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Liban - Qabr Chmoun

« Nasrallah ne peut pas décider du cours de la justice », martèle Joumblatt

Après le discours du secrétaire général du Hezbollah, le blocage gouvernemental persiste.

À Zahlé, Michel Aoun et Gebran Bassil ont assisté à l’ouverture de la « Journée mondiale de dégustation de l’arak libanais ». Photo Dalati et Nohra

À la fin d’une longue semaine de tractations en quête d’une solution à la crise politique survenue dans la foulée des affrontements de Qabr Chmoun, tous les regards étaient braqués sur le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans la mesure où il pouvait paver la voie à une redynamisation du Conseil des ministres, paralysé depuis plus de trois semaines.

Sauf que contrairement à ce qu’auraient pu espérer les plus optimistes, le dignitaire chiite n’a laissé pour le moment aucune issue de déblocage à même de permettre au Premier ministre Saad Hariri de relancer les réunions de son cabinet. Bien au contraire. Le secrétaire général du parti chiite a affiché son soutien indéfectible à son allié de longue date, Talal Arslane, chef du Parti démocrate libanais et principal rival du leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, dans sa demande déférer l’affaire des affrontements de Qabr Chmoun du 30 juin dernier devant la Cour de justice, à la faveur d’un vote en Conseil des ministres. Une option qui se heurte aussi bien au veto de Walid Joumblatt qu’à l’opposition du Premier ministre et du président de la Chambre Nabih Berry.

Pour rappel, l’incident de Qabr Chmoun avait coûté la vie à deux partisans du ministre d’État pour les Affaires des réfugiés Saleh Gharib, représentant de Talal Arslane au sein du gouvernement, lors d’échanges de tirs entre des partisans du PDL et d’autres du PSP.

S’exprimant lors d’une cérémonie à l’occasion de l’anniversaire de la société « Jihad al-Bina’ », le secrétaire général du Hezbollah s’est dit favorable à la tenue d’une séance ministérielle dans les plus brefs délais. Il a toutefois estimé que si le Conseil des ministres se réunit, il devra discuter de l’affaire de Qabr Chmoun. « D’autant qu’un ministre a risqué d’être tué dans ces heurts », a précisé Hassan Nasrallah. Il réagissait ainsi à la volonté de Saad Hariri d’éviter tout risque d’implosion de son cabinet, sur fond de querelle autour de la saisine de cette affaire par la Cour de justice, d’où son abstention de convoquer le Conseil des ministres à une séance depuis le 2 juillet.


(Lire aussi : Mises en garde occidentales contre une chute du cabinet Hariri)


D’ailleurs, le numéro un du Hezbollah est allé encore plus loin jusqu’à accuser M. Hariri de « ne pas vouloir réunir le cabinet, parce qu’il craint une certaine atmosphère (négative à même de torpiller son équipe) ». Et d’appeler à ce que la question de Qabr Chmoun soit au contraire évoquée en Conseil des ministres, indépendamment du résultat du vote ou de l’issue des débats. « Nous n’exploitons pas nos alliés chrétiens, sunnites et druzes. Dire cela revient à les insulter », a encore déclaré Hassan Nasrallah, avant de confier que le chef du PDL n’a pas consulté le Hezbollah avant de plaider pour que la Cour de justice soit saisie du dossier de Qabr Chmoun. « Talal Arslane est notre allié. Mais nous ne lui proposons pas d’initiatives, ni lui imposons des veto. Nous le soutenons dans tout ce qu’il décide », a encore déclaré le dignitaire chiite, se défendant une fois de plus de vouloir bloquer l’action du cabinet.

À travers ces propos, Hassan Nasrallah donne le coup d’envoi de la nouvelle phase de la bataille de Talal Arslane face à Saad Hariri, Nabih Berry, Walid Joumblatt et tous les autres protagonistes hostiles à la saisine de la Cour de justice. Ses propos s’inscrivent donc dans le cadre des efforts déployés par l’axe de la Moumanaa pour « assiéger Walid Joumblatt politiquement », comme le soulignent les milieux proches de Moukhtara, à en croire certains observateurs. C’est d’ailleurs dans ce sens que va un tweet posté hier par Henri Hélou, député joumblattiste de Aley : « Le 26 juillet 2005, (le chef des Forces libanaises) Samir Geagea a été remis en liberté, sa résistance ayant contribué à l’unité nationale qui a abouti à la seconde indépendance. Aujourd’hui, les circonstances et les noms ont changé. Mais les montages politico-sécuritaires pour assiéger les souverainistes à la manière de Saydet el-Najate se poursuivent avec Walid Joumblatt. »

Conscient de l’ampleur de la campagne dont il est la cible, ce dernier semble de plus en plus déterminé à y faire face. Il continue donc de s’attacher à son refus de déférer le dossier des échauffourées du 30 juin devant la Cour de justice.

Contacté par L’Orient-Le Jour, il a répondu à Hassan Nasrallah, tout en campant sur ses positions : « Malgré tout le respect que je lui dois, le secrétaire général du Hezbollah ne peut pas décider lui-même du cours de la justice. Seule l’enquête peut démontrer s’il y a eu crime prémédité, guet-apens. » Et d’ajouter : « On n’a pas le droit de formuler des suppositions avant que l’enquête ne soit menée à bout, et c’est à la lumière de cette enquête que le Conseil des ministres décidera en principe devant quelle juridiction cette affaire devra aller. Nous espérons que le sayyed n’a pas été induit en erreur. »


(Lire aussi : Nasrallah : Dire que le Hezbollah contrôle le Liban est un mensonge)



Le Conseil des ministres

Pour sa part, Saad Hariri continue de s’abstenir de convoquer le Conseil des ministres avant de parvenir à mettre fin à la crise actuelle. À L’OLJ, un proche du Premier ministre assure que ce dernier est déterminé à user de ses prérogatives, aussi bien pour convoquer le Conseil des ministres que pour en dresser l’ordre du jour. Une façon pour les haririens de réitérer leur refus de transmettre la polémique articulée autour de la Cour de justice au sein du gouvernement. « C’est ainsi que nous soutenons M. Joumblatt dans sa lutte contre ceux qui veulent l’affaiblir », confie encore le proche de M. Hariri.

En face, le Courant patriotique libre s’est lavé les mains du blocage actuel. Même si d’aucuns rappellent que c’est à cause de la réunion tenue par les onze ministres relevant du tandem Baabda-CPL au palais Bustros, en même temps que la séance ministérielle, que Saad Hariri a reporté sine die la réunion du 2 juillet.

S’exprimant lors d’une conférence de presse au siège du CPL à Sin el-Fil Gebran Bassil, tout comme Hassan Nasrallah, s’est défendu de toute volonté de paralyser le cabinet Hariri. « Nous n’avons pas l’intention de bloquer le gouvernement, parce que ce qui nous importe reste le bon fonctionnement des institutions du pays », a-t-il lancé, avant de poursuivre : « Nous attendons que le Premier ministre nous convoque à une séance ministérielle pour y prendre part. » Et d’affirmer que « personne ne peut annuler qui que ce soit au Liban », dans ce qui sonne comme une réponse à tous ceux qui accusent les alliés du Hezbollah de tenter de porter atteinte au leadership joumblattiste.

Force est de préciser sur ce plan que cette position de M. Bassil, ainsi que celle du Hezbollah et son allié Talal Arslane, ne semble pas engager le camp du 8 Mars dans son ensemble, le président de la Chambre étant impliqué dans les efforts visant à distiller un climat d’accalmie entre son allié de longue date, Walid Joumblatt, et ses adversaires. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les propos de Anwar el-Khalil, député berryste de Hasbaya. « Les tentatives d’assiéger les druzes en portant atteinte à leur leader le plus représentatif ne passeront pas », a-t-il tonné lors d’une cérémonie organisée hier à Hasbaya.

Quoi qu’il en soit, et en attendant l’issue des contacts en faveur d’un déblocage de l’impasse, des sources informées citées par l’agence locale al-Markaziya rapportent que le Saint-Siège est inquiet face à la situation au Liban, au vu des derniers incidents de la Montagne qui ont secoué la réconciliation druzo-chrétienne scellée par le patriarche émérite Nasrallah Sfeir et maintenue par son successeur, Mgr Béchara Raï. Le Vatican souhaite que la tension engendrée par cette crise prenne fin rapidement, ses retombées étant négatives sur tout le monde, notamment les chrétiens, ajoute-t-on de même source.

Notons enfin que l’opposition a commenté à son tour les développements gouvernementaux et les propos de Hassan Nasrallah. Farès Souhaid, président du Rassemblement de Saydet el-Jabal, a ainsi appelé, via Twitter, à la tenue d’un Conseil des ministres dans la banlieue sud sous la présidence de Hassan Nasrallah, pour que soient dévoilées « les vraies prises de position ».




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commentaires (7)

L'assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005 a fait 22 tués et 226 blessés. Pourquoi ce crime odieux n'a pas déféré en son temps devant la Cour de justice ? J'attends la réponse.

Un Libanais

15 h 53, le 27 juillet 2019

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • L'assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005 a fait 22 tués et 226 blessés. Pourquoi ce crime odieux n'a pas déféré en son temps devant la Cour de justice ? J'attends la réponse.

    Un Libanais

    15 h 53, le 27 juillet 2019

  • meme un innocent, un naif et/ou un ignorant pose toujours la meme question pour essayer d'elucider un crime : a QUI PROFITE T IL ? Croire qu'il profite a joumblat serait absolument con, croire que joumblat trouverait un interet a voir les druzes s'entre-tuer ? INCONCEVABLE. ALORS ???????

    Gaby SIOUFI

    13 h 47, le 27 juillet 2019

  • Le pyromane en visite inopinée dans un milieu hostile a allumé le feu à Bassatine (Qabr Chmoun) pour sa campagne "présidentielle" escorté par une cohorte d'applaudisseurs dans des voitures aux vitres teintées fournies par qui vous savez... Cela constitue une provocation 100% irresponsable pour ne pas dire criminelle. Conclusion : La Cour de justice pour les victimes en plus de la paralysie du gouvernement depuis trois semaines et l'arak pour le pyromane. C'est tout cela la République topinambourienne.

    Un Libanais

    13 h 11, le 27 juillet 2019

  • GB est partout: au siège de son parti pour une conférence de presse, avec le PR à Zahlé...par ailleurs, l'article contient une phrase sur une "réunion ministérielle du 2 juillet" dont le sens m'échappe complètement: faut-il comprendre que 11 ministres CPL et alliés étaient réunis au Palais Bustros, en même temps que se tenait un Cobseil des ministres (dont ils étaient donc absents)?

    Marionet

    09 h 13, le 27 juillet 2019

  • IL AURAIT PU FACILITER LES CHOSES. IL A VERSE DE L,HUILE SUR LE FEU. IL TIENT LE PAYS EN OTAGE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 02, le 27 juillet 2019

  • Mais vous monsieur Joumblatt vous avez le droit de décider d'envoyer des hommes armés attaquer le convoi d'un ministre de la république. Et vous avez aussi le droit de décider de les cacher et de ne pas les livrer aux autorités. Bravo bravo chapeau !!

    Zorkot Mohamed

    04 h 32, le 27 juillet 2019

  • pas de réunion de ministres pas de salaire.

    GENE JAIME

    02 h 25, le 27 juillet 2019

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