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Lifestyle - Mode

La seconde mort de Sonia Rykiel

« La reine du tricot », Sonia Rykiel, décédée en août 2016. Photo Reuters

« Il n’y a plus d’après à Saint-Germain-des-Prés », chantait déjà Juliette Gréco en 1960. Depuis, le célèbre quartier parisien n’a cessé de se dénaturer à une vitesse effarante, tour à tour déserté par ses cafés traditionnels, ses petites librairies et ces divers hauts lieux où bouillaient la culture et les idées, envahi par les enseignes « globales ».

Nouvelle victime de l’époque, l’enseigne fondée par Sonia Rykiel en 1968 vient de rendre les armes. Elle n’aura survécu que trois ans à peine à sa créatrice décédée en août 2016. Elle en avait pourtant offert des inventions à la mode, la femme à la crinière flamboyante pour qui le vêtement était consubstantiel d’un art de vivre parisien fait de fantaisie, d’élégance naturelle, de lecture, de musique, de cinéma et surtout de joie pure et légère. Dans toutes les boutiques Sonia Rykiel, les livres tapissaient le décor, rappelant que la séduction ne se limite pas à l’art de s’habiller. On l’avait surnommée « la reine du tricot », mais Sonia Rykiel était bien plus que cela. Le pull-over qu’elle avait inventé, cet iconique « poor boy sweater », était sous ses airs modestes de pull rayé un redoutable sculpteur de silhouette, ajusté, psychédélique, imparable. C’est durant sa première grossesse, en 1955, qu’assise à tricoter dans la boutique de son mari, lui vient l’envie d’un modèle précis de pull qu’elle commande au fournisseur italien de l’établissement. À sa livraison, le vêtement est photographié par une journaliste et, tout à coup, toutes les femmes semblent le désirer. En même pas cinq ans, il fera le tour du monde. Audrey Hepburn en fait son essentiel. En 1960, c’est Françoise Hardy qui le porte en couverture de Elle. Portée par ce succès, qui doit davantage à son intuition qu’à son talent de tricoteuse, Sonia Rykiel décide, soutenue par son mari dont elle a pourtant divorcé, de se lancer dans la mode.

L’ouverture de sa boutique rue de Grenelle, dans le Quartier latin, coïncide avec les événements de mai 1968. Loin de se décourager, elle fait ajouter sur ses pulls des slogans et inscriptions révolutionnaires qui décuplent son succès. Dans la foulée, son vocabulaire couture se précise. Aux pulls s’ajoutent robes et tailleurs, trenchs et manteaux, et partout domine le noir sur lequel se déploient ou pas des couleurs vives. La créatrice ne craint ni les bords francs, ni les coutures visibles, ni l’absence de doublures. Sa maille est une institution, de même que ses rayures, ses velours souples et ces mots qui courent, renouvelés à chaque collection. Ces gestes révolutionnaires sont aujourd’hui des classiques. En 2012, se sachant atteinte de la maladie de Parkinson depuis plus d’une dizaine d’années, Sonia Rykiel cède 80 % du capital de sa marque au groupe hongkongais Fung Brands. En 2016, le fonds d’investissement chinois First Heritage Brands possède Sonia Rykiel à 100 % et licencie le quart des employés de la marque. En avril 2019, la société Sonia Rykiel est placée en redressement judiciaire. Quelques repreneurs se sont manifestés et l’échéance a été retardée dans l’espoir de voir la marque échoir à l’un de ces prétendants. Mais la nouvelle vient de tomber : personne n’est allé jusqu’au bout de son offre et la maison est liquidée.

Pourtant, les idées géniales n’ont pas manqué ces dernières années sous la présidence de Nathalie Rykiel, responsable de l’image de la marque et metteur en scène des défilés, et de Julie de Libran, sa directrice artistique. En 2002, des sex-toys en forme de canards habillés de rayures ont fleuri parmi les pièces de la collection, happés dès les premières semaines. Récemment, une collection de sacs en forme de pavés est venue rappeler l’ADN Mai 68 de Sonia Rykiel. En 2018 était inaugurée une allée du boulevard Raspail portant le nom de la fondatrice.

Toute une époque disparaît avec ce nom inséparable du Nouveau Roman et de la Nouvelle Vague... et de la joyeuse insolence des baby-boomers d’après-guerre.


Pour mémoire
Sonia Rykiel immortalisée à Saint-Germain-des-Prés

« Il n’y a plus d’après à Saint-Germain-des-Prés », chantait déjà Juliette Gréco en 1960. Depuis, le célèbre quartier parisien n’a cessé de se dénaturer à une vitesse effarante, tour à tour déserté par ses cafés traditionnels, ses petites librairies et ces divers hauts lieux où bouillaient la culture et les idées, envahi par les enseignes...

commentaires (2)

Dommage...

NAUFAL SORAYA

07 h 43, le 29 juillet 2019

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Commentaires (2)

  • Dommage...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 43, le 29 juillet 2019

  • ah parce que Sonia Rykel est décédée? hum... bon c'est vrai que la mode n'est pas notre tasse de thé.. Ok RIP alors avec 3 ans de retard. (sorry les gars mais on ne sait pas tout sur tout ) :)

    LE FRANCOPHONE

    00 h 39, le 29 juillet 2019

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