Dire que la crise des déchets refait surface serait un euphémisme : si, pour les observateurs les plus avertis, elle n’a jamais cessé d’être, elle risque de prendre une forme plus explicite d’ici à la fin du mois, date de plusieurs échéances, notamment la saturation de la décharge de Bourj Hammoud-Jdeidé, ou encore l’expiration du délai « accordé » par les municipalités de la banlieue sud de Beyrouth avant de fermer à nouveau l’accès de l’autre décharge, celle de Costa Brava, aux déchets d’autres régions. La fermeture prochaine de Bourj Hammoud-Jdeidé a provoqué dernièrement des réactions de nombre de députés du Metn, notamment le député Élias Hankache (bloc Kataëb), qui annonce la couleur avec son refus des différentes solutions préconisées par le ministère de l’Environnement et discutées au sein de la commission ministérielle chargée de ce dossier.
Les principales solutions avancées pour prolonger la vie de cette décharge côtière sont l’entassement des ordures en hauteur, avec une élévation d’un mètre, ce qui permettrait de gagner quelques mois ou alors la construction d’une nouvelle cellule. Des solutions nettement contestées par le député Hankache dans une virulente déclaration dans laquelle il met en garde le ministre de l’Environnement Fady Jreissati contre « un prolongement du massacre écologique dans ce qu’on appelle la décharge de Bourj Hammoud-Jdeidé, que ce soit à travers son agrandissement, ou son élévation, ou la création d’une nouvelle cellule parce que la population du Metn a assez souffert de cette crise ». « À l’instar de ce que nous avons fait en 2015, nous ferons face à ce projet parce que la santé des gens est plus importante que tout », a-t-il ajouté, en référence à la fermeture de la décharge au moyen de sit-in par le parti Kataëb, qui protestait alors contre le fait qu’on y enfouissait des déchets non triés.
Un autre parti proéminent au Metn, notamment à Bourj Hammoud même, le Tachnag, avait donné son accord pour l’établissement de cette décharge. Pourtant, son secrétaire général Hagop Pakradounian a récemment affirmé son refus de son agrandissement, particulièrement dans sa composante située sur le littoral de Bourj Hammoud. Hagop Terzian, député Tachnag de Beyrouth, explique à L’Orient-Le Jour que « l’acceptation de cette décharge était mue par la volonté de voir disparaître l’ancien dépotoir (qui a été réhabilité dans le cadre de ce même projet), mais la population de cette région a assez supporté le poids du dossier des déchets ». « De plus, poursuit-il, si nous avons milité pour la réhabilitation de cette montagne de déchets, ce n’est pas pour la voir se reconstituer par l’entassement des ordures aujourd’hui! Dans le cas de Bourj Hammoud, la question est tranchée, et si la municipalité de Jdeidé veut s’opposer à cela, nous serons à ses côtés ».
Des promesses non tenues
M. Jreissati a abordé le sujet hier au cours d’une conférence de presse, soulignant que la question n’a pas encore été tranchée. « Tout le monde se pose des questions sur Bourj Hammoud-Jdeidé et Costa Brava, a-t-il déclaré. L’État avait fait des promesses en 2016 qu’il n’a pas tenues. Je comprends l’opposition exprimée par les députés du Metn parce que le gouvernement n’a pas assumé ses responsabilités en temps dû. Je l’ai dit aux députés Ibrahim Kanaan, Élias Bou Saab et Eddy Maalouf (du même Courant patriotique libre que lui) : leur condition était qu’ils n’accepteraient aucun agrandissement de la décharge tant que l’État n’a pas rempli tous ses devoirs. Je l’ai répété aux députés Kataëb. Aujourd’hui, il est possible de faire de l’opposition, mais il faut présenter une alternative. » Dans l’absolu, le ministre de l’Environnement fait valoir que la feuille de route sur la gestion des déchets qu’il a présentée au gouvernement n’a toujours pas été adoptée et qu’elle devrait mettre fin au « chaos ». Cette feuille de route, rappelons-le, propose l’établissement de décharges et de centres de tri et de traitement dans les différentes régions, avec, à plus long terme, la construction d’incinérateurs envisagée après études d’impact environnemental.
(Lire aussi : Crise des déchets au Liban-Nord : le gouvernement "traîne les pieds", dénonce HRW)
M. Jreissati, qui s’est déclaré « ouvert à toutes les solutions », s’est appesanti sur une proposition du parti Kataëb, présentée par son président, le député Samy Gemayel, sur l’enfouissement des déchets dans la chaîne de l’Anti-Liban. Il affirme avoir essayé de convaincre le village de Majdel Anjar, sans succès. Concernant le village de Ersal également évoqué par M. Gemayel, il fait valoir que l’accord de la communauté n’est pas garanti et que le trajet de trois heures est fastidieux pour les camions.
M. Hankache, qui était injoignable hier, avait déjà répondu de manière acerbe à la question des solutions. « Nous nous sommes réunis plusieurs fois avec le ministre et avons présenté des approches et des solutions, et manifesté notre ouverture pour tout ce qui n’impliquerait pas l’agrandissement ou l’entassement des déchets dans la décharge, a-t-il souligné. Il faut rappeler son rôle au responsable exécutif, c’est à lui de trouver des solutions, pas se contenter de décrire le problème comme s’il était une agence d’information ou un simple prestataire de services. »
Pour sa part, Hagop Terzian rappelle à L’OLJ avoir proposé depuis février des mesures à prendre pour réduire le volume des déchets : effectuer une campagne de sensibilisation sur le tri à la source, obliger les sociétés de ramassage à ôter les bennes de la rue et à en ajouter d’autres sous les immeubles pour faciliter le tri, enfin augmenter la capacité des centres de tri et de compostage. Et pour ce qui est d’un site de décharge alternatif, M. Terzian suggère l’acquisition d’un terrain de carrière dégradé afin de l’aménager pour l’enfouissement de déchets.
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commentaires (8)
L' article dit a juste titre :mais il faut présenter une alternative. » Dans l’absolu, le ministre de l’Environnement fait valoir que la feuille de route sur la gestion des déchets qu’il a présentée au gouvernement n’a toujours pas été adoptée et qu’elle devrait mettre fin au « chaos ». Cette feuille de route, rappelons-le, propose l’établissement de décharges et de centres de tri et de traitement dans les différentes régions, avec, à plus long terme, la construction d’incinérateurs envisagée après études d’impact environnemental. Le ministre est parfaitement au courant du dossier et il a étudié la situation et propose le tri sélectif , le recyclage . Par contre, l'enfouissement c'est comme le traitement d'un abcès par un pansement , ça cache mais ne guérit pas.....les sacs en plastique , les métaux et autres déchets non organiques mettrons des années pour disparaitre même enfuis !!!! maintenant aux ministres (TOUS) d'approuver son projet et de L'AIDER .....on ne peut PAS demander des comptes au ministre sans participer TOUS à une solution scientifiquement et mondialement approuvé (la gestion des déchets est une science et non pas une improvisation), parce qu’il en va DE LA SANTÉ DE TOUS.
SABBAGH IMAD
20 h 50, le 15 août 2019