Les consultations parlementaires de rigueur pour nommer un nouveau Premier ministre devraient se tenir lundi ou mardi, selon des sources informées, et seront en tout cas achevées en un seul jour. Les consultations sur le choix du Premier minsitre et la forme du futur gouvernement iront de pair. « Il vaut mieux retarder les consultations de quelques jours plutôt que de nommer un Premier ministre et ensuite négocier la formation du gouvernement pendant des mois, comme l’ont montré les processus de formation précédentes », indiquent ces sources. Quelle formule de gouvernement envisage-t-on ? C’était hier soir la grande question à laquelle il est difficile de répondre précisément. Jeudi, dans un discours télévisé, le président Michel Aoun avait affirmé être en faveur d’un gouvernement dans lequel les ministres seront « choisis pour leurs compétences et non en fonction de leur affiliation politique ». Tout ce qu’il était possible de prévoir, hier soir, c’est qu’il s’agira d’un gouvernement politique ou encore « techno-politique », mais non parlementaire, dont seuls les portefeuilles dits régaliens (Intérieur, Défense, Affaires étrangères et Finances) seraient confiés à des politiques. Sera-t-il présidé par Saad Hariri ou par une personnalité apparentée au courant du Futur ? Voilà ce qu’il n’était pas encore possible de préciser, et le chef du gouvernement sortant aura certainement son mot à dire là-dessus, quelles que soient les objections formulées à ce sujet par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil.
Très attendu hier, le discours du secrétaire général de Hezbollah, Hassan Nasrallah, n’a apporté sur la question du nouveau gouvernement, et délibérément, aucun éclairage. Le secrétaire général du parti chiite a espéré que la période d’expédition des affaires courantes soit la plus courte possible, redoutant – non sans une certaine perversité – que le programme de réformes adopté en hâte par le Premier ministre sortant, sous la pression de la rue, ne reste lettre morte durant la période intérimaire… Par ailleurs, le chef du Hezbollah a prodigué des conseils relativement communs : il faut, a-t-il dit, que le nouvel exécutif œuvre à regagner la confiance des Libanais, pratique la transparence, fasse preuve d’ouverture au dialogue avec la société civile et, enfin, soit attaché à la souveraineté du Liban, en d’autres termes qu’il ne soit pas à l’écoute des ambassades, en particulier de l’ambassade américaine. Cette réserve sur la période à venir a été expliquée de diverses manières. Prudence et volonté de ne pas anticiper sur les prochaines consultations ; volonté de ne pas répéter l’erreur commise dans un discours précédent, où le secrétaire général du Hezbollah s’était aventuré à déclarer que la démission du gouvernement « n’était pas envisageable » ; volonté de maintenir ouverts des canaux de communication avec la société civile, voilà trois des explications avancées par une source informée.
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L’avant et l’après-17 octobre
Par ailleurs, alors que le CPL endossait le discours à la nation prononcé par le chef de l’État, sans s’aventurer à donner plus de détails sur ses options, les Forces libanaises, par la voix de Samir Geagea, décidaient de défendre l’idée d’un gouvernement non parlementaire formé de personnalités à la fois compétentes et intègres, non affiliées à des partis. « Pas question d’un gouvernement où ceux qui seraient sortis par la porte rentreraient par la fenêtre », a lancé hier Samir Geagea, qui a estimé que « l’après-17 octobre ne sera pas comme l’avant ».
On sait enfin que le chef de l’Église maronite s’est prononcé pour un cabinet de spécialistes – alternative pour le mot technocrate, qui sent trop le technicien sans âme –, entièrement formé de « visages neufs ».
La « société civile » sera-t-elle consultée ? est-on en droit de s’interroger. Selon une source proche du chef de l’État, il existe des canaux de communication, indirects jusqu’à présent, avec certaines des figures de la société civile ayant émergé ces deux dernières semaines. Des personnalités académiques et, par ailleurs, d’autres traditionnellement mises à contribution dans les médiations seraient activement engagées dans ces contacts.
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Mais, dans ces milieux, on affirme que les grandes figures du soulèvement d’octobre hésitent à se mettre en avant et préfèrent toujours le rôle de « conducteur du siège arrière ». En tout état de cause, on assure de source proche de la société civile que la participation au pouvoir politique est conditionnelle, l’objectif du soulèvement étant non seulement de faire chuter des structures de corruption bien rodées, mais de rétablir la démocratie au Liban en éliminant ce qui la vicie à la base, la confusion des pouvoirs exécutif et législatif, et l’abolition de la règle de l’alternance, pour ne rien dire de l’hérésie du tiers de blocage.
En tout état de cause, des observateurs de la société civile suivent de près les tractations en cours, indépendamment de la manifestation d’appui au chef de l’État prévue dimanche à Baabda, et se préparent à prendre de nouveau la rue si, mardi soir, rien de concret n’apparaît à l’horizon gouvernemental.
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commentaires (15)
Je prévois du grabuge !
Chucri Abboud
22 h 54, le 03 novembre 2019