Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé vendredi que le prochain gouvernement "doit être celui du regain de la confiance du peuple", après la démission du gouvernement de Saad Hariri sous la pression inédite de la rue qui conteste le pouvoir en place depuis plus de deux semaines, estimant sur ce plan qu'"un coup d'Etat pour mener le pays au chaos a été évité".
"Le nouveau gouvernement devra écouter les revendications légitimes des manifestants et faire un programme sur cette base. Le nouveau gouvernement devra avoir comme premier objectif de regagner la confiance entre le pouvoir et le peuple libanais", a affirmé Hassan Nasrallah, dans un discours télévisé retransmis en direct, insistant sur la nécessité de "raccourcir au maximum la période de gestion des affaires courantes".
Les propos du leader chiite interviennent au lendemain d'un discours du chef de l'Etat, Michel Aoun, qui s'est dit en faveur de ministres choisis pour leurs "compétences" et "non en fonction de leur affiliation politique".
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"Un gouvernement réellement souverain"
Hassan Nasrallah a également appelé à la formation d'un gouvernement "réellement souverain, sans que certains aient à frapper à la porte des ambassades". "Si nous exerçons notre souveraineté et agissons dans l'intérêt du Liban, nous avons les compétences et les capacités pour sortir de l'impasse économique du pays", a estimé le chef du Hezbollah, dénonçant l'action des Etats-Unis "qui empêchent le Liban de sortir de cette situation".
"Les ministres devront être ministres à plein temps, et faire preuve de transparence, de sincérité et de courage", a-t-il ajouté, dénonçant le double discours de certains responsables politiques. "Toutes les composantes du gouvernement ont expliqué qu'ils partageaient les revendications exprimées. Alors pourquoi les choses n'ont pas été faites ?", s'est interrogé Hassan Nasrallah, appelant à un dialogue "avec l'ensemble des forces politiques et les manifestants sincères".
Le Premier ministre sortant a annoncé mardi la démission de son gouvernement, à la surprise du président Aoun et du Hezbollah, affirmant vouloir créer un "choc positif" et répondre favorablement aux demandes des manifestants qui réclament le départ de la classe dirigeante. Des sources proches de Saad Hariri ont affirmé ces deux derniers jours que ce dernier serait prêt à assumer une nouvelle fois les responsabilités de chef du gouvernement.
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"Eviter l'effondrement du pays"
Le secrétaire général du Hezbollah s'est attardé dans son discours sur la démission de Saad Hariri. "Nous étions contre la démission du gouvernement mais le Premier ministre a pris sa décision et il doit avoir ses raisons, je ne veux pas débattre de cela", a-t-il dit. "Notre préoccupation était d'éviter le vide au pays, souhaité par certaines forces. Certains manifestants ont appelé à la chute du gouvernement, du président de la République et de celui du Parlement, en clair, de toutes les institutions. Le Hezbollah a pris ses responsabilités pour éviter l'effondrement du pays", a ajouté le leader du parti chiite.
"Certains au Liban et à l'étranger n'ont cessé de décrire le gouvernement sortant comme celui du Hezbollah. Ce n'était pas le cas, ni aujourd'hui, ni les années précédentes, a déclaré Hassan Nasrallah. Lorsque nous avons dit que nous étions contre la chute du gouvernement, ce n'est pas parce qu'il était celui du Hezbollah, mais pour l'intérêt du pays".
Et de poursuivre : "Nous estimions que nous devons répondre aux vrais manifestants, pas à ceux qui ont pris la vague. Nous voulions faire approuver des lois sur le recouvrement des fonds volés, contre la corruption, sur l'amnistie générale. C'était le sursaut que nous souhaitions". "Maintenant que le gouvernement a démissionné, le plan de réformes économiques est gelé, toutes les autres lois sur les fonds volés, la corruption ou l'amnistie générale le sont également", a-t-il ajouté.
Il s'agit du troisième discours du chef du Hezbollah en deux semaines. Lors de sa précédente allocution, le 25 octobre, le leader chiite avait estimé que "la contestation n'est plus un mouvement populaire spontané", prévenant que "le vide mènera au chaos et à l’effondrement". Il s'était ainsi prononcé contre la chute du gouvernement Hariri, contre la chute du mandat du président Aoun et contre des élections législatives anticipées.
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"Un coup d'Etat politique a été évité"
Le chef du Hezbollah a ensuite commenté le mouvement de contestation. "Pendant les deux semaines du début de la contestation et des manifestations, les Libanais ont réussi à ne pas tomber dans le piège de l'affrontement interne, comme le souhaitaient certains", a déclaré le leader du parti chiite, estimant qu'"un coup d'Etat politique pour mener le pays au chaos a été évité", saluant ceux qui ont "sincèrement manifesté".
"Les routes ont été coupées pendant deux semaines, et les citoyens pris à partie", a souligné Hassan Nasrallah, saluant la "responsabilité" et le "contrôle des Libanais" et des partis politiques qui ont appelé à la retenue et estimant que "la majorité des gens n'étaient pas dans la rue". "Nous soutenons les objectifs du mouvement de contestation", a-t-il cependant ajouté, saluant un "mouvement trans-communautaire sur lequel il faut bâtir".
Le mouvement de révolte, lancé le 17 octobre après la proposition d'imposition d'une taxe sur les appels via messagerie instantanée, rapidement retirée, a également touché les régions chiites du pays. Dans des villes comme Nabatiyé et Tyr, fiefs du Hezbollah et du mouvement Amal, les manifestants sont descendus par milliers dans la rue pour protester contre le système en place malgré les attaques, souvent armées, de militants de ces partis. Mais le mouvement de contestation a ensuite été circonscrit.
Par ailleurs, le chef du Hezbollah est revenu sur le drone israélien visé par la résistance jeudi. "L'objectif est de nettoyer le ciel libanais des violations israéliennes. La résistance continuera à faire face à l'ennemi", a-t-il affirmé. "Nous ne sommes pas inquiets pour la Résistance. Nous sommes très forts".
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Ce n'est pas le culte d'une personne, qu'elle soit chrétienne/maronite, sunnite, chiite, druze ou laïque qui va sauver le Liban de la situation catastrophique actuelle. Aujourd'hui, sur la chaine OTV, une personne âgée disait, avec une ferveur touchante à propos du président Michel Aoun: "...que Dieu lui accorde encore beaucoup d'années de vie...en prenant sur le nombre des miennes...!..." En entendant de telles paroles, aussi sincères soient-elles, ajoutées à d'autres concernant certains "leaders", on comprend sur qui ces leaders bâtissent leur pouvoir, uniquement leur pouvoir personnel, sans résultats tangibles pour notre pays, et cela depuis des années. Irène Saïd
15 h 15, le 02 novembre 2019