Les positions des chefs druzes rivaux Talal Arslane et Walid Joumblatt, à couteaux tirés depuis la crise politique née des incidents armés de Qabr Chmoun (caza de Aley) le 30 juin dernier, se raidissaient davantage dimanche, le premier refusant de s'entretenir avec son rival et le second estimant qu'une réunion au palais présidentiel de Baabda serait inutile.
"Je ne m'entretiendrai pas avec Walid Joumblatt aux dépens du sang des martyrs Alaa' Abi Farraj , Samer Abi Farraj et Rami Salmane. L'assassin est le même, la rancune est la même (...). L'époque de l'instrumentalisation du sang des innocents est révolue. Nous serons à l'affût de tout mouvement suspect, quel qu'en soit le prix", a écrit Talal Arslane sur Twitter cet après-midi.
Le 30 juin, alors que des partisans du PSP manifestaient contre la visite dans certains villages du caza de Aley du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, des échanges de tirs ont eu lieu à Qabr Chmoun entre les éléments du convoi du ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib, et des manifestants joumblattistes. Deux personnes se trouvant dans le convoi de M. Gharib, un proche de M. Arslane, lui-même allié de M. Bassil, ont été tuées au cours de l'échange de tirs. Depuis, Talal Arslane, qui parle d'"embuscade" et de "tentative d'assassinat" du ministre, exige que les auteurs des violences soient déférés devant la Cour de justice, une instance d'exception. Ce que Walid Joumblatt et ses alliés refusent catégoriquement. Le gouvernement de Saad Hariri ne s'est plus réuni depuis, en raison de ces divergences. C'est en effet par décision du Conseil des ministres que la saisine de la Cour de justice s'opère.
La crise "n'est plus locale"
Pour sa part, Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste, a affirmé aujourd'hui que la crise en cours "n'est plus locale". "Il semble que la crise née des incidents de Qabr Chmoun et qui a commencé à Choueifate, n'est plus locale, comme certains propos provenant d'une force politique active" le montrent, a écrit M. Joumblatt sur son compte Twitter. "En plus, on refuse le budget pour des raisons contraires à la Constitution. Il serait utile de comprendre ce qui se cache derrière ces provocations. A ce titre, je ne trouve pas utile une réunion à Baabda qui transgresserait la Constitution", a-t-il ajouté. Un peu plus tard, M. Joumblatt a supprimé ce tweet avant d'en publier un autre. "Il semble que le conflit politique actuel, comme l'a expliqué un parti local et régional (le Hezbollah), ne se limite pas à Bassatine (Qabr Chmoun) ou Choueifat. Ainsi, une réunion à Baabda est inutile. Pourquoi cette nouvelle animosité ? (...) A la fin, où est Taëf ?", a conclu le leader druze.
Les relations entre le parti chiite et le leader druze sont tendues depuis des mois, autour de divers dossiers politiques, le dernier en date étant celui de Qabr Chmoun. Vendredi, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a exprimé son soutien à Talal Arslane.
Samedi, le Parti démocratique libanais de Talal Arslane, rival traditionnel de M. Joumblatt sur la scène druze, a accusé un partisan du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt d'avoir tenté dans la nuit de vendredi à samedi "d'entrer par la force" au domicile de Saleh Gharib. Le PSP a répondu, assurant que l'homme "n'est pas un partisan" et rentrait chez lui "paisiblement". L'armée avait pour sa part confirmé la tentative d'intrusion, affirmant toutefois que l'individu en question était en état d'ébriété.
Selon notre correspondante Hoda Chedid, les vétos réciproques du PSP et du PDL ont mis en échec la médiation que mène depuis des semaines le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim. Cette médiation prévoyait la tenue d'un Conseil des ministres en l'absence des ministres de l’Éducation, Akram Chehayeb (PSP), et du ministre Gharib (PDL). La question de Qabr Chmoun, qui est actuellement entre les mains de la justice militaire, devait ultérieurement être abordée en Conseil des ministres, une fois qu'une réunion de réconciliation aurait eu lieu au palais de Baabda, sous l'égide du président de la République, Michel Aoun, et en présence du Premier ministre, Saad Hariri, du président du Parlement, Nabih Berry, et de MM. Joumblatt et Arslane. Cette réunion était censée porter sur les résultats de l'enquête menée par la justice militaire, afin que par la suite l'affaire de Qabr Chmoun, ainsi que celle de Choueifate (datant de mai 2018) soient transférées devant la Cour de justice.
Talal Arslane avait une nouvelle fois rejeté samedi la proposition de M. Joumblatt que les incidents de Choueifate, en mai 2018, soient également transmis à la Cour de justice. Lors de ces incidents, un partisan joumblattiste, Ala’ Abou Faraj, avait été tué à la suite d’une série de provocations et d’accrochages au lendemain des législatives. Le responsable présumé du meurtre, Amine Souki, un partisan de M. Arslane, avait été exfiltré en Syrie pour échapper aux poursuites.
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commentaires (5)
Dommage que jacques Martin soit décédé. Il aurait adoré préparer une émission de "l'école des fans" avec les responsables libanais.
LE FRANCOPHONE
01 h 00, le 29 juillet 2019