C’est une grande victoire pour les manifestants dans la rue. Pour la première fois dans l’histoire du Liban, ils ont réussi à s’imposer dans les décisions du gouvernement et à avoir un impact direct sur elles. Même si la tendance générale des manifestants hier après la déclaration du Premier ministre était de juger les mesures adoptées insuffisantes, il n’en reste pas moins que c’est la première fois dans l’histoire des Conseils des ministres que le gouvernement envoie au Parlement un projet de loi budgétaire avec 0,6 % de déficit. Pour la première fois aussi, les ministres réunis décident de réduire de moitié leurs salaires et ceux des députés. À la demande du chef de l’État, ils vont même lever le secret bancaire sur leurs avoirs dans les banques. Une série d’autres mesures a été aussi adoptée, toutes accompagnées d’un calendrier d’exécution, au point que certains experts économiques ont parlé d’un tournant décisif dans la vie économique et financière libanaise. Ce qui montre que les ministres ont été secoués par ce qui s’est passé dans la rue et, au final, qu’ils ont entendu la voix des manifestants.
Certes, il faut bien plus qu’une réunion du gouvernement pour rétablir la confiance perdue entre le peuple et les dirigeants, mais on peut dire que cette fois, la rue a obtenu raison. Même si quelque part, on se demande pourquoi toutes ces décisions n’avaient pas été prises auparavant puisqu’elles étaient possibles...
D’ailleurs, depuis le début de la réunion qui s’est tenue hier matin à Baabda, en présence de tous les ministres sauf les quatre des FL démissionnaires, on sentait qu’un climat inhabituel régnait. Les présents semblaient conscients de la gravité du moment et soucieux de prendre des mesures chocs destinées à calmer la rue. Le chef de l’État qui, depuis quatre jours, suit de près les développements sur le terrain avait commencé par tenir une réunion bilatérale avec le Premier ministre. Puis il a ouvert la séance du Conseil des ministres en précisant que les gens ont mal et ils ont raison, appelant les ministres à agir vite et à commencer par lever le secret bancaire sur leurs avoirs pour donner un signal fort aux citoyens et commencer à rebâtir la confiance perdue. Les membres du bloc du Liban fort vont d’ailleurs commencer à le faire rapidement, pour donner l’exemple, a déclaré le ministre Ghassan Atallah.
Aoun « pas mécontent »
Selon les proches de Baabda, le chef de l’État ne serait pas donc mécontent de ce qui s’est passé au cours des derniers jours. Il aurait rappelé à ses visiteurs que depuis des mois, il était en train de pousser le gouvernement à prendre des mesures rapides pour tenter de régler la crise économique et financière. En vain. Il avait même convoqué les chefs de file politiques à la réunion économique de Baabda pour les pousser à adopter un document de réformes économiques et financières, car il avait compris que le gouvernement ne semblait pas décidé à agir rapidement. Le document avait été adopté au cours de la réunion, mais oublié aussitôt qu’elle avait été levée.
Aujourd’hui, grâce à la pression populaire, il n’est plus possible d’atermoyer. Et c’est, selon les proches de Baabda, un aspect positif des manifestations. D’ailleurs, toujours selon les proches, le chef de l’État pourrait s’adresser bientôt directement au peuple, dans un discours télévisé.
Pour en revenir à la séance d’hier, après l’introduction du président Aoun, le Premier ministre a proposé le plan en 24 points élaboré la veille, qui reprend des mesures déjà évoquées, et d’autres assez nouvelles et radicales.
Les ministres ont discuté des points, un à un, selon les présents, dans un climat de calme et de sérieux. Selon certains présents, seuls les ministres du PSP semblaient déterminés à prolonger les débats. Ils discutaient de chaque mot et de chaque idée, mais le Premier ministre ne voulait pas provoquer de clash. Vers la fin de la séance, le ministre Waël Bou Faour a ouvert une polémique sur « le parti fort », en accusant le ministre Gebran Bassil de prendre seul les décisions et de vouloir les imposer aux autres parties. Il voulait, racontent certains ministres, le provoquer pour avoir une raison de se retirer. Mais c’est le ministre Salim Jreissati qui a répondu aux critiques de son collègue du PSP, dans un échange qui est resté, selon les témoins, calme et respectueux.
Le Conseil des ministres a ensuite poursuivi l’examen des points figurant dans le document du Premier ministre. Mais, arrivé au dernier point consacré au dossier de l’électricité, le ministre Waël Bou Faour est revenu à la charge, soulevant de nouveau des questions polémiques.
Le Premier ministre lui a alors rappelé que ces sujets ont déjà été évoqués et que le gouvernement doit absolument achever l’examen des points prévus, ajoutant qu’il n’y a pas de temps à perdre et qu’il n’est donc pas besoin de revenir en arrière.
Mais, toujours selon des ministres présents, Waël Bou Faour aurait décidé de se lever et aurait déclaré qu’il préférait se retirer avec son collègue, si les propositions présentées par le PSP n’étaient pas prises en compte. Il s’est donc retiré avec Akram Chehayeb, alors que la réunion touchait déjà à sa fin. Selon les présents, à part les ministres du PSP, personne n’a cherché à se lancer dans des discussions sans fin. Bien au contraire, tout le monde cherchait des résultats concrets de nature à calmer les manifestants. La question de remplacer les ministres des Forces libanaises démissionnaires (Ghassan Hasbani, May Chidiac, Richard Kouyoumjian et Camille Abousleiman) n’a pas été évoquée, mais les démissions ont été acceptées par le Premier ministre et par le président. Aucune date n’a été fixée pour une nouvelle réunion, le gouvernement préférant attendre d’abord la réaction de la rue.
C’est une grande victoire pour les manifestants dans la rue. Pour la première fois dans l’histoire du Liban, ils ont réussi à s’imposer dans les décisions du gouvernement et à avoir un impact direct sur elles. Même si la tendance générale des manifestants hier après la déclaration du Premier ministre était de juger les mesures adoptées insuffisantes, il n’en reste pas moins...
commentaires (12)
Dommage que certains au gouvernement vont payer pour les bêtises et vols des autres car il y avait des gens des ministres intégre ex ceux des FL et même du Hezbollah qui ont de tout temps dénoncer les absurdités de certains ministres Enfin dommage !!
Bery tus
18 h 03, le 22 octobre 2019