Le président libanais Michel Aoun s'est adressé samedi aux Libanais à l'occasion du lancement des célébrations du centenaire de la déclaration du Grand Liban, qui dureront une année entière. Il a saisi l'occasion pour adresser une mise en garde à Israël, dans un climat de vive tension entre les deux pays, après les attaques de drones qui ont visé la banlieue-sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, allié du chef de l’État.
"Libanaises, Libanais, je m’adresse à vous aujourd’hui pour vous annoncer le lancement de la commémoration du centenaire de l’État du Grand Liban, proclamé le 1er septembre 1920. Les célébrations auront lieu à partir du premier janvier 2020 et dureront jusqu’à la fin de l’année", a dit le chef de l’État dans une allocution télévisée retransmise en direct. "Pourquoi de telles festivités ? Pour se remémorer la reconnaissance internationale du Liban avec ses frontières actuelles en tant qu’État libre et indépendant. Pour se rappeler le prix fort payé par nos aïeux pour obtenir cette reconnaissance", a expliqué le président Aoun. "À la suite des événements et des secousses que le Liban a traversés au cours des dernières décennies, il est essentiel de se souvenir de l’histoire de notre pays et des souffrances et sacrifices consentis. En effet, tout peuple qui oublie son passé risque de reproduire les mêmes erreurs, de marginaliser l’effort accompli et de mettre de nouveau l’avenir en péril", a-t-il souligné.
Entre 1516 et 1918, le Mont-Liban a vécu sous occupation ottomane. L'État du Grand Liban a été proclamé le 1er septembre 1920 par le général Henri Gouraud, représentant l'autorité française mandataire sur la Syrie, du haut des marches de la résidence des Pins à Beyrouth. Ce n'est que le 22 novembre 1943 que le Liban sera déclaré indépendant, après avoir été sous mandat français suite à la chute de l'empire ottoman avec la fin de la Première Guerre mondiale en 1918.
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"Un État fort"
"Il ne fait aucun doute que l’émirat du Mont-Liban a constitué la base de fondement sur lequel fut bâti le Grand Liban. Il était le cœur autour duquel s’est reconstitué le corps de la nation", a souligné le chef de l’État dans son discours. "L’établissement de ce Grand Liban s’est fait au travers des institutions et organisations administratives, judiciaires, financières et sécuritaires mises en place par les autorités françaises en vue de la déclaration de l’État libanais. En effet, seules les institutions sont les garantes de la patrie et constituent le fondement d’un État fort. Aujourd’hui, avec le lancement de la commémoration du centenaire du Grand Liban, pour lequel un comité organisateur a été nommé, je tiens à souligner l’importance qu’il faut donner aux activités qui éclaireront les nouvelles générations sur l’histoire de notre pays et renforceront leur attachement à la patrie (...)".
Le président Aoun a ensuite dénoncé le confessionnalisme qui mine le système libanais. "Malheureusement, les pratiques sectaires se sont enracinées dans le sang des Libanais, dans les veines des institutions et dans les structures du pouvoir. Jusqu’à ce jour, nous n’avons pas atteint un degré de développement et de lucidité où la loi est garante du droit et l’efficacité devenue la norme. C’est l’occasion idéale pour que je déclare, en tant que président de la République, ma profonde conviction de la nécessité de passer du système confessionnel actuel à un État moderne et civil où la première adhésion va à la patrie et non aux leaders sectaires".
Les leçons de la guerre
"(...) Nous devons tous tirer les leçons de la guerre pendant laquelle notre peuple s’est entretué durant des années, chacun croyant pouvoir vaincre l'autre, le marginaliser ou le soumettre. La paix n’a pu s’installer que lorsque l’esprit d'unité et de coexistence a prévalu sur celui de la division", a encore plaidé le président Aoun.
Le chef de l’État a ensuite commenté le nouveau regain de tension entre le Liban et Israël. Cette tension fait suite aux attaques de drones israéliens ayant ciblé la banlieue-sud le week-end dernier, à des tirs de l'armée libanaise sur d'autres drones survolant le secteur frontalier mercredi soir, et des fusées éclairantes israéliennes tirées au-dessus de la frontière-sud aujourd'hui.
"Un pays ne survit que lorsqu’il est souverain. Nous affirmons au monde que le Liban est épris de paix et ne cherche nullement la guerre. Mais notre peuple n’a jamais reculé et ne le fera jamais quand il s’agit de faire face à toute tentative qui vise la souveraineté de la patrie, cherche à atteindre sa dignité et son intégrité territoriale", a prévenu le président Aoun. "Les récentes attaques israéliennes contre notre souveraineté et la condamnation unanime des Libanais affirmant leur droit légitime à défendre leur pays reste la meilleure preuve de notre attachement aux constantes qui préservent l'entité et les droits des États", a estimé le président de la République.
"Nul n’a le droit de violer le territoire libanais comme bon lui semble ! Jamais nous n’aurions pu fêter ce centenaire si nous n’avions pas pu prouver notre capacité à chasser les armées les plus puissantes de notre terre, défendre notre indépendance et poursuivre notre message humaniste", a insisté le président Aoun. Depuis l'an 2000 et jusqu'à ce jour, aucun effort n'a été déployé pour mettre un terme à ces agressions. Il est de notre droit de répondre à ces agressions. Nous avons le droit d'éliminer ces drones. Ce qui compte c'est que l'ennemi sente que ses drones sont en danger.
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La lutte contre la corruption
Michel Aoun a ensuite abordé la question de la lutte contre la corruption devenue son cheval de bataille. "Apprenez aux nouvelles générations que les institutions sont les piliers d’un État fort et les garantes de son immunité. Si la corruption gagne, tout s’effondre ! La lutte contre ce fléau, c’est la grande bataille que nous menons aujourd’hui. Que se détrompent ceux qui continuent à y faire obstacle, pensant que nous sommes incapables de la réussir. J’affirme à nos jeunes qu’ils doivent espérer en l’avenir, qu’ils n’abandonnent pas leur patrie qui souffre de l’effondrement de ses institutions rongées par la corruption. Car je le dis avec confiance, on commence à entrevoir les signes du changement et de la victoire. Apprenez-leur également que le Liban est grand, non par sa taille et sa géographie mais par sa civilisation et ses valeurs. Grand par son rôle et le message qu’il porte. Et qu’ils doivent persévérer dans cette voie pour qu’il reste grand. Ce Grand Liban, nous le voulons pour cent ans, pour mille ans encore… un pays de lumière, de libertés, d’interaction des civilisations, de démocratie, d’innovation, de diversité… Terre de foi et de patrimoine. Apprenez-leur enfin que quelles que soient les circonstances, le Liban demeurera trop grand pour être avalé et trop petit pour être divisé. Vive le grand peuple du Liban, vive le Liban !", a conclu le chef de l’État.
Pour mémoire
Réunion du comité chargé des célébrations du centenaire du Grand Liban
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commentaires (10)
En parole seulement !! On veut des actes
Bery tus
14 h 16, le 01 septembre 2019