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Moyen Orient et Monde - Témoignages

« On espère tous que le Liban ne subira pas le même sort que la Syrie »

Des internautes syriens dénoncent sur les réseaux sociaux l’hypocrisie des partisans du régime applaudissant le « réveil libanais ».


À Saraqeb, des activistes ont peint sur un mur un drapeau libanais, en remplaçant le cèdre par un bouquet de roses, symbole des manifestations pacifiques de 2011 en Syrie.

Des milliers de drapeaux libanais flottaient de nouveau hier dans le ciel de toutes les régions du Liban, les manifestants répétant en chœur : « Le peuple veut la chute du régime. » « Ça me fait bizarre de crier ça, j’ai l’impression de faire partie de la révolution syrienne », chuchote l’un d’entre eux à son ami, descendus tous deux au centre-ville de Beyrouth.

L’engouement révolutionnaire a dépassé la frontière et de nombreux Syriens se sont montrés solidaires de la vague de protestation qui a gagné le Liban. « Beaucoup de mes compatriotes ne peuvent descendre dans la rue en soutien aux manifestants, soit parce qu’ils n’ont pas de permis de résidence, soit parce qu’ils ont peur qu’on les accuse d’instrumentaliser la chute du gouvernement libanais », explique Ghiath Ayoub, un réalisateur syrien originaire du Qalamoun, réfugié au Liban. L’opposant, qui a rejoint les protestataires à Beyrouth, affirme que de nombreux Syriens sont toutefois dans les rues avec les Libanais. « Ce qui se passe au Liban est incroyable. La diversité parmi les manifestants fait chaud au cœur. Les régimes arabes sont tous les mêmes, et si un peuple exige que son gouvernement tombe, je descendrai dans le rue », confie-t-il.

Karim* et Louay*, deux jeunes Syriens originaires de Raqqa, également réfugiés au Liban, restent calfeutrés chez eux depuis vendredi. « Si on descend manifester, ils vont nous massacrer », estime Karim. Le racisme antisyrien reste très présent au sein de la population libanaise, qui garde en mémoire les années d’occupation par les forces de Damas. La question des réfugiés, qui sont plus d’un million au Liban, est notamment mise en avant par beaucoup comme l’une des raisons principales de la situation économique désastreuse au pays du Cèdre. « Mais le Liban ne paie pas pour les réfugiés, ce sont les ONG. Les gens oublient l’impact de la main-d’œuvre syrienne sur l’économie libanaise », poursuit le jeune homme.

Cependant leurs craintes ne les empêchent pas de se montrer solidaires. « Les Libanais ont raison de descendre dans la rue, car les zaïms ont noyé le pays et ne savent plus comment s’en sortir. Les peuples syrien et libanais ne font qu’un en dépit de tout le racisme et de la haine », confie pour sa part Louay. Le caractère bon enfant, « romantique et festif » des manifestations libanaises, qui tranche avec le sérieux et la violence des protestations syriennes de 2011, l’interpelle. « On espère tous que le Liban ne subira pas le même sort que la Syrie », confient tour à tour Louay et Karim.

Inquiétude et solidarité
« Tu vas bien ? Tu es au Liban ? » écrit via WhatsApp Alaa, un activiste de la province d’Idleb en proie à de violents bombardements de la part du régime et de son allié russe, mais inquiet de la tournure prise par les événements au Liban. Sur les réseaux sociaux, les messages de solidarité pleuvent. À Saraqeb, des activistes ont peint sur un mur un drapeau libanais, en remplaçant le cèdre par un bouquet de roses, symbole des manifestations pacifiques de 2011 en Syrie. « Je suis syrien. Liban, mon second pays, que Dieu te protège », peut-on également lire dans un message circulant sur la Toile.

En août 2015, des activistes de la ville de Kafranbel, dans la province d’Idleb, brandissaient une pancarte où une tornade libanaise balaie sur son passage des figures représentant les responsables politiques au pouvoir. « Il y a plus de quatre ans déjà, ces activistes avaient compris ce que les Libanais devaient faire », confie Wissam Zarqa, un activiste alépin, aujourd’hui réfugié en Turquie. « Dans tous les pays où sont passés les printemps arabes, il y a une idole à renverser. Au Liban, elles sont multiples, ce qui rend les choses plus difficiles », dit-il via WhatsApp. « Au Liban, il est facile d’aller dans la rue et de manifester grâce à la liberté d’expression et aux médias, mais les différences communautaires profondément enracinées pourraient rendre compliquée toute avancée », poursuit-il.

La semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil jetait un pavé dans la mare en déclarant vouloir se rendre prochainement en Syrie pour inciter les réfugiés à faire de même. Un sujet de crispation pour les réfugiés syriens qui ne veulent pas revenir vivre dans les zones contrôlées par le régime de Bachar el-Assad. Depuis le début des manifestations, le ministre est la personnalité politique la plus ciblée dans les slogans. « La seule chose qu’il sache faire c’est prononcer des discours de haine, en dépit de ses capacités linguistiques faibles », estime Wissam Zarqa. Des internautes syriens comme libanais dénonçaient en outre sur les réseaux sociaux l’hypocrisie des partisans du régime applaudissant le « réveil libanais ». Faia Younan, chanteuse alépine réfugiée en Suède, s’est notamment fait incendier suite à un message dans lequel elle commentait la révolte libanaise et disait être de tout cœur avec le peuple qui veut vivre.

Au premier jour des manifestations vendredi, deux ouvrier syriens ont trouvé la mort après l’incendie d’un bâtiment à l’intérieur duquel ils dormaient, mis à feu vraisemblablement par des manifestants. Une veillée aux chandelles en leur mémoire a été organisée par les protestataires, hier soir, au centre-ville de Beyrouth.


*Les prénoms ont été modifiés 

Des milliers de drapeaux libanais flottaient de nouveau hier dans le ciel de toutes les régions du Liban, les manifestants répétant en chœur : « Le peuple veut la chute du régime. » « Ça me fait bizarre de crier ça, j’ai l’impression de faire partie de la révolution syrienne », chuchote l’un d’entre eux à son ami, descendus tous deux au centre-ville...

commentaires (5)

La Syrie de Bachar el Assaad a détruit le Liban avec l'aide du Hezbollah . Je me souviens quand je suis venue en 1991 et je prends un taxi de Hamra pour Badaro et un soldat syrien nous arrete le pauvre chauffeur me dit ne parler pas l'arabe heureusement que j'avais mon passeport français et comme ca nous avons passé , ca était un choc pour moi

Eleni Caridopoulou

18 h 11, le 03 décembre 2019

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Commentaires (5)

  • La Syrie de Bachar el Assaad a détruit le Liban avec l'aide du Hezbollah . Je me souviens quand je suis venue en 1991 et je prends un taxi de Hamra pour Badaro et un soldat syrien nous arrete le pauvre chauffeur me dit ne parler pas l'arabe heureusement que j'avais mon passeport français et comme ca nous avons passé , ca était un choc pour moi

    Eleni Caridopoulou

    18 h 11, le 03 décembre 2019

  • Les voleurs pourront tjrs dormire sur leur dizaines de milieuurs . Jusqu'a nouvel ordre ... Que leurs salaires, soient reduits a zero, qu'ils en en rien a branler.

    Remy Martin

    17 h 11, le 21 octobre 2019

  • Vaste chantier , la révolution devrait se faire dans les têtes et les comportements avant que de mener les dirigeants au bûcher. Pour l'exemple on couperait bien une tête ou 2 mais et après ? LES exemples de révolution qui ont tourné au drame des peuples sont encore vivaces autour de nous . Une oppression longue et dure ne peut provoquer que des défoulements hystériques.

    FRIK-A-FRAK

    16 h 12, le 21 octobre 2019

  • CA DEPEND DU HEZBOLLAH D,ENTRAINER LE PAYS VERS DES JOURS OBSCURS OU DE SE SOUMETTRE A LA VOIX DU PEUPLE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 59, le 21 octobre 2019

  • Il est préoccupant de penser que ces manifestations puissent mener à la même déroute que celles qu'avaient organisé les opposants syriens du printemps arabe , et tous les autres pritemps en Egypte, en Tunisie , en Libye , au Yemen , en Irak etc etc ... Ça n'a mené qu'à l'aneantissement des forces vives de tous ces pays . Il n'y a aucune raison de penser que leur sort au Liban serait meilleur ! Ce n'était vraiment le bon moment de faire tout ce gâchis aussi chez nous ! Payez un peu plus de taxes aurait mieux valu que l'effondrement de la Livre Libanaise qu'ils sont en train de provoquer , aveuglés par leurs impatience ! ...

    Chucri Abboud

    01 h 01, le 21 octobre 2019

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