Des milliers de manifestants se sont rassemblés samedi soir à Tripoli, grande ville du nord du Liban, qui a attiré des protestataires venus des quatre coins du pays pour une mobilisation sous le signe de l'union. Depuis le 17 octobre, des manifestations massives se tiennent au Liban contre une classe dirigeante jugée corrompue et incompétente. Elles ont paralysé le pays pendant près de deux semaines.
A Beyrouth, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés place Riad el-Solh avant de se rendre à la Banque du Liban. Mais les manifestants étaient moins nombreux que les jours précédents, le mot d'ordre étant de se joindre au sit-in de Tripoli, selon des militants.
En effet, des manifestants venus de différentes régions libanaises se sont rendus à la place al-Nour à Tripoli. Des bus ont assuré le transport de manifestants de Beyrouth jusqu'à la capitale du nord. Des convois de voitures sont également partis de Jal el-Dib. En soirée, plusieurs milliers de manifestants se sont regroupés sur la place al-Nour exhibant des drapeaux libanais et brandissant leur téléphone portable pour illuminer le lieu, avant d'entonner l'hymne national. Une marche avait également eu lieu dans la ville, où des manifestants brandissaient des banderoles réclamant que "l'argent pillé soit rendu" et que "les corrompus rendent des comptes".
A Abdé, au Akkar, les manifestants ont coupé le rond-point de la ville.
A Saïda, au Liban-Sud, où des heurts entre l’armée et des manifestants ont fait cinq blessés hier soir sur la place Élia, cœur de la contestation contre le pouvoir dans cette ville, les routes ont été rouvertes à la circulation par les militaires, notamment la place en question. En soirée, les manifestants se sont toutefois massivement rassemblés sur la place où l'armée était présente en force. Des coups de feu d'origine inconnue ont été entendus à l'aube et une enquête est en cours pour déterminer l'identité du ou des tireurs. Il n'a pas été possible de vérifier si ces tirs sont liés à la contestation ou non.
Au Hermel, des dizaines de manifestants se sont rassemblés devant le Sérail.
De manière générale, les routes du pays, qui étaient fermées presque quotidiennement par des dizaines de milliers de protestataires qui réclament le départ de la classe dirigeante, étaient rouvertes à la circulation. Mais cette fois, ce sont les fortes pluies qui ont inondé certains axes, comme à Mansourieh et Jisr el-Bacha, en banlieue de Beyrouth, en raison de la vétusté chronique des infrastructure routières.
C'est demain que la contestation pourrait regagner de l'ampleur, avec un appel à une manifestation dans l'après-midi dans le centre-ville de Beyrouth, sous le slogan du "dimanche de l'unité", pour réclamer la formation au plus vite d'un gouvernement d'experts. Auparavant, le Courant patriotique libre a appelé ses partisans à participer à une manifestation de soutien au chef de l’État dans le périmètre du palais présidentiel à 11h30, et qui devrait être marquée par un discours du chef du CPL Gebran Bassil. A la veille de ce rassemblement, des partisans du président Aoun se sont retrouvés samedi soir sur la route menant au Palais présidentiel. Ils ont été rejoints par les ministres sortants Elias Bou Saab, Ghassan Atallah et Nada Boustany.
(Lire aussi : Paniers percés, l'édito de Issa GORAIEB)
"Vous allez tous mourir"
Plus au sud, dans la ville de Tyr, au niveau du rond-point Joumblatt, la police a été dépêchée devant une branche de la banque MEAB où une affiche a été collée et sur laquelle des menaces de faire exploser l'établissement ont été écrites. "La banque va bientôt sauter. La détonation se fera à distance. Vous allez tous mourir", était-il écrit sur cette affiche. Un suspect a été arrêté par les forces de l'ordre. Il a avoué être l'auteur de ces menaces, affirmant avoir fait cela "pour des raisons personnelles". Plus tard, la banque a publié un communiqué indiquant que le suspect, Z.M. souffrait de "problèmes psychologiques".
En outre, un jeune manifestant, S. Gh., 28 ans, qui avait été battu hier par des policiers puis arrêté pour s'être opposé à l'arrestation de quatre manifestants qui se sont introduits dans le siège de l'Association des banques du Liban (ABL), a été libéré samedi sous caution d'élection de domicile.
Ce calme relatif, samedi, intervient au moment où le chef de l’État doit lancer les consultations parlementaires contraignantes afin de désigner un nouveau Premier ministre, après la démission du cabinet de Saad Hariri sous la pression de la rue mardi.
Dans ce contexte, la chaîne LBCI indique le président Aoun a reçu à Baabda le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, sans plus d'informations.
Jeudi soir, le président de la République s'était adressé aux Libanais dans un discours solennel à l'occasion du mi-parcours de son mandat. Il s'est dit en faveur de ministres choisis pour leurs "compétences" et "non en fonction de leur affiliation politique". Hier, c'est le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a pris la parole, pour la troisième fois en deux semaines, affirmant que le prochain gouvernement devait être celui du regain de la confiance du peuple.
La révolte populaire libanaise a été déclenchée le 17 octobre après l'annonce surprise d'une taxe sur les appels via les messageries instantanées comme WhatsApp. Cette mesure a été vite annulée, mais la colère ne s'est pas apaisée contre la classe dirigeante, jugée incompétente et corrompue dans un pays qui manque d'électricité, d'eau ou de services médicaux de base trente ans après la fin de la guerre civile (1975-1990).
Lire aussi
Place des Martyrs, première rencontre entre les militants des différentes places de la contestation
Consultations parlementaires : le bureau de presse de la présidence se défend de tout retard
Hassan à CNN : Un gouvernement de technocrates serait un pas dans la bonne direction
Pourquoi les chaînes de télévision ont-elles arrêté de couvrir en direct les protestations ?
commentaires (9)
Pourquoi appeler les pro Aoun à manifester alors qu’il n’ éprouvaient pas le besoin de le faire spontanément. Après ils appellent à l’union alors que leur but est tout à fait autre. Diviser pour mieux régner. Les millions dans la rue depuis 18 jours n’ont répondu à aucun appel c'était spontané et ils ont trouvé à redire. Complot de l'extérieure la rue ne fait pas la loi Bla Bla et là comme par hasard ils ont besoin de gens dans la rue pour appuyer leur incompétence. Chercher la cohérence.
Sissi zayyat
10 h 45, le 03 novembre 2019