Tarek Mitri.
Dans la polémique autour du groupe Mashrou’ Leila, combattu pour atteinte aux sentiments religieux, l’ancien ministre s’est employé à questionner à coups de tweets la dimension éminemment politique, mais pas suffisamment explorée, du déchaînement identitaire contre les jeunes musiciens rock. « La violence dépasse le débat sur la conciliation entre liberté d’expression et liberté de croyance : elle obéit à une volonté de mobiliser les communautés, en particulier les chrétiens, en réinventant une peur de l’autre », explique-t-il dans une interview express à « L’Orient-Le Jour ».
Quel est selon vous l’enjeu de la polémique autour de Mashrou’ Leila ?
L’enjeu n’est pas un enjeu de foi, mais un enjeu politique. Les croyants ne sauraient douter de leur foi à cause d’une photo ou d’un article. C’est une vérité simple à reconnaître. La parodie d’une icône déplaît et peut même dégoûter ou choquer de nombreux croyants. Je crois que Hamed Sinno (chanteur du groupe) l’a vite compris et a retiré la photo litigieuse. Mais la campagne violente porteuse d’un grand risque de passage à l’acte contre Mashrou’ Leila dépasse de loin la simple expression de sentiments religieux.
Personne n’est capable de justifier la violence par la foi. En outre, cette campagne s’est accompagnée d’une mise en opposition entre foi et liberté de conscience, qui nous éloigne des écrits de l’Évangile dont l’une des valeurs fondamentales est la liberté de conscience.
Mais nous sommes dans un pays où l’appartenance à la communauté ou la défense des intérêts de la communauté est bien plus importante que la foi religieuse. On peut se battre, haïr, menacer au nom d’une communauté ou même d’une religion sans être soi-même croyant. J’ai l’impression qu’il y a un certain nombre de gens communautaires sans nécessairement être croyants.
C’est donc l’identitaire qui prime sur la foi et qui envahit notre vie publique en fabriquant ou en réinventant la peur d’autrui. Il y a une plus forte communautarisation de la vie politique au Liban, cela est évident. Mais elle n’est pas naturelle. Elle est fabriquée et instrumentalisée par la politique.
(Lire aussi : Le groupe « Within Temptation » annule son concert à Jbeil par solidarité envers Mashrou’ Leila)
Pouvez-vous cerner les motifs politiques de cette flambée identitaire ?
Fabriquer une peur d’autrui, une haine d’autrui, tous les jours sur tous les sujets, fonctionne comme une diversion. On cherche à mobiliser une communauté sur un sujet strictement communautaire pour éviter une rencontre autour des vrais problèmes, ceux qui concernent l’ensemble des communautés, comme la crise économique. Cette mobilisation communautaire est d’autant plus dangereuse qu’elle coïncide avec un conflit politique autour des accords de Taëf.
Y aurait-il un intérêt politique stratégique à créer des clivages communautaires, comme avant l’intifada de 2005 ?
Il est difficile de comparer avec la période antérieure à 2005, en dépit de certaines similitudes. Ce que je vois, c’est qu’on est dans une logique de mobilisation communautaire, sujette à instrumentalisation chez les chrétiens en particulier. L’histoire de Mashrou’ Leila a servi de moyen d’accélérer cette mobilisation.
L’omerta quasi générale des acteurs ou partis politiques pourrait s’expliquer en partie par le sentiment que l’affaire concerne les chrétiens… Pour ce qui est des partis chrétiens eux-mêmes, le Courant patriotique libre est à la tête du peloton des politiques qui réinventent le communautarisme. Mais ce n’est pas le seul. Il y a des effets mimétiques dans notre pays. Vous me demandez si le mimétisme est défendable au nom d’un certain pragmatisme. Non, le fait de resserrer les rangs des communautés n’est pas forcément un pari politique gagnant. Aller au-delà des clivages existants est un choix qui se présente. La presse, les gens de culture se battant pour ce dépassement le prouvent.
La justice aussi puisque, allant au-delà d’un système légal désuet qui justifie la censure, la procureure près la cour d’appel du Mont-Liban a estimé que la poursuite en justice de Mashrou’ Leila est sans fondement.
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pourquoi la justice n'a pas fait son travail encore pour poursuivre toutes les personnes qui ont declares agir par la force pour arretter ce concert? JUSTICE FAITES VOTRE TRAVAIL ET SI VOUS AVEZ PEUR DES RESULTATS DU FAIT DE L'APPARTENANCE A CES GENS DE CERTAINS PARTIS DEMISSIONNEZ Je voudrais vous rappeler du temps d'une justice au Liban qui n'avait pas peur en 1970 Le Premier Ministre M Saeb Salam avait interdit les jeux de flippers , jeux d'amusement par excellence en les interdisant sur tout le territoire et en accusant leurs proprietaires de prison pour jeux de hazard 6 mois apres le juge Zoghbi acquitte tous les prevenus qui avaient presentes des preuves internationals que ces appareils n'etaient pas des jeux de hazard Le juge Zoghbi dans la foulee a ete transfere illico a Tripoli sur requete du Premier Ministre Un proces spectaculaire a eu lieu car l'etat s'est porte immediatement en appel Quelques mois plus tard le juge Baroudy en appel acquitte de nouveau ces personnes sans penser aux sanctions qui pourraient lui etre donnees ( et qui n'ont pas eu lieu heureusement ) CE SONT CES JUGES QUI HONORENT LE LIBAN OU SONT ILS AUJOURDH'UI ET POURQUOI ILS N'ONT PAS ENCORE FAIT LEUR METIER AVEC INTEGRITE SANS PEUR DE CEUX QUI LES ONT NOMMES?
14 h 34, le 06 août 2019