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Liban - Reportage

Dans le centre-ville, le soulèvement du 17 octobre ouvre la porte au changement

Des dizaines de milliers de manifestants ont convergé à Beyrouth pour une réédition revue et corrigée du 14 mars 2005.

Une foule massive, hier, dans le centre-ville de Beyrouth. Mohammad Azakir/Reuters

Comme pour chaque revendication – même si les manifestations de ce soulèvement du 17 octobre touchent toutes les villes du pays –, c’est vers le centre-ville de Beyrouth que des dizaines, peut-être des centaines de milliers de Libanais ont convergé hier, dans une réédition du 14 mars 2005, quand plus d’un million de personnes avaient manifesté pour le départ des troupes syriennes. Avec une différence de taille cependant : depuis jeudi, chiites, sunnites, druzes et chrétiens sont unis contre ceux qu’ils désignent désormais comme « les leaders de la guerre civile », « les voleurs », « les escrocs » et les abreuvent d’insultes de gros calibre. « C’est plus beau que le 14 mars 2005. C’est plus fort, plus propre, plus authentique, car nous sommes unis, loin de tous les partis politiques », lance Carmen, 55 ans, venue de Aïn el-Remmaneh.

« Nous étions venus en 2005 pour chasser l’armée syrienne, là nous chasserons tous ceux qui nous volent depuis trente ans », renchérit de son côté Raya, 57 ans, de Tarik Jdidé, venue avec sa fille Rana, 30 ans, et son petit-fils Mohieddine, 5 ans. Elle s’adresse au gamin qui brandit joyeusement un drapeau libanais : « Porte haut le drapeau, ne le traîne surtout pas. En 2005, ma fille avait 15 ans. Je l’amenais avec moi aux manifestations et là c’est à mon petit-fils de s’y habituer, car le chemin sera bien long. »

De nombreuses personnes présentes au centre-ville hier étaient conscientes qu’il fallait s’armer de patience pour changer les choses. « Maintenant, ils sauront que nous n’avalerons plus toutes les couleuvres », s’écrit Alia, originaire du Liban-Sud. Dans la foule, des femmes en tchador côtoient d’autres en short.

Entre la place Riad el-Solh, la place des Martyrs, l’immeuble des Lazaristes et le parvis de la mosquée Mohammad el-Amine, l’immense foule hétéroclite faisait flotter ses drapeaux, entonnait des chants patriotiques entrecoupés de grosses insultes, surtout à l’encontre du ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil.



(Lire aussi : La soixante-treizième heure, l'édito d'Elie FAYAD)



Rêver d’un pays laïc
Les manifestants déroulaient par intermittence un drapeau géant. Pas encore organisés, ils ont écrit leurs slogans sur des bouts de carton ou de simples feuilles de papier. « I want to build my future in Lebanon » (Je veux construire mon avenir au Liban), peut-on lire sur un petit carton brandi par une fillette de trois ans, juchée sur les épaules de son père, « Mes enfants sont à vendre, car je ne peux plus payer leur scolarité », lit-on sur un autre carton orné de trois photos d’enfants, porté par un homme d’une quarantaine d’années.

L’accès à l’éducation, désormais devenue trop chère, et l’émigration massive des jeunes qui ne reviendront plus au pays natal figurent parmi les premières causes évoquées par les manifestants.

« Ma scolarité coûte 15 000 dollars par an. Je la paie grâce à l’aide du service social de l’université. Je devrais la rembourser encore des années durant après avoir quitté l’établissement, cela si je trouve du travail », raconte Rajaa, 19 ans. « Beaucoup de mes amis ont quitté la fac parce qu’ils n’ont plus les moyens de payer et il faut des pistons pour entrer à l’Université libanaise. Je manifeste aussi pour la Sécurité sociale, l’assurance vieillesse et maladie. Dans un pays comme le Liban, on mûrit beaucoup plus vite que prévu », poursuit-elle.



(Lire aussi : La faillite du modèle de gouvernement libanais ou le réveil d’une nation, le commentaire d'Anthony SAMRANI)



De nombreux jeunes, dont certains n’ont jamais voté, font partie de la foule.

« Regardez-nous, chiites, sunnites, druze et chrétiens. Nous sommes assis ensemble. Ce sont les leaders politiques qui encouragent le confessionnalisme pour nous éloigner les uns des autres et profiter de la situation. Contrairement à mes parents, je n’ai pas grandi durant la guerre. Et je refuse d’élever plus tard mes enfants dans l’idée du confessionnalisme. Je veux un pays laïc », explique Samer, 25 ans.

Il n’est pas le seul à tenir ce discours, qui est désormais accepté – voire adopté – par des personnes plus âgées.

« Ce que je préfère au Liban ? C’est son peuple ! » répond Mariam, 32 ans, avec un sourire éclatant. Tous les manifestants interrogés donnent cette même réponse : « Le Liban c’est avant tout son peuple. »

Dans la rue, Ali, marchand ambulant plus pauvre que Job, pousse un chariot chargé de bouteilles d’eau. Il vient de donner une bouteille gratuite à un manifestant. « Il m’a dit qu’il n’avait pas d’argent et qu’il avait soif. C’est comme si c’était l’un de mes enfants. J’en ai quatre. Ma fille aînée ira à l’université cette année. J’espère qu’elle ne suivra pas les leaders confessionnels et qu’elle aura une meilleure vie que moi », dit-il.

Dans l’immeuble des Lazaristes, Barakat Travel, vandalisé vendredi soir, a ouvert ses portes, mais pas pour vendre des billets d’avion et des vacances de rêve. « Nous soutenons la révolution, mais les casseurs nous ont ruinés », peut-on lire en anglais sur des pancartes plantées devant du matériel informatique vandalisé. Ici, les manifestants peuvent néanmoins venir recharger leur téléphone, se reposer sur de grands fauteuils en cuir ou encore passer aux toilettes. L’établissement a également mis à la disposition d’un collectif d’ONG un bureau et des chaises en plastique pour que les manifestants écrivent leurs revendications et propositions.

« Les pertes sont estimées à plus de 100 000 dollars. C’est la troisième fois que je dois reconstruire. Ma maison au village et l’une de mes boutiques avaient été détruites lors de l’offensive israélienne de 2006. Je suis au centre-ville depuis 2004, je pense que j’ai tout vu. Les affaires vont très mal, j’espère pouvoir garder cette branche ouverte. »

Places, parking, ruelles, rues et avenues du centre-ville sont noirs de monde. La foule est dense et l’espace n’est plus qu’un.

À Tabaris, tous les panneaux lumineux portent la même image, celle du drapeau du Liban. Comme la publicité d’un pays désormais ouvert à tous les changements.



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Comme pour chaque revendication – même si les manifestations de ce soulèvement du 17 octobre touchent toutes les villes du pays –, c’est vers le centre-ville de Beyrouth que des dizaines, peut-être des centaines de milliers de Libanais ont convergé hier, dans une réédition du 14 mars 2005, quand plus d’un million de personnes avaient manifesté pour le départ des troupes syriennes....

commentaires (4)

LE PEUPLE EN A RAS LE BOL DU REGIME ACTUEL ET SURTOUT DU GENDRE ET DU HESBOLLAH. IL DEMANDE UN CHANGEMENT REDICAL. LE PEUPLE EN A DECIDE AINSI.

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 03, le 21 octobre 2019

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Commentaires (4)

  • LE PEUPLE EN A RAS LE BOL DU REGIME ACTUEL ET SURTOUT DU GENDRE ET DU HESBOLLAH. IL DEMANDE UN CHANGEMENT REDICAL. LE PEUPLE EN A DECIDE AINSI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 03, le 21 octobre 2019

  • Du Nord au Sud , D'Est en Ouest , la rose des vents ne s'arrete plus . Tres Chers politiciens , les employes d'etat qui vous protegent vont vous mettre les menottes dans quelques jours ... leurs salaires sont payes par le malheur d'un peuple affame , trompe , vendu , vole . Vous devez crever de peur dans vos palais , on vous suivra en Suisse sur vos comptes en banques ou au Tombouctou si il le faudra , ont veux nos sous , ont veux les moindres services de base d'un simple citoyen Egyptien ou Jordanien , pas plus et cela depuis 30 ans ... Rien ne fontionne , chefs d'entreprises , medecins ingenieurs et ouvriers et instituteurs ... ce ne sont pas des manants et de la masse populaire , c'est un reveil provoque par un ras le bol general et surtout merci a ces braves du sud qui nous ont comble . et face a un etat voyou et a un Cartel de dirigeants c'etait soit la fuite soit la mort soit la revolte . Vive la Revolution . Toto F. KAMEL

    Farid

    11 h 13, le 21 octobre 2019

  • Le peuple est Roi! Il est temps que les politiciens s'en rendent compte. Les gens ne croient plus a leurs pratiques changeantes selon les circonstances et au gré du vent. Apres avoir juter le pays et l';avoir conduit vers le gouffre, il y en a qui continue leur rengaine bête et stupide de complot étranger et patati et patata! Réveillez vous, cette chimère ne passe plus. Le vrai complot est celui des politiciens qui volent a bras ouverts et sans en être sanctionné. Le vrai complot est celui des assassinats dont on connait les acteurs et qui circulent encore en toute liberté. Le vrai complot est celui de faire croire aux gens que nous devons rester constamment en guerre sans raisons et mourir gratuitement pour n'importe qui ou quoi d'autre que son pays. Le vrai complot est celui des fausses résistances, des victoires factices et des dangers irréels venu d'ailleurs qui ne nous permettent pas de vivre en paix. Le vrai complot est celui du projet milicien qui mine le pays depuis 1982! Le vrai complot est celui de ne pas appliquer la constitution telle qu'elle et de la substituer en transaction commerciale pour satisfaire ses poches...

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 40, le 21 octobre 2019

  • Ne sous estimons pas la capacité nocive des forces etrangeèes et locales qui n'ont jamais avalé l'alliance Aoun-Hezb-Hariri et qui n'ont jamais réussi a dmettre ce dernier depuis Riad , et qui essaient maintenant de le faire tomber de l'interieur . La stratégie américaine infatigable vise à écarter toutes les chances de Poutine au Liban , mais personnellement j'ai plus confiance en Poutine que dans ces americains lâcheurs qui ne pensent pas du tout à l'interêt du Liban , mais à l'interêt de leur seul favori sur la surface de la planète !

    Chucri Abboud

    09 h 48, le 21 octobre 2019

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