Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a accusé jeudi soir le Hezbollah de paralyser le travail du gouvernement, ce qu'il a qualifié de "crime" dans les conditions économiques et financières actuelles. Contre toute attente, il a également critiqué à plusieurs reprises le mandat du président Michel Aoun, qu'il avait pourtant soutenu lors de l'élection de ce dernier à la tête de l'Etat en 2016.
"Si je suis (le prochain) président, alors en 2025, les Libanais seront certainement dans une meilleure situation qu'aujourd'hui", a affirmé le leader chrétien lors d'un entretien accordé au présentateur vedette Marcel Ghanem sur la chaîne MTV. Interrogé sur ses chances de parvenir à la magistrature suprême, le chef des FL a précisé qu'il "ne se pose pas la question de cette façon".
M. Geagea a par ailleurs accusé le Hezbollah de bloquer la tenue du Conseil des ministres, qui ne s'est pas réuni depuis les incidents de la Montagne qui ont fait fin juin deux morts lors d'affrontements entre partisans du leader druze Walid Joumblatt et de son rival, le député Talal Arslane. M. Geagea a qualifié ce blocage de "criminel dans la situation actuelle". "Nous avons besoin de stabilité politique pour pouvoir résoudre les crises économiques", a-t-il plaidé.
En ce qui concerne le suivi de l'affaire de la Montagne, et notamment la saisine de la Cour de justice, une instance d'exception, revendiquée par M. Arslane, Samir Geagea s'est dit opposé à cette demande. "Depuis 2005, il y eu 20 assassinats et tentatives d'assassinats mais, jusqu'à ce jour, aucun rapport d'enquête n'est parvenu à la justice", a-t-il souligné, regrettant que "les institutions sécuritaires ne travaillent sur aucune affaire liée au régime syrien ou au Hezbollah". Il a indiqué que le président Aoun a actuellement en sa possession des enregistrements de discussions entre des habitants de la Montagne, dans lesquels sont évoqués "des lancers d’œufs et de tomates" sur le convoi du ministre d’Etat pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib et "rien de plus". Ce sont les tirs sur le convoi de M. Gharib, membre du Parti démocrate libanais de Talal Arslane, qui ont fait deux morts lors des incidents de Qabr Chmoun. "Il existe des tentatives de la Syrie et du Hezbollah de vouloir isoler Walid Joumblatt", a encore déclaré M. Geagea, accusant également le mandat du président Aoun d'avoir "un rôle" dans cette affaire.
(Lire aussi : Qabr Chmoun : optimisme prudent... En attendant les actes concrets)
Attaques contre Bassil
S'attaquant en outre au chef de la diplomatie libanaise, Gebran Bassil, M. Geagea a estimé que ce dernier est "le plus grand dommage causé aux chrétiens et au pays parce qu'il évoque des choses qui n'ont pas lieu d'être". Gebran Bassil "attise le feu des dissensions confessionnelles", a-t-il déclaré. Ce sont des propos de M. Bassil sur la guerre de la Montagne, dans les années 80, qui avaient provoqué la colère des partisans joumblattistes, avant les affrontements de fin juin.
Samir Geagea a encore évoqué la polémique entourant la parité islamo-chrétienne dans l'administration, qui avait été abordée avec le refus du chef de l'Etat de parapher le texte de la loi de finances en présence d'un alinéa controversé sur cette question. Il a dans ce cadre annoncé "être contre l'initiative du président Aoun d'adresser une question à ce sujet au Parlement". "Ce n'est pas le moment pour cela", a-t-il estimé.
L’alinéa controversé de l’article 80 du budget édicte que les lauréats (en grande majorité musulmans) du concours aux postes de 2e et 3e de la fonction publique, qui n’ont pas encore été intégrés dans les rangs des fonctionnaires, sont exemptés de la loi figurant dans le même article et imposant un gel des recrutements dans l’administration. Le président Aoun s’était abstenu de signer le décret de publication de l’ensemble de la loi du budget, avançant le motif que cet alinéa constitue un cavalier budgétaire. Mais hier, comme c’était prévu, le chef de l’État a signé la loi de finances dans une volonté de ne pas entraver l’action du gouvernement, faisant parvenir toutefois une missive à M. Berry pour lui demander de convoquer la Chambre afin de se pencher sur l’interprétation constitutionnelle de l’article 95. M. Aoun et son camp jugent que l’alinéa rejeté contredit l’esprit du pacte national pris en compte dans la Constitution, alors que d’autres composantes politiques estiment au contraire que la parité intercommunautaire ne concerne plus depuis l’accord de Taëf que les fonctions de 1re catégorie.
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commentaires (7)
On ne met pas les candidats au pouvoir ils y arrivent par un vote des deputes, Sauf bien sur dans les regimes theocratiques.
Rossignol
17 h 18, le 02 août 2019