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À La Une - Liban

Jour XV : nouvel accès de colère après le discours de Aoun appelé à "dégager"

Après une journée relativement calme, de nouveaux rassemblements ont été organisés en soirée et plusieurs routes coupées à travers le pays.


Les forces de l'ordre déployées en masse, jeudi 31 octobre 2019, dans le centre-ville de Beyrouth après le discours du président Michel Aoun. AFP / Patrick BAZ

Les protestataires ont investi plusieurs places publiques et axes routiers, jeudi soir, à Beyrouth et dans d'autres régions libanaises après le discours du président Michel Aoun, au début de la troisième semaine d'une contestation sans précédent contre la classe dirigeante. Deux jours après la capitulation du Premier ministre Saad Hariri, qui n'a pas entamé la détermination de la rue à nouveau mobilisée en masse aujourd'hui dans la capitale et au Liban-Nord, le chef de l'Etat a ouvert la porte à la formation d'un gouvernement incluant des technocrates.

Dans le centre-ville de Beyrouth, centre névralgique de la contestation contre le pouvoir, des protestataires ont coupé la route à l'entrée de la rue Gouraud, à Gemmayzé (Achrafieh). Des centaines de manifestants ont également coupé la voie express du Ring. Les forces de l'ordre sont intervenues pour rouvrir cette route reliant Achafieh à Hamra.  

A Saïda, au Liban-Sud, des protestataires se sont de nouveau rassemblés et brûlé des pneus au carrefour Élia, où l'armée libanaise s'est déployée en masse. Plus tôt dans la matinée, le calme était revenu dans la ville après une nuit de heurts avec l'armée qui a fait trois blessés. Ces tensions avaient commencé lorsque des centaines de partisans du courant du Futur s'étaient joints aux manifestants rassemblés sur la place Élia. L'armée s'était rapidement déployée et avait pourchassé les manifestants pour les empêcher de couper à nouveau la route passant le long de cette place.

Les routes ont également été coupées dans la Békaa, dans les localités de Kab Elias, Taalabaya et Jdita. Ailleurs, des routes ont été brièvement coupées par des pneus brûlés à Tripoli, au Liban-Nord, à hauteur du pont de Palma, à Jiyé et Naamé, dans le caza du Chouf, ainsi qu'à Jeb Jennine, dans la Békaa-Ouest.

Ce nouvel accès de fièvre est intervenu peu après une allocution télévisée du chef de l’État à l'occasion de son mi-mandat, lors de laquelle il a affirmé être en faveur d'un gouvernement dans lequel les ministres seront "choisis pour leurs compétences et non en fonction de leur affiliation politique". Plus tôt dans la journée, les tractations pour la formation d'un nouveau gouvernement semblaient au point mort, alors que les appels en faveur d'un cabinet de technocrates et d'élections législatives anticipées se multiplient.

A peine le discours terminé, les manifestants massés au centre de Beyrouth ont scandé "Tous veut dire tous", un slogan phare de la contestation exprimant leur souhait de voir partir tous les dirigeants au pouvoir, sans exception. "Dégage, dégage, tu as affamé tout le monde" et "Le peuple veut la chute du régime" ont encore crié les manifestants qui suivaient le discours en direct, retransmis sur un écran géant.



(Lire aussi : Soulagées par l’ouverture des routes, les entreprises attendent celle des banques)



La rue toujours mobilisée
Dans l'après-midi, des milliers de manifestants avaient organisé une marche à partir de la Banque centrale du Liban, dans le quartier beyrouthin de Hamra, jusqu'à la place Riad el-Solh, dans le centre-ville, place forte de la contestation, réclamant notamment "la chute du régime des banques" et critiquant le gouverneur de la BDL, Riad Salamé. Le groupe de manifestants qui, depuis plusieurs jours, bloque le pont du Ring en ses deux extrémités, s'est joint au mouvement. Selon l'Ani, après leur manifestation à Hamra et dans le centre-ville, le groupe est retourné sur la voie express du Ring et s'est dirigé vers le quartier de Gemmayzé.


A Tripoli, la grande ville du Nord devenue un des fers de lance de la contestation, des milliers de personnes brandissant des drapeaux libanais s'étaient à nouveau rassemblés dans la soirée place el-Nour, réclamant un gouvernement composé de technocrates, la nomination de juges indépendants pour récupérer les fonds volés et juger les corrompus, une nouvelle loi électorale et l'organisation d'élections anticipées, assurant qu'ils resteront mobilisés. Dans la capitale du Liban-Nord, qui se démarque depuis le début du mouvement de contestation par son dynamisme et son engagement, des partisans de Saad Hariri sont venus grossir les rangs des manifestants sur la place el-Nour, selon notre correspondante sur place Ornella Antar. Dans la journée, des manifestants sont entrés au siège local du ministère de l’Éducation et ont demandé aux fonctionnaires présents de quitter les lieux. 

Toujours dans le Nord, à Aabdé, localité du Akkar, des centaines de personnes se sont également rassemblés dans la soirée, assurant eux aussi qu'ils resteront mobilisés jusqu'à ce qu'ils obtiennent gain de cause. Mercredi soir, l'armée avait tiré du gaz lacrymogène dans cette localité pour disperser les manifestants qui refusaient de rouvrir la route. Des blessés seraient à déplorer. Les manifestants du Akkar donnent de la voix contre le pouvoir pour attirer l'attention sur la situation précaire de cette région.  


Appels à rouvrir les routes
La démission de M. Hariri, mardi, avait été suivie par la levée de la quasi-totalité des barricades érigées par les contestataires au travers des axes routiers, laissant penser à un tassement du mouvement. Mais blocages et rassemblements ont repris. Parallèlement, des partisans du Premier ministre sortant ont coupé des routes à travers le pays, en soutien à leur chef. Mercredi soir, ils avaient paradé dans les rues de Beyrouth, de la Békaa-Ouest en soutien au Premier ministre sortant.

Dans ce cadre, le courant du Futur (de Saad Hariri) a salué jeudi "la réaction populaire qui a accompagné l'annonce de la démission de M. Hariri", appelant toutefois ses partisans à ne pas réagir aux "provocations" et à ne pas fermer les routes.

De son côté, le Hezbollah a appelé l'armée et les forces de sécurité à "prendre leurs responsabilités nationales (...) en protégeant leur droit à circuler dans le territoire libanais".

Dans la matinée de jeudi, les différentes routes qui avaient été fermées à la circulation dans la nuit de mercredi à jeudi en signe de soutien aux différentes régions restées mobilisées, avaient été rouvertes par l'armée, comme à Zouk Mosbeh et Jal el-Dib.  La voie-express du Ring, bloquée par quelques centaines de manifestants au cours de la nuit, a également été rouverte dans la matinée sans altercation avec les forces de l'ordre arrivées sur les lieux. Le seul incident survenu en début de journée a opposé certains manifestants à une jeune fille qui s'est opposée à ce qu'un drapeau israélien soit brûlé. Interrogée par la chaîne de télévision LBC, elle a souligné "ne pas vouloir que le mouvement de contestation prenne un aspect confessionnel ou partisan mais que la révolution se concentre uniquement sur le Liban". 



Des protestataires à Saïda, jeudi soir, après le discours de Michel Aoun.  AFP/Mahmoud ZAYYAT





Des établissements scolaires encore fermés
Ce regain de tension a poussé de nombreuses écoles et universités à garder leurs portes fermées jeudi, malgré les annonces de réouverture plus tôt dans la journée.

Le collège Notre-Dame de Jamhour est notamment revenu sur sa décision de reprendre les cours, alors que le ministre sortant de l’Éducation, Akram Chehayeb, avait laissé aux directeurs des établissements scolaires le soin de prendre eux mêmes la décision "jugée la plus appropriée" concernant une réouverture. Dans le Akkar (Liban-Nord) et à Saïda (Liban-Sud), les écoles restent fermées, selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle). Par contre, dans d'autres régions plus calmes, comme dans le caza de Nabatiyé (Liban-Sud) et à Baalbeck (Békaa), les cours ont repris dans toutes les écoles et universités.  "Après ce qui s'est passé mercredi soir et après la fermeture de plusieurs routes, et pour préserver la sécurité des enseignants et des écoliers, le ministre de l’Éducation laisse le soin aux directeurs des écoles de prendre la décision de la reprise ou non des cours", pouvait-on lire dans un communiqué publié par le bureau de presse du ministère mercredi soir.

Au niveau des universités, la Lebanese American University (LAU) et l'Université Saint-Joseph (USJ) ont également décidé mercredi en fin de journée, de ne plus rouvrir leurs portes jeudi, en raison du regain de tensions sur les différents grands axes routiers du pays.

Les banques ont quant à elles confirmé qu'elles rouvriront leurs portes vendredi aux clients.


Toujours pas de date pour les consultations
Mardi, le Premier ministre Hariri, sous la pression de la rue, avait remis sa démission au chef de l’État Michel Aoun. Ce dernier a chargé le lendemain le gouvernement sortant d'expédier les affaires courantes. Il n'a toutefois pas encore fixé de date pour le lancement des consultations contraignantes avec les groupes parlementaires, première étape du processus de formation d'un nouveau gouvernement.

Des informations contradictoires circulent quant à un éventuel retour du Premier ministre sortant à la tête du prochain cabinet. Un responsable proche de Saad Hariri a évoqué certaines conditions posées par ce dernier pour diriger la nouvelle équipe ministérielle.

La démission du gouvernement intervient malgré l'opposition claire du Hezbollah et du président Aoun à une telle décision. Dans les milieux proches du chef de l’État, on reproche à Saad Hariri d'avoir pris le président par "surprise", en affirmant que la décision de démissionner n'avait pas été coordonnée au préalable avec le palais présidentiel.

Il avait fallu plus de huit mois de tractations entre les innombrables composantes de la vie politique libanaise pour mettre sur pied le précédent gouvernement. Or, souligne la politologue Amal Saad-Ghorayeb, le Liban ne peut plus s'offrir un tel luxe. Il faut, dit-elle, "un gouvernement capable de stabiliser rapidement une situation économique devenue hors de contrôle et qui puisse faire passer des réformes urgentes" pour tenter de calmer la rue.

La France, puissance encore influente au Liban, s'est à nouveau inquiétée de la situation, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian jugeant "essentiel (...) que soit rapidement formé un gouvernement qui soit en mesure de conduire les réformes dont le pays a besoin".

La révolte populaire libanaise a été déclenchée le 17 octobre après l'annonce surprise d'une taxe sur les appels via les messageries instantanées comme WhatsApp. Cette mesure a été vite annulée, mais la colère ne s'est pas apaisée contre la classe dirigeante, jugée incompétente et corrompue dans un pays qui manque d'électricité, d'eau ou de services médicaux de base trente ans après la fin de la guerre civile (1975-1990).


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commentaires (9)

Le Hezbollah fera tout pour éloigner les yeux de ses méfaits. Alors avec ses alliés , Aoun et compagnie, ils lancent des accusations et dirigent le débat vers les problèmes économiques et sociaux dont il est le principal responsables puisqu'il est le parti qui favorise la corruption, le clientélisme, la fraude fiscale, le trafic de drogue, d'armes, élimine ses opposants politique dangereux sans rendre de compte a quiconque, etc... La est la source des problèmes du pays. Neutralisez le et le Liban s'envolera vers le 7eme ciel... Personne ne pourra jamais sortir le Liban du trou ou il est si les dirigeants actuels ne se mettent pas de coté et le Hezbollah désarmé. Ils ne peuvent le faire ils sont presque tous coupables! Qui se laissera juger? Se faire mettre en prison? se faire dépouiller des millions ou milliards volés? Le Hezbollah sait très bien que la majorité du peuple est contre son projet d’état islamique. Rendre ses armes c'est perdre la possibilité de le réaliser. C'est contre cela que nous nous devons d'agir, la est le danger! Pour le Liban pour nos enfants il faut descendre dans la rue jusqu’à ce que le Parti iranien rende ses armes. C'est garantie qu’après quelque mois la livre se portera beaucoup mieux et l’économie sera a nouveau au beau fixe. Aoun Démission! Parlement démission! Hezbollah dissolution!

Pierre Hadjigeorgiou

09 h 28, le 01 novembre 2019

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Commentaires (9)

  • Le Hezbollah fera tout pour éloigner les yeux de ses méfaits. Alors avec ses alliés , Aoun et compagnie, ils lancent des accusations et dirigent le débat vers les problèmes économiques et sociaux dont il est le principal responsables puisqu'il est le parti qui favorise la corruption, le clientélisme, la fraude fiscale, le trafic de drogue, d'armes, élimine ses opposants politique dangereux sans rendre de compte a quiconque, etc... La est la source des problèmes du pays. Neutralisez le et le Liban s'envolera vers le 7eme ciel... Personne ne pourra jamais sortir le Liban du trou ou il est si les dirigeants actuels ne se mettent pas de coté et le Hezbollah désarmé. Ils ne peuvent le faire ils sont presque tous coupables! Qui se laissera juger? Se faire mettre en prison? se faire dépouiller des millions ou milliards volés? Le Hezbollah sait très bien que la majorité du peuple est contre son projet d’état islamique. Rendre ses armes c'est perdre la possibilité de le réaliser. C'est contre cela que nous nous devons d'agir, la est le danger! Pour le Liban pour nos enfants il faut descendre dans la rue jusqu’à ce que le Parti iranien rende ses armes. C'est garantie qu’après quelque mois la livre se portera beaucoup mieux et l’économie sera a nouveau au beau fixe. Aoun Démission! Parlement démission! Hezbollah dissolution!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 28, le 01 novembre 2019

  • Manifester devant la BDL est la plus stupide des actions possibles. Les manifestants sont tombés dans le piège du Hezbollah dont Ryad Salameh est la bête noire. Je ne sais s'il est coupable des malversations dont on l'accuse, mais,dans tous les cas,sa démission aurait pour conséquence immédiate un dollar à 3000 livres sinon plus. Par contre les contestataires ont 1000 fois raison de protester devant l'indifférence du pouvoir qui n'a pas encore fait le premier pas vers la formation du nouveau gouvernement.

    Yves Prevost

    21 h 06, le 31 octobre 2019

  • Eradiquer la corruption pour que la confiance revienne et que les libanais' diaspora inclus acceptent de contribuer à l'effort indispensable pour redresser le Liban malade des ses propres sang-sus. C'est la priorité absolue. Le chantage au CEDRE ne fonctionera pas . Ana al gharik khawfia mina'l balal. Tous solidaires.

    PPZZ58

    20 h 15, le 31 octobre 2019

  • Depuis des années un élément essentiels d’un pays républicain tel que le Liban manque à l’appel. J’ACCUSE LA PRESSE. Qu’elle soient écrites ou audio-visuelle. Ils ont brillé par leur absence. C.a.d. La presse relatent les faits d’incompétence, de manquements de tricheries d’abus de bien sociaux, complicité avec des pays étrangers et complots contres notre pays juges corrompus et j’en passe. Mais quel journal a pris la peine de mobiliser une cellule spéciale d’investigations pour aller chercher des faits. Des informations et surtout les preuves de tous les actes profanateurs de notre pays pour les publier et désigner tous les responsables nominativement de tous les bords. Dans tous autres pays démocratiques les médias ont eu le plus grand rôle dans la condamnation des responsables politiques qui ont failli. Tant que des preuves tangibles ne sont pas trouvées et étayées ses responsables continueront à prendre en otages tous les Libanais. Car chaque clan crie son innocenceet accuse l’autre et leurs disciples les croient Et ainsi le pays reste divisé. C’est du concret qu’ils nous faut pour mettre fin à cette mascarade.

    Sissi zayyat

    11 h 05, le 31 octobre 2019

  • Le chaos et l'insécurité de nouveau ...la route vers le précipice et l'inflation!

    Chucri Abboud

    08 h 01, le 31 octobre 2019

  • Les responsables devront rassurer vite le peuple et ne plus laisser les choses trainer pour la formation du nouveau gouvernement .

    Antoine Sabbagha

    07 h 59, le 31 octobre 2019

  • Le danger d'une explosion se profile de plus en plus à l'horizon . L'observateur ne saurait être tranquille devant tellement de grabuge et d'impatience de tous les bords . Le spectre de ce que l'on n'ose même pas nommer réapparaît . Il faufra beaucoup de sagesse de la part de l'opposition pour qu'une étincelle ne réallume un feu qui couvait sous les cendres depuis que l'on attendait la paix sociale de la réconciliation (qui ne s'est jamais vraiment déclarée depuis la fin de la guerre civile , comme ce fut le cas en Afrique du Sud ). Beaucoup de parties externes bien connues auraient interêt à déstabiliser le Liban avec ce printemps libanais , aucun printemps arabe n'ayant réussi à autre chose qu'à ruiner le pays où il a sévi et à anéantir ses forces vives , au profit d'Israel .

    Chucri Abboud

    07 h 58, le 31 octobre 2019

  • ILS SONT DE RETOUR. LA REVOLUTION CONTINUE. LE PEUPLE NE FINIRA SA REVOLTE QU,UNE FOIS SES REVENDICATIONS COMBLEES. SI LES RESPONSABLES TARDENT A S,Y CONFORMER IL Y RISQUE D,EFFONDREMENT ECONOMIQUE DU PAYS COMME IL Y A RISQUE DE GUERRE CIVILE SI LES DEUX MILICES BOUGENT DANS LE MAUVAIS SENS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 22, le 31 octobre 2019

  • On va le dire, les révolutions qui ont le mieux réussi sont celles où on a tranché des têtes, pendus ou fusillés les dirigeants accusés de vol et de gabegies. Au Liban on préfère danser et s'exhiber pour se faire remarquer. On veut nous la jouer " saoura " soft ,ça une marchera jamais. Les forts seront toujours intouchables.

    FRIK-A-FRAK

    01 h 10, le 31 octobre 2019

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