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Lifestyle - La Mode

La mode-argument de Céline Semaan

La mode, surtout la « mode rapide » ou « fast fashion », représente 10 % des facteurs de pollution terrestre et du réchauffement climatique. Après avoir pratiqué plusieurs métiers parmi lesquels la conception informatique centrée sur l’utilisateur, la Libano-Canadienne Céline Semaan Vernon retourne à la mode, sa passion première, mais avec un projet global orienté vers le zéro déchet, la durabilité et le recyclage total.

The Slow Factory, foulard « Hedy Lamarr », collection dédiée aux femmes pionnières. Photo DR

Elle est aussi hypersensible, hyperengagée et hypertalentueuse que difficile à coincer dans un statut ou une définition. Que fait Céline Semaan ? Elle est créatrice de mode, activiste, auteure, fondatrice de The Slow Factory, une agence de mode qui a pour objectif de réduire les déchets à néant à travers une économie circulaire. Elle est aussi, avec son mari Colin Vernon, créatrice de The Library Study Hall, une agence de conférences autour de l’éducation à la production durable. Cet engagement intense lui vaut en 2016 d’être désignée director’s fellow au MIT Lab. Tout cela, en plus de la cause des réfugiés qu’elle porte à bout de bras au même titre que toutes les grandes préoccupations autour de la justice sociale, l’identité arabe et l’appropriation culturelle, fait de cette jeune femme née à Beyrouth en 1982 la chouchoute des médias américains qui comptent : The New York Times, CNN, Vanity Fair, Vogue, Vice, Business Insider, Glamour ou WWD. Elle-même n’économise ni sa voix ni son encre pour s’exprimer sur des tribunes et dans des pages du même acabit.

Des accessoires chargés de symboles

Céline Semaan n’a que trois ans et demi quand elle quitte le Liban avec sa maman et sa petite sœur pour rejoindre son père parti préparer une nouvelle vie à sa famille au Canada. Elle est trop jeune pour comprendre quelque chose au statut de réfugiée qui sera désormais le sien, mais les larmes de l’entourage qui accompagnent ce départ lui resteront en mémoire toute sa vie. Les allers et retours au Liban, un début d’installation vite balayé par la guerre de 2006 lui font prendre conscience de la précarité des choses et de l’importance de ne rien posséder, ou alors d’avoir un objet émotionnel et symbolique capable de cristalliser un souvenir et de nous rappeler d’où l’on vient. C’est ainsi que lors de la fondation de The Slow Factory, sa première idée est de créer une écharpe en soie imprimée d’une photographie de la Voie lactée diffusée par la NASA : celle-ci vient rappeler à toute personne séparée de son lieu de naissance et de vie que la terre et le cosmos sont vastes et représentent un même foyer pour chaque être vivant. Suivra cette petite collection une série de pendentifs représentant une clé, moulée sur la clé de la maison de son enfance, et qui symbolise la maison du bonheur perdu, au propre comme au figuré, et l’espoir d’y revenir. Sur le site de The Slow Factory, on trouvera aussi une série de carrés en cachemire ou en soie dédiés les uns aux espèces animales en voie de disparition bien plus discrètes que les grands fauves ou les ours polaires, les coraux par exemple, et les perroquets de Californie. D’autres rendent hommage à des femmes pionnières telles que Hedy Lamarr, Margaret Hamilton, Kathryn D. Sullivan ou Katherine Johnson. D’autres encore célèbrent la beauté de la Terre vue du ciel.


Le vêtement, dignité du réfugié

On l’aura compris, ces objets presque fétiches d’où sont bannis toute trace de plastique et tout procédé d’industrialisation sauvage ne sont que les supports d’une cause bien plus vaste qui englobe une action en profondeur en vue d’une prise de conscience des graves enjeux sur lesquels notre avenir tout entier repose, avenir qui n’a déjà pas plus de vingt ans devant lui. Quant au parcours qui l’a conduite à associer activisme et création, Céline Semaan n’a même pas eu à y réfléchir, elle qui affirme : « Ma conscience est hyperactive, je pense à tout depuis mon très jeune âge. J’ai toujours été très curieuse et en même temps très préoccupée par l’injustice humaine et la pollution destructrice de notre environnement. Mon parcours en tant que créatrice a commencé comme par accident. Je voulais inventer quelque chose qui puisse changer l’état du monde, changer notre perception et nous conférer ce pouvoir magique qui nous donne le sentiment d’être capables d’agir. » Elle qui a très tôt compris que le vêtement, particulièrement pour les personnes déracinées par les guerres, était surtout une question de dignité, nous révèle aussi que ses souvenirs les plus marquants ont été son départ du Liban et ensuite son retour dans son pays de naissance : « J’y étais revenue une première fois lors de courtes vacances en plein milieu de la guerre, et puis en 1995 pour y vivre. Ce qui me marquait le plus étant enfant, lors de ces voyages, c’était de voir la terre d’en haut, depuis le hublot de l’avion. C’était fascinant et à la fois très rassurant que de pouvoir observer le monde d’aussi haut. Cela m’a toujours apporté un sentiment d’appartenance au milieu des moments de chaos. »


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