La tension est montée d'un cran samedi entre le Parti démocrate libanais (PDL) de Talal Arslane et le Parti socialiste progressiste (PSP) de Walid Joumblatt, alors qu'elle était déjà vive après les échange de tirs à Qabr Chmoun, le 30 juin dernier. Le PDL a accusé dans la matinée Rayan Merhi, "un partisan du PSP", d'avoir tenté dans la nuit du vendredi à samedi "d'entrer par la force au domicile du ministre" d’État pour les Affaires des réfugiés et membre du PDL, Saleh Gharib, à Bassatine, au sud de Beyrouth. Le PSP a répondu, assurant que l'homme "n'est pas un partisan" et rentrait chez lui "paisiblement".
"A 2h du matin un partisan du PSP, R.M., a tenté de provoquer une dispute devant le domicile de ministre Saleh Gharib à Bassatine et d'y entrer par la force, et ce devant les soldats de l'armée libanaise postés sur les lieux, a annoncé le bureau de presse du parti de Talal Arslane dans un communiqué publié jeudi matin. Les gardiens chargés de protéger le ministre ont alors tiré des coups de feu en réaction à cet acte lâche et délibéré". L'homme a été blessé à la jambe. "Cet acte s'inscrit dans la continuité du plan visant à assassiner le ministre Gharib", selon le texte.
La direction du parti "appelle les autorités judiciaires et sécuritaires à prendre les mesures nécessaires le plus rapidement possible et à mettre un terme à ces attaques répétées qui renforcent la menace contre la paix civile".
Plus tard, M. Gharib a détaillé sa version des faits lors d'une conférence de presse révélant détenir une vidéo prouvant ses propos. "Une voiture s'est arrêtée près de l'immeuble au moment où les soldats de l'armée changeaient de garde. Le jeune homme, Rayan Merhi, a attendu que la patrouille s'en aille avant de tenter d'entrer dans le bâtiment. Il s'est retrouvé en face des gardiens qui ont essayé de l'en empêcher. Rayan Merhi a essayé de retirer l'arme d'un des gardiens, ce qui a poussé le gardien a ouvrir le feu", a raconté M. Gharib. "Les vidéos sont entre les mains des forces de sécurité concernées", a-t-il ajouté.
Selon lui, "ce qui s'est passé confirme l'incident de Qabr Chmoun". "La cour de justice est devenu une nécessité pour les autres plus que pour nous, a-t-il encore dit. Ce n'est pas de cette façon que l'on protège les druzes et que l'on règles les problèmes". "Nous ne sommes pas un cheval de Troie dans la Montagne et il est honteux que les provocations se poursuivent", a-t-il conclu.
"En état d'ébriété"
Un organe du PSP a démenti les accusations du PDL. Dans un communiqué, le PSP affirme que R.M "rentrait paisiblement chez lui, sans aucune arme en sa possession, et alors qu'il passait à côté du domicile du ministre Saleh Gharib, il a été victime de tirs de la part des gardiens". "Il a été gravement blessé et transporté à l'hôpital", ajoute le communiqué assurant que "R.M. n'est pas un partisan, et n'est pas membre du PSP". "La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si le fait qu'un habitant du village de Bassatine passe à côté de la maison du ministre Saleh Gharib est également considéré comme une embuscade ou s'agit-t-il d'une attaque flagrante contre un citoyen par les gardiens de la maison, qui sont Libanais et Syriens?"
L'armée libanaise a publié de son côté le communiqué suivant : "A deux heures du matin, à Bassatine, alors que Rayan Merhi, qui se trouvait en état d'ébriété, a tenté d'entrer dans la cour du bâtiment où habite le ministre Saleh Gharib, les soldats de l'armée libanaise chargés de la protection du ministre sont intervenus. Mais une dispute a eu lieu lorsque les membres chargés de la protection personnelle du ministre sont intervenus. Un des gardes du ministre a alors tiré et blessé Rayan Merhi aux pieds. Il a été transporté à l'hôpital", indique l'institution militaire.
Le 30 juin, alors que des partisans du PSP manifestaient contre la visite dans certains villages du caza de Aley du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, des échanges de tirs ont eu lieu à Qabr Chmoun entre les membres du convoi du ministre Saleh Gharib et des partisans joumblattistes. Deux personnes se trouvant dans le convoi de M. Gharib ont été tuées au cours de l'échange de tirs.
Depuis, Talal Arslane, qui parle d'"embuscade" et de "tentative d'assassinat" du ministre Gharib, exige que les auteurs des violences soient déférés devant la Cour de justice, une instance d'exception. Ce que Walid Joumblatt et ses alliés refusent catégoriquement. Le gouvernement de Saad Hariri ne s'est plus réuni depuis, en raison de ces divergences.
Renvoi à la Cour de justice
D'ailleurs, M. Arslane a une nouvelle fois rejeté samedi la proposition de M. Joumblatt que les incidents de Choueifate, en mai 2018, soient également transmis à la Cour de justice. Lors de ces incidents, un partisan joumblattiste, Ala’ Abou Faraj, avait été tué à la suite d’une série de provocations et d’accrochages au lendemain des législatives. Le responsable présumé du meurtre, Amine Souki, un partisan du chef druze Talal Arslane, avait été exfiltré en Syrie pour échapper aux poursuites.
Walid Joumblatt "a oublié que (l'incident de Choueifate) a eu lieu il y a un an et qu'il n'avait pas demandé son renvoi (devant la Cour de justice). De plus, l'incident de Qabr Chmoun a été planifié politiquement a la grande différence de celui de Choueifate", a écrit M. Arslane sur son compte twitter, accusant son adversaire d'avoir "conspiré avec le juge Samir Hammoud (procureur général) pour déférer le dossier du tribunal militaire aux tribunaux civils". "Il a également oublié que le renvoi devant la Cour de justice se fait rapidement, ou dans un délai court après le crime, a-t-il ajouté. En résumé, nous refusons ce compromis provocateur et humiliant".
"L’incident de Qabr Chmoun est le résultat des précédents débordements miliciens qui ont conduit au crime de Choueifate, et dont l'auteur s’est enfui en Syrie. Je pense donc qu'il est temps de joindre les deux affaires et que les autorités compétentes décident comment et si la Cour de justice devrait examiner les deux affaires ensemble", avait écrit le 24 juillet le chef du PSP sur son compte twitter. Samedi, il a réitéré sa proposition sur twitter en remerciant le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, "pour sa position solidaire".
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commentaires (10)
C'est un nouveau round ? On revit 1975 ??
LE FRANCOPHONE
19 h 26, le 28 juillet 2019