L'ambassadeur du Liban en Turquie, Ghassan Mouallem, a été convoqué jeudi par le ministère turc des Affaires étrangères après qu'une banderole hostile à Ankara ait été accrochée à l'entrée de l'ambassade de Turquie, à Rabieh, a rapporté l'agence de presse turque Anadolu.
L'agence indique que la Turquie a exprimé au diplomate sa "préoccupation" après cette "provocation", ainsi que son inquiétude quant à la sécurité de son ambassade au Liban, demandant aux autorités libanaises de prendre les mesures de sécurité nécessaires, afin de protéger l'ensemble des intérêts turcs au Liban, dont l'ambassade de Turquie.
Sur la banderole l'on voit le drapeau turc avec une tête de mort et l'inscription "Vous aussi dégagez !". Une allusion aux propos tenus la semaine dernière par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui avait enjoint aux soldats israéliens se trouvant à la frontière avec le Liban de "dégager".
Dans la journée, cinq avocats - Mohammad Jaafil, Jihad Abou Ammo, Wissam Halabi, Firas Chreitah et Noureddine Baalbacki - ont présenté une note d'information au bureau du Procureur général près la Cour de cassation contre le militant du Courant patriotique libre (CPL), Tony Orian, qu'ils accusent d'avoir accroché la banderole devant l'ambassade turque, pour "atteinte aux relations du Liban avec un pays ami". Les avocats ont joint à cette note un CD et plusieurs photos.
"Réparer la faute"
Le président Aoun avait affirmé le weekend dernier, dans un discours prononcé pour le lancement des célébrations du centenaire du Grand-Liban, que toutes "les tentatives de libération du joug ottoman s'étaient heurtées à de la violence, aux combats et dissensions confessionnelles". "Le terrorisme d’État des Ottomans envers les Libanais, surtout lors de la Première Guerre mondiale, a fait des centaines de milliers de victimes, tuées soit par la famine, soit encore par la servitude ou la conscription", avait-il ajouté.
Ne tardant pas à réagir, le ministère turc des Affaires étrangères accusé le chef de l’État libanais de "révisionnisme politique", lui reprochant d'avoir "ignoré tous les événements qui ont eu lieu depuis la colonisation" occidentale de la région et "essaie de faire porter à l'administration ottomane la responsabilité des catastrophes d'aujourd'hui".
Deux jours plus tard, l'ambassadeur de Turquie à Beyrouth, Hakan Cakil, a été convoqué par le ministère libanais des Affaires étrangères afin de s'expliquer sur les critiques de la diplomatie turque à l'encontre du chef de l’État libanais. Le ministère a demandé officiellement à Ankara de "réparer la faute" qu’il lui reproche d’avoir commise. La demande a été confiée à l’ambassadeur de Turquie qui a été reçu par le directeur des affaires politiques, Ghadi Khoury. Ce dernier lui a demandé des explications au sujet de la réaction "inamicale" d’Ankara au discours présidentiel.
Le discours du président Aoun a également provoqué des remous au sein de la rue sunnite libanaise, sachant que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, jouit d'une certaine popularité auprès de certains sunnites libanais. L'Union des ulémas musulmans a ainsi dénoncé dans un communiqué un "discours haineux et populiste" qui "déforme l'histoire", alors que l'ancien mufti de la République Mohammad Rachid Kabbani a demandé au chef de l’État de "corriger ses propos qui falsifie l'histoire de l'Empire ottoman". Dans ce contexte, l'ancien Premier ministre Fouad Siniora a reçu jeudi l'ambassadeur turc et a évoqué avec lui, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "les développements au Liban et dans la région". Ils ont également "insisté sur l'importance de renforcer les relations bilatérales basées sur des intérêts communs, loin des tensions historiques et personnelles".
La Ligue maronite a pour sa part pris la défense du chef de l’État, dans un communiqué publié jeudi. "Il est étonnant et répréhensible que la Turquie, ainsi que certains Libanais, notamment le cheikh Kabbani, répondent aux propos du président de la République (...). Le chef de l’État a évoqué la période ottomane comme une vérité et un fait que nul historien objectif ne peut ignorer (...)", a estimé la Ligue. Elle a affirmé que le président Aoun "ne voulait pas porter atteinte aux relations libano-turques que nous voulons voir renforcées et qui sont basées sur le respect mutuel".
Lundi, le ministre de la Défense Élias Bou Saab, proche du président Aoun, avait également défendu la position de ce dernier. Reçu par le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, M. Bou Saab avait affirmé que le discours du chef de l’État se basait sur "des faits et l'histoire que personne ne peut renier".
commentaires (4)
LA BANDEROLE REFLETE L,OPINION DES LIBANAIS DONT LES ANCETRES ONT SOUFFERT UN GENOCIDE DES OTTOMANS.
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 18, le 06 septembre 2019