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Liban - Reportage

À Zouk, le niet des manifestants

Le nombre de protestataires a rapidement augmenté après l’annonce du plan de réformes par le Premier ministre.

Des écoliers ayant rejoint avec leurs parents le mouvement de protestation, hier, à Zouk Mosbeh. Joseph Eid/AFP

« Killon yaani killon. » Les manifestants de Zouk Mosbeh sont restés de marbre face au plan de réformes annoncé par le Premier ministre Saad Hariri à l’issue de la réunion du Conseil des ministres hier. « Nous n’entrons pas dans les détails de cette feuille, nous n’avons pas confiance en cette équipe et nous demandons son départ », lance Bachir, un des organisateurs, en gilet jaune, de cette manifestation qui a lieu sur l’autoroute de Zouk, coupée dans les deux sens depuis jeudi.

« Les points énoncés dans cette feuille sont excellents, mais pourquoi pas avant ? affirme une manifestante, au nom de tous les manifestants, une femme qui participe au sit-in depuis plusieurs jours. Nous n’avons pas confiance en ce gouvernement, et nous restons dans la rue. »

Alors que la matinée était plutôt calme à Zouk, avec une participation moins importante que les jours passés, le nombre de manifestants a brusquement augmenté après l’annonce du chef du gouvernement, et était devenu considérable en soirée. « Révolution ! » scandaient les manifestants. Preuve, s’il en faut, qu’ils restent sur place. L’ambiance de la soirée, comme les jours précédents, était festive et traduisait tout l’enthousiasme des manifestants contre la prestation du gouvernement.

« Ils veulent sauver leur peau, voilà tout, insiste Élie, la quarantaine. Ces personnes ne doivent plus gouverner le pays, elles doivent au contraire être jugées pour leurs actions. La population ne doit pas sortir de la rue, personne ne peut rien contre elle, dans un pays qui a une Constitution comme la nôtre. Mais le plus important, c’est qu’un nouveau leadership émerge pour protéger ce mouvement. »

Même en l’absence de leadership, le mouvement populaire s’organise à Zouk. Les « organisateurs » sont désormais reconnaissables à leurs gilets jaunes. « Nous sommes un groupe de jeunes qui coopérons entre nous depuis jeudi soir », explique Bachir, l’un d’eux. « Nous nous occupons de la fermeture et de l’ouverture des routes devant les ambulances et les véhicules de l’armée seulement, explique-t-il. Il faut savoir que beaucoup de compagnies distribuent de l’eau et des aliments aux manifestants. »

Selon un autre organisateur, il existe désormais un mécanisme de coordination entre les différents sit-in par le biais des réseaux sociaux. Ces organisateurs ont également fait en sorte que les insultes contre les hommes politiques soient bannies, et que les partis traditionnels ne soient pas mentionnés dans les slogans, ni en termes favorables ni défavorables.


(Lire aussi : Ne pas se tromper de diagnostic, l'édito de Michel TOUMA)



« Ils ne peuvent plus se moquer impunément des gens »

Les forces de l’ordre ont maintenu une présence discrète à Zouk. Elles ont essayé d’ouvrir la route maritime en matinée, sans succès. Femmes et hommes sont restés postés au niveau du barrage, tout en affichant une attitude très positive envers l’armée, scandant des chansons patriotiques. Un manifestant pointe du doigt une tente de fortune sur place, où des hommes couverts de suie (étant donné les pneus incendiés le matin pour maintenir la route fermée) tentent de trouver un peu de sommeil. « Ces manifestants sont des héros, ils gardent ce point crucial toute la nuit alors que d’autres font la fête là-haut », affirme-t-il.

D’ailleurs, les manifestants à Zouk sont loin d’être hostiles à l’armée. « Il n’y a d’autre solution que de confier le pouvoir à l’armée, du moins dans une étape de transition », assurent plus d’un manifestant.

Et ces protestataires ont un profil très diversifié. Marielle et Maribelle, 20 et 21 ans, sont des universitaires qui ont fait le trajet depuis Beit Chabab « parce que notre voix est mieux entendue ici ». « Nous terminons nos études très bientôt et ne savons pas si nous pouvons rester ici, disent-elles. Il n’y a pas de travail, même pas de possibilité de stages. »

Un écolier et un jeune professeur, lui-même étudiant, ont décidé de descendre dans la rue pour la première fois. « Nous n’avons jamais été engagés dans un quelconque parti et voulons que la politique s’éloigne de la gestion des affaires publiques, disent-ils. Voilà pourquoi il faut que des spécialistes soient nommés aux postes de ministres. »

Mira, 32 ans, est enseignante. « Je devais me joindre aux manifestants, il n’y a pas d’autre choix quand les abus sont commis en toute impunité, dit-elle. L’échelle des salaires qui, selon les responsables, a affecté les finances de l’État n’a même pas été appliquée dans notre cas. Où va l’argent ? »

Un jeune père de 35 ans se rend à Zouk avec sa femme et ses deux enfants en bas âge. « C’est pour eux que je suis là tous les jours », affirme-t-il.

Nagib, 32 ans, livre un témoignage émouvant. « J’ai deux diplômes et je suis pourtant au chômage, dit-il. Mes trois frères et trois sœurs sont dans le pétrin. Et ces responsables corrompus pensent se moquer de nous ! On ne se moque pas impunément des braves gens. »


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