C'est, en quelque sorte, la réponse du berger à la bergère. Ce samedi, au lendemain du discours du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a tenté de discréditer le mouvement sans précédent de contestation anti-pouvoir, les Libanais se sont de nouveau mobilisés, à travers tout le Liban et notamment au centre-ville de Beyrouth. Et ce malgré les violences qui ont éclaté dans le centre-ville de Beyrouth vendredi, quand des hommes du Hezbollah ont voulu entrer sur la place Riad el-Solh. Vers 17h, le centre-ville de Beyrouth se remplissait rapidement d'une foule massive, en ce dixième jour d'une mobilisation inédite.
Aya, une jeune fille d'une vingtaine d'années, vient justement de la banlieue-sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah. L'entreprise dans laquelle elle travaille a fermé ses portes pour laisser ses employés manifester. "Je manifeste à cause de la pauvreté, la corruption, les mensonges de la classe politique. Le discours de Hassan Nasrallah et les échauffourées qui ont suivi, m'ont encouragée à rester dans la rue jusqu’à la démission de tout le gouvernement", martelait-elle, à notre journaliste sur place, Nada Merhi.
Dans son second discours télévisé en moins d'une semaine, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a tenté de discréditer hier le mouvement de contestation, affirmant que celui-ci n'était "désormais plus spontané" et l'accusant d'être financé par des puissances étrangères. Le leader chiite a appelé les protestataires à rouvrir les routes du pays.
Sur les réseaux sociaux, des appels avaient été postés dès samedi matin pour une manifestation baptisée "le million de samedi", en lançant le mot-dièse #SamedidesPlacesPubliques (Sabet el-Sahat en arabe, ndlr).
Si la foule était dense, samedi dans la soirée dans le centre-ville de Beyrouth, de nombreux manifestants estimaient néanmoins que la mobilisation semblait être plus faible que dimanche dernier par exemple.
"Aujourd'hui, il y a une prise de conscience pour poser les jalons du deuxième centenaire du Liban. Le nouveau Liban, c'est tout le monde, sans exclus, c'est le système qui doit être exclu. Nous creusons le sillon d'une nouvelle citoyenneté et tout le monde doit creuser ce sillon", déclarait, pour sa part, Melhem Khalaf, membre fondateur d'Offre-Joie.
Un peu plus loin, on notait un certain attroupement autour d'un jeune homme. Il s'appelle Adib, il a 23 ans, est étudiant en génie civil, et vient de Tripoli, autre foyer de mobilisation. "Moi je suis de Tripoli, et je viens me solidariser avec les manifestants de Beyrouth. Tripoli a changé, son image auprès des gens aussi. Et moi, qui traverse le Liban, je découvre que nous nous ressemblons tous!", lançait le jeune homme. Sur la pancarte qu'il brandissait, on pouvait lire : "Cela fait huit jour que je manifeste à Tripoli, aujourd’hui, je manifeste et vais dormir à côté de vous". Plusieurs manifestants venaient le féliciter.
Adib, de Tripoli. Photo N.M.
Au milieu de la foule, une autre personne suscitait un attroupement : Elissa, la star de la chanson, qui brandissait un drapeau libanais.
Parmi les manifestants se trouvaient beaucoup de jeunes. Mais des personnes âgées, ont également décidé de se mobiliser. "Nous manifestons contre la corruption, contre la gabegie au niveau de l'Etat, contre le grand n'importe quoi lors des dernières incendies (il y a dix jours, ndlr) qui ont ravagé le pays, alors que les hélicoptères de lutte contre les incendies restaient cloués au sol faute de maintenance", déclarait, pour sa part, place Riad el-Solh, Hyam, une personne d'un certain âge, résident à Beyrouth. "Nous avons tout vécu, la guerre, et les crises, ensuite. C'est la première fois que nous voyons un mouvement de protestation transcendant les barrières communautaires et géographiques. Et nous sommes très fiers de cette nouvelle génération de Libanais, de leurs slogans, de leur engagement. Ils nettoient même la place, derrière les manifs, chaque matin! Aujourd'hui, nous reprenons espoir", renchérissait Hassan, à notre journaliste sur place Suzanne Baaklini.
"La démission de Saad Hariri va finir par arriver. Nous savons que la situation est très mauvaise, que l'aggravation de la crise est en partie cachée par la fermeture des banques (depuis le début du soulèvement le 17 octobre, ndlr). Nous savons que l'on risque un effondrement économique. Mais avons-nous un autre choix que de manifester?", lançait, pour sa part, Amine, posté sur le ring, que les forces de l'ordre ont tenté, en ce samedi matin, de rouvrir. "Nous nous sommes habitués au manque d'électricité, au manque d'eau, aux multiples factures d'eau, d'électricité etc... Puis il y au la crise des déchets, en 2015. Et il y a dix jours, ces incendies qui ont ravagés le Liban, et pendant lesquels les hélicoptères canadair sont restés cloués au sol. et enfin, le 17 octobre, cette taxe whatsapp, qu'on a encore voulu nous coller dessus. Nos dirigeants n'ont plus aucune limite. Alors nous n'avions plus d'alternative, il fallait que nous descendions dans la rue", ajoutait-il.
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Samedi matin, les forces armées ont tenté de rouvrir les routes principales du pays pour faciliter la circulation quasi-paralysée depuis le début de la contestation, le 17 octobre. De nombreux manifestants, à du nord au sud du pays, restaient toutefois dans la rue refusant d'obtempérer.
Dimanche, une chaîne humaine est censée reliée le Nord du Liban au Sud, à l'initiative d'un groupe de quatre jeunes, aidé par de nombreux volontaires. Des rassemblements de la diaspora sont également prévus à travers le monde.
Vendredi, le président de la République, Michel Aoun, a tenté de calmer la colère de la rue en s'adressant pour la première fois aux Libanais depuis le début de la contestation, mais sans pour autant convaincre les manifestants qui sont restés dans la rue. Le Premier ministre, Saad Hariri, qui a fait approuver par son gouvernement une série de réformes économiques d'urgence, n'a pas lui non plus convaincu les protestataires qui réclament la chute du gouvernement et le changement du régime.
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commentaires (8)
Au moins Geagea a eu la decence de retirer ses minitres du gouvernemnt. Il faut le lui reconnaitre Ce Samedi les manifestants vont faire une chaine humaine du Nord au Sud, Esperons que certains membres du CPL et les milices de HB ne les attaquerons pas comme l'a fait le membre du CPL contre le journaliste de MTV qui couvrait tres correctement leur manifestation LA VIOLENCE CONTRE DES MANIFESTANTS PACIFIQUES EST LE PREMIER SIGNE DE DETRESSE DES PARTIS ATTAQUES DONC LE DEBUT DE LEUR FIN Il faut reconnaitre aux manifestants que c'est la premiere fois depuis 1975 que les Libanais toutes religions confondues sont ensemble et demandent la fin des castes bases sur la religion. BRAVO BRAVO A CETTE REVOLUTION
LA VERITE
00 h 53, le 27 octobre 2019