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Ne pas se tromper de diagnostic

Du jamais-vu dans l’histoire contemporaine du Liban. À plus d’un égard, le soulèvement populaire des derniers jours a constitué un précédent que nul n’osait concevoir avant l’étincelle du 17 octobre 2019… Comme ce fut d’ailleurs le cas lors du non moins historique 14 mars 2005 qui avait déclenché la révolution du Cèdre et abouti au retrait des troupes syriennes du Liban. Ce nouveau soulèvement se distingue toutefois, sans conteste, du premier aussi bien par sa dimension politique que par son étendue géographique.

Pour la première fois, les mégarassemblements de masse ont largement dépassé le cadre de la capitale – le centre – pour englober la périphérie. Une sorte de décentralisation dans la fronde. Du Nord au Sud (Nabatiyé et Tyr notamment), en passant par la Békaa et la Montagne, les principales villes et agglomérations aux quatre coins du pays ont été le théâtre de vastes démonstrations populaires qui n’avaient rien à envier au mouvement de Beyrouth. Et de manière concomitante, la diaspora libanaise dans différents continents n’a pas été en reste : comme pour répondre à un mystérieux mot d’ordre, les Libanais dans plus d’une quarantaine de capitales et de grandes villes dans onze pays, en Amérique du Nord, en Europe et en Australie, se sont mobilisés durant le week-end comme un seul homme, pour manifester sur les places publiques.

Fait particulièrement significatif dans un tel contexte : contrairement à la révolte du Printemps de 2005, la rue chiite a bougé – au Sud, à Baalbeck et dans la Békaa – brisant les tabous, surmontant la peur en s’en prenant à des symboles du Hezbollah et du mouvement Amal.

Que cette intifada ait été induite ou pas par une force occulte ne change rien au fait que l’étendue de ce tsunami populaire, tant dans les régions libanaises qu’au sein de la diaspora, est le fruit d’une réalité indéniable qui a éclaté au grand jour, à savoir le profond ras-le-bol général éprouvé par la population. La taxe sur le service WhatsApp n’a été que le catalyseur d’une révolte depuis longtemps refoulée et qui s’est très rapidement propagée comme une traînée de poudre, provoquant un effet boule de neige.

Nombre d’experts voyaient venir l’ouragan. Et pour cause… L’affairisme sans foi ni loi érigé en instrument de domination par certains hauts responsables et leaders politiques, leur mercantilisme sauvage, et le clientélisme qu’ils pratiquaient à grande échelle pour assouvir leur soif de pouvoir se sont traduits indubitablement par une mauvaise gouvernance et un torpillage de l’appareil étatique. Il n’est pas difficile, par voie de conséquence, d’en deviner les graves retombées sur les services publics et, surtout, sur l’économie du pays, d’autant que les crises régionales en cascade ont elle-même miné l’activité ambiante et la confiance des investisseurs, aussi bien locaux qu’étrangers. Une telle conjoncture a placé au fil des ans les indicateurs économiques au rouge, la dette publique et le déficit budgétaire étant lancés sur une inquiétante courbe ascendante.

On ne le répétera jamais assez. Plus grave que l’absence de souci pour la chose publique et l’affairisme d’une partie de la classe politique est la prise en otage de l’ensemble des Libanais par un parti dont la doctrine, le projet politique et la ligne de conduite sont totalement et aveuglément placés au service d’une puissance régionale dont l’expansionnisme n’a pas de limite. Le Hezbollah se comporte comme si le pays lui appartenait ou était une branche de son organisation dont il peut disposer en fonction des calculs et des intérêts de son mentor régional.

Face à la situation dans laquelle se débat le pays, il est plus que jamais nécessaire d’appeler les choses par leur nom : le blocage économique et le marasme généralisé dont se plaint aujourd’hui la population qui est descendue dans la rue sont dans une large mesure la conséquence directe du comportement du Hezbollah qui s’emploie à maintenir le Liban dans un climat guerrier permanent, sans horizon. En s’impliquant dans toutes les guerres régionales sans se préoccuper outre mesure des conséquences sur les Libanais, en menant campagne de façon soutenue et régulière contre les pays qui ont de tout temps constitué un soutien au Liban, en menaçant sans cesse d’embraser la région pour défendre la République islamique iranienne, et en agissant en tuteur de l’État et des dirigeants officiels, le Hezbollah a plombé l’activité économique du pays, provoquant par le fait même les crises socio-économiques ainsi que le sentiment de ras-le-bol exprimé par les centaines de milliers de Libanais qui sont descendus dans la rue.

Il serait simpliste de faire assumer à la nature et aux fondements du système politique en vigueur depuis plus d’un siècle la responsabilité du marasme actuel. Ce sont plutôt les pratiques du pouvoir au quotidien et la ligne de conduite de certains dirigeants et hauts responsables qui doivent être pointées du doigt. Se tromper de diagnostic reviendrait à plonger le Liban dans de nouvelles tourmentes à caractère existentiel plus graves encore que le mal dans lequel se débat le pays. Même la République idéale de Platon aurait été sapée à la base si elle avait été prise en otage par un parti obéissant sans retenue aux directives d’une puissance étrangère. Face aux cyclones qui balayent tout dans la région, ce dont le Liban n’a surtout pas besoin aujourd’hui, c’est d’ouvrir maladroitement la boîte de Pandore du système politique.

Du jamais-vu dans l’histoire contemporaine du Liban. À plus d’un égard, le soulèvement populaire des derniers jours a constitué un précédent que nul n’osait concevoir avant l’étincelle du 17 octobre 2019… Comme ce fut d’ailleurs le cas lors du non moins historique 14 mars 2005 qui avait déclenché la révolution du Cèdre et abouti au retrait des troupes syriennes du Liban. Ce...

commentaires (16)

Merci pour ce juste diagnostic. En effet, le blocage du pays est la conséquence d'un climat guerrier sans horizon maintenu par des intérêts étrangers.

Georges Lebon

16 h 07, le 27 octobre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (16)

  • Merci pour ce juste diagnostic. En effet, le blocage du pays est la conséquence d'un climat guerrier sans horizon maintenu par des intérêts étrangers.

    Georges Lebon

    16 h 07, le 27 octobre 2019

  • Comme a dit mR Touma il ne faut pas changer de système maintenant

    Bery tus

    20 h 19, le 22 octobre 2019

  • Effectivement une main occulte est derrière ce mouvement national en centaines de milliers ou plutôt en millions si l'on ajoute toutes les foules dans toutes les régions libanaises mais aussi dans la diaspora libanaise à travers le monde. Une main occulte providentielle qui amène l'espoir de voir toujours les libanais chanter leur patrie plutôt que les désirs de leur caïds locaux, caïds confessionels, caïds aux mots tendres et aux intentions pécuniaires! Que le peuple profite de ces instants glorieux mais qu'il bâtisse dessus un meilleur avenir où les choix seront bien pensés et exécutés.

    Wlek Sanferlou

    20 h 06, le 22 octobre 2019

  • Le seul espoir est dans l'abolition du confessionnalisme, dans la séparation de la religion et de l'Etat. Il est temps d'instaurer un régime laïc et démocratique et de créer ce nouveau citoyen libanais qui transcende tous les clivages confessionnels!!! Il n'est plus acceptable de voir des partis qui se revendiquent de la religion avec des milices mieux armées et entraînées que notre vaillante armée!

    OMAIS Ziyad

    18 h 42, le 22 octobre 2019

  • Depuis le début certains s'efforcent d'attirer l’attention des gens sur le vrai problème du pays que sont les armes du Hezbollah et son idéologie anti-constitutionnelle en vain. Ils ont tellement créer de problèmes existentielles au peuple que celui-ci ne s’intéresse plus qu'a son pain quotidien sans penser aux lendemains noirs que ce parti nous réserve. Continuez sur votre lancée Mr. Touma car les gens se doivent d'ouvrir les yeux sur la vérité des faits et le fond du problème. L'avenir du peuple est en jeu, la, maintenant, ni demain ni dans une heure ni dans un mois... Aujourd'hui ils sont dans la rue, il faut y aller jusqu'au bout! Même s'il faut encercler Baabda, le sérail et le parlement jours et nuits, il faut faire chuter ces trois institution pour pouvoir, avec de nouveaux dirigeants et l'appui de l’armée imposer au Hezbollah la remise de ses armes au plutôt. C'est au Liban de choisir de défendre ou pas les intérêts de l'Iran si, bien sur, ceux-ci se recoupent avec les siens et non pas un enturbanné ignare qui n'a d'autre besogne que les assassinats, les guerres et les trafics de tous genres. Cela fait, nous n'aurons même plus besoin de plan Cèdre ou autre.

    Pierre Hadjigeorgiou

    16 h 09, le 22 octobre 2019

  • Que cette intifada ait été induite ou pas par une force occulte ne change rien au fait que l’étendue de ce tsunami populaire, tant dans les régions libanaises qu’au sein de la diaspora, est le fruit d’une réalité indéniable POURQUOI VOULOIR TOUJOURS IMPLIQUER LES MAINS ETRANGERES DANS CE QUI SE PASSE. LES CORRUPTIONS DE SE GOUVERNEMENT ET LES BUDGET PROCLAMES NE SUFFISENT PAS A CREER UNE REVOLUTION ? Ce sont plutôt les pratiques du pouvoir au quotidien et la ligne de conduite de certains dirigeants et hauts responsables qui doivent être pointées du doigt. MAIS C'EST EXACTEMENT POUR CELA QUE LE PEUPLE SE REVOLTE MAIS FINALEMENT TOUS OUI TOUS A QUELQUES EXCEPTIONS PRES QUI SONT DANS CETTE CORRUPTION ( en particulier ceux qui n'ont pas de pouvoir comme les institutions civils , les Kataeb et quelques autres independants

    LA VERITE

    15 h 33, le 22 octobre 2019

  • La République idéale de Platon est communautaire loin de l'unité du multiple défendue par Aristote contre Platon et parfaitement adapté au Liban….. Jacques Beauchard

    Beauchard Jacques

    15 h 06, le 22 octobre 2019

  • Bravo M Touma. Verdict sans appel. Vous avez pose le diagnostic. Osé appeler un chat un chat. Il n' a y pas d' autre analyse possible.Point barre.

    LeRougeEtLeNoir

    14 h 35, le 22 octobre 2019

  • A chacun son soulèvement, le mien consiste essentiellement à : - Stopper la mainmise du Hezbollah, l'armée supplétive des Pasdaran iraniens, sur le pays de Béchara el-Khoury, Riad el-Solh, Camille Chamoun, Saéb Salam, Kamel el-Assaad, Fouad Chéhab, Kamal Joumblatt, Hussein el-Husseini, Michel Sleiman, Fouad Boutros.. - Stopper le vol de l'argent public. - Juger les voleurs de l'argent du peuple. - Stopper la tentative de s'emparer des hydrocarbures offshore...

    Un Libanais

    12 h 42, le 22 octobre 2019

  • Là où ce que vous ce vous écrivez n'est pas sérieux, c'est quand vous dites , je vous cite : ..... que cette Intifada ait été induite ou pas par une force occulte ne change rien etc...... Et si cette "main occulte" était la Syrie ou l'Iran? Auriez vous eu l'outrecuidance d'approuver cette "Intifada" ? Vous le dîtes en dépit de tout bon sens, parce que vous soupçonnez sûrement d'autres " mains invisibles" , celles que vous approuveriez sans confession , mais le danger c'est que si c'est le cas ou pas dites vous bien qu'une main seule occulte ne pourra pas applaudir toute seule . Vous vous êtes peut être un peu trop précipité sur le résultat final de cette Intifada, les hommes qui tiennent le pays sont du pays et sur le terrain encore plus que les mains occultes tant " désirées".

    FRIK-A-FRAK

    12 h 22, le 22 octobre 2019

  • oui ,mais! J.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 57, le 22 octobre 2019

  • Ce matin, sur la Télévision "al Manar", un manifestant disait: "...Le Hezbollah a libéré le Sud de l'occupant israélien ...nous lui sommes reconnaissants...mais nous voulons aussi vivre normalement, travailler et nourrir nos familles,...etc. " Mis à part conduire une milice armée par l'Iran pour ses propres intérêts et plans régionaux, qu'a fait le Hezbollah pour ses partisans et citoyens L I B A N A I S pour améliorer leur vie quotidienne ? Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 19, le 22 octobre 2019

  • Le fait que chitanyahou rende son tablier , le fait que aramco ait été pulvérisé, le fait que les usa aient pris leur jambes à leur cou , le fait que les turcs aient commencé le massacre des kurdes , le fait qu'en Afghanistan les américains ne savent plus comment détaler, le fait que Poutine signe des contrats juteux à bras raccourcis avec les wahabites, .........de qui croyaient vous que c'est la faute ? Alors on ouvre la boîte de pandore ou pas ??? Hahahaha

    FRIK-A-FRAK

    09 h 09, le 22 octobre 2019

  • RESPONSABLES DE LA CRISE ECONOMIQUE ET FINANCIERE QUI FRAPPE LE PAYS SONT LES DEUX MILICES CHIITES DONT L,UNE PAR SON INTERVENTION MILITAIRE DANS LES PAYS ARABES POUR LE COMPTE DE L,IRAN ET SES ATTAQUES VERBALES CONTRE D,AUTRES PAYS ARABES ET SA MAINMISE SUR LE PAYS A FAIT S,ELOIGNER CES PAYS DU LIBAN ET LES AVANTAGES ECONOMIQUES QUI EN RESULTAIENT. CE QUI EST DEMANDE AUJOURD,HUI C,EST UN GOUVERNEMENT SANS LE GENDRE ET LE HEZBOLLAH. UN GOUVERNEMENT LIBANAIS AVEC DU SANG NOUVEAU. DES TECHNOCRATES. ET LA FIN DES MILICES ARMEES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 54, le 22 octobre 2019

  • Exactement !!! Édifiant !!

    Bery tus

    06 h 27, le 22 octobre 2019

  • Mais, continuez donc votre article, MrTouma! Ce serait quoi donc cette boite de Pandore du système politique que l’on risque d’ouvrir maladroitement? Dites-le: un risque de dérapage authoritaire orchestré par le Hezbollah qui n’accepterait pas qu’on touche à l’axe de la résistance ni à son poulain et son gendre? Malheureusement, c’est une possibilité très réaliste que risquent de subir ces braves gens... Sauf que le mouvement est généralisé, ultra-communautaire, que rien n’arrêtera, avec les yeux du monde entier et des Nations Unies bien ouverts... Ce serait bien le début de la fin du Hezbollah!

    Saliba Nouhad

    01 h 54, le 22 octobre 2019

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