argent volé et avoir un Etat indépendant", explique Georges, un ancien banquier de 72 ans. "Mais je suis là aujourd’hui parce que ça fait des semaines que le président est insulté alors qu'il est le plus propre de tous ! S'il part, le pays sera laissé aux renards", poursuit-il.
"Nous ne sommes pas contre la révolution. Mais nous sommes là aujourd'hui, parce que nous voulons soutenir le président dans sa lutte contre la corruption. Ce sont les ministres et les parlementaires qui l'empêchent de faite son boulot. Nous devons le soutenir contre eux", renchérit, au sein du rassemblement, Lina 17 ans.
Le chef du CPL, Gebran, au coeur de la foule, sur la route menant au palais de Baabda. Photo Ani
Un peu plus loin, Bassam, un auto-entrepreneur de 56 ans, explique être avec Michel Aoun et Gebran Bassil, "parce qu'ils veulent renvoyer les déplacés syriens chez eux". Plus d'un million de réfugiés syriens ayant fui la guerre dans leur pays sont installés au Liban. Les autorités estiment qu'il s'agit d'un trop lourd fardeau à porter et une partie des responsables, dont le chef de l’Etat et le chef sortant de la diplomatie, ont régulièrement appelé à leur rapatriement sans attendre une solution politique en Syrie.
Plusieurs rassemblements de soutien au chef de l'Etat ont eu lieu dans les pays de la diaspora, d'Australie aux Etats-Unis.
Faire revivre le souvenir des rassemblements de 1989
Gebran Bassil puis Michel Aoun ont tenu un discours à l'occasion de ce rassemblement. Le chef du CPL a assuré que "tout le monde n'est pas corrompu", tandis que de son côté, le chef de l'Etat a mis en garde contre un "affrontement des rues".
L'ensemble des ministres et des députés représentant le bloc parlementaire du "Liban fort", dont le CPL est la principale composante, étaient également présents à cet événement.
L'objectif des organisateurs est de faire revivre le souvenir des rassemblements populaires organisés en 1989 devant le Palais de Baabda (baptisé alors la "Maison du peuple"), lorsque le général Michel Aoun, alors chef d'un gouvernement de transition, luttait contre l'armée syrienne.
A la veille de ce rassemblement, des militants rejoints par les ministres sortants Elias Bou Saab, Ghassan Atallah et Nada Boustani, s'étaient retrouvés samedi soir sur la route menant au palais.
(Lire aussi : La « thaoura » libanaise n’a pas besoin d’homme providentiel)
Joumblatt : "certains sapent la Constitution"
Dans la journée, le leader druze Walid Joumblatt s'en est de nouveau pris dimanche au CPL et à son chef. "A l'apogée de la crise politique, et ses répercussions économiques et sociales, que subit le pays, et après que le mouvement populaire a renversé la majorité de la classe politique, certains sapent la Constitution sous le slogan 'La formation avant la désignation' en faveur des intérêts hégémoniques d'un individu et d'un courant politique absurde", a écrit M. Joumblatt sur son compte Twitter, en référence à M. Bassil et au CPL.
Le chef de l’État doit lancer dans les tout prochains jours les consultations parlementaires contraignantes afin de désigner un nouveau Premier ministre, après la démission du cabinet de Saad Hariri sous la pression de la rue, mardi.
Jeudi soir, le président de la République s'était adressé aux Libanais dans un discours solennel à l'occasion du mi-parcours de son mandat. Il s'est dit en faveur de ministres choisis pour leurs "compétences" et "non en fonction de leur affiliation politique".
Des manifestations anti-pouvoir sont elles prévues dimanche après-midi au cœur de Beyrouth, sur la place des Martyrs, épicentre de la contestation depuis le 17 octobre: les protestataires y réclament "la chute du régime" et fustigent des dirigeants politiques jugés corrompus et incompétents.
Samedi soir, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Tripoli, où la mobilisation a attiré des libanais de tout le pays. Ces derniers jours le pays a néanmoins retrouvé un semblant de normalité avec la réouverture des banques et des écoles, fermées pendant deux semaines. Les barrages routiers, installés par les contestataires pour gêner les autorités, ont été progressivement levés.
La révolte populaire libanaise a été déclenchée le 17 octobre après l'annonce surprise d'une taxe sur les appels via les messageries instantanées comme WhatsApp. Cette mesure a été vite annulée, mais la colère ne s'est pas apaisée contre la classe dirigeante, jugée incompétente et corrompue dans un pays qui manque d'électricité, d'eau ou de services médicaux de base trente ans après la fin de la guerre civile (1975-1990).
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OLJ, can you please provide an estimate of the number of people in this demonstration of support for the FPM ? The President fails to recognize that he’s no longer the leader of a political party. He’s instead responsible for and should answer to all Lebanese including those who do not support him or did not for the FPM. He seems to live in an ivory tower, oblivious to what is happening around him, and the magnitude of the demonstrations that utterly reject this elitist political class including him and his son in law. With great power comes great responsibility. Unfortunately, his power has not been put to good use, to advance the interests of the people.
Mireille Kang
23 h 28, le 03 novembre 2019