Cet article, initialement publié en 2019 après que le Vatican a reconnu les « vertus héroïques » du patriarche Élias Hoyek, a été complété et actualisé le 2 août 2024.
Vendredi, le Liban comptera un nouveau « bienheureux ». Le patriarche maronite du XVIIIe siècle Stéphane Doueihy va en effet être béatifié lors d’une cérémonie prévue a 20h30 à Bkerké, après que le Vatican lui a reconnu, en mars dernier, un miracle. Cette guérison en 2013 d’une Libanaise partiellement paralysée, après avoir prié devant une statue du patriarche, avait ouvert la voie à la béatification du religieux, qui était jusque-là reconnu comme « vénérable ». Le passage à son nouveau statut de « bienheureux » sera célébré en grande pompe dans un Liban en pleine tourmente, alors que la guerre contre Israël se poursuit dans le Sud.
Qui sont les autres vénérables, bienheureux et saints du patrimoine spirituel chrétien libanais ?
Ci-dessous, une liste dans laquelle il ne s’agit pas uniquement de figures de sainteté ayant vécu dans le Liban de l’indépendance (forgé en 1920 sous puissance mandataire française et consolidé en 1943), mais aussi de figures nées dans les premiers siècles de l’ère chrétienne ou sous l’Empire ottoman et qui font partie du legs spirituel et chrétien d’un Liban dont Jean-Paul II a dit, en 1997, que « les racines historiques sont de nature religieuse ».
Mais tout d’abord, comment devient-on vénérable, bienheureux ou saint ?
Au décès d’une figure ayant mené une vie qui pourrait être considérée comme exemplaire par les chrétiens, toute personne peut proposer que ses vertus soient reconnues comme héroïques par l’Église catholique. L’introduction de la demande se fait auprès de l’évêque du diocèse auquel appartenait le défunt, qui mène une enquête préliminaire, dont les résultats sont envoyés au Vatican. Après étude du dossier par la Congrégation pour les causes des Saints, une commission composée de différents cardinaux revoit les résultats des enquêtes et décide de reconnaître, ou non, l’héroïcité des vertus de la personne décédée. Ces vertus sont la foi, l’espérance, la charité, la force d’âme, la prudence, la tempérance et la justice. En cas d’avis positif, le défunt est alors reconnu comme vénérable.
Pour statuer sur l’éventualité qu’un vénérable devienne bienheureux (c’est-à-dire qu’il soit béatifié), il doit être prouvé qu’il a accompli au moins un miracle. Si le défunt est mort en martyr, aucun miracle n’est exigé au cours du procès en béatification. Une fois béatifié, le défunt peut être vénéré et faire l’objet de prières.
La canonisation fait, elle, l’objet d’un « procès » au cours duquel un second miracle doit être étudié par un comité scientifique et deux parties, le « postulateur de cause » et le « promoteur de la justice », débattent du mérite du candidat à être canonisé. Une fois le verdict émis, c’est au pape de décréter, ou pas, la canonisation. Ces procédures ont pour but, pour l’Église, d’offrir aux croyants des modèles de vie chrétienne.
Les saints
Sainte Barbara ou sainte Barbe
Sainte Barbe aurait vécu au IIIe siècle de l’ère chrétienne. Elle serait née à Baalbeck (Békaa), dans une famille païenne. Après avoir refusé de se marier afin de se consacrer au Christ, son père l’enferme dans une tour, où elle est baptisée en cachette. Après avoir tenté de s’enfuir, elle est amenée devant le gouverneur romain de la région, où elle doit abjurer sa foi, ce qu’elle refuse. Elle est torturée puis meurt en martyre, décapitée. Elle est fêtée, au Liban, le 4 décembre, date à la veille de laquelle les enfants se déguisent, tradition rappelant la fuite de sainte Barbe de la tour où elle était enfermée.
Saint Maron et saint Jean-Maron
Saint Maron, ou Maroun, est un prêtre anachorète (qui vit dans la solitude) syriaque ayant vécu entre le IVe et le Ve siècle dans la région d’Antioche. Il est le modèle fondateur de l’Église maronite, née plusieurs siècles plus tard avec l’élection de saint Jean-Maron, son premier patriarche (VIIIe siècle). Saint Maron est fêté le 9 février, jour férié au Liban. Une relique de son crâne est vénérée dans le couvent de Kfarhay, siège de l’évêché maronite de Batroun. Saint Jean-Maron est fêté le 2 mars.
Sainte Marina
Sainte Marina aurait vécu entre les VIIe et VIIIe siècles de notre ère. Née au Liban-Nord, elle serait entrée au couvent, déguisée en homme, afin de suivre son père. Chassée du couvent après avoir été accusée du viol d’une jeune fille de la région, elle refuse de révéler sa véritable identité. Elle fut réintroduite au monastère après avoir fait preuve d’une grande piété. Sainte Marina est fêtée le 17 juillet, selon le calendrier maronite. Sa dépouille a été amenée à Venise par les croisés, mais une relique de son bras est placée dans une grotte de Qannoubine, dans la vallée de la Qadicha (Liban-Nord).
Saint Charbel
Il s’agit de l’un des saints les plus populaires du Liban. Né Youssef Zaarour Makhlouf, en 1828, à Békaa Kafra (Liban-Nord), il prend le nom de Charbel en prononçant ses vœux monastiques et passe une vingtaine d’années principalement au couvent Saint-Maron de Annaya (Jbeil), avant de devenir ermite, pendant 23 ans. Il est décédé en 1898. On lui attribue des centaines de miracles, principalement des guérisons, dont trois sont retenus par le Vatican lors des procès de béatification et de canonisation. Il est béatifié en 1965 et canonisé par Paul VI en 1977. Sa tombe se trouve au couvent de Annaya (Jbeil), l’un des plus importants centres de pèlerinage du Liban.
Sainte Rafqa
Rafqa Rayès est une religieuse maronite née en 1832, à Hemlaya, dans le Metn. Après être entrée dans la section féminine de l’ordre libanais maronite, elle passe sa vie dans plusieurs couvents du Liban. Devenue aveugle et souffrant de tuberculose osseuse, elle meurt en 1914. Plusieurs miracles ont eu lieu sur sa tombe, qui se trouve au couvent de Jrebta (Batroun). Elle a été béatifiée en 1985 et canonisée par Jean-Paul II en 2001.
Saint Nehmetallah el-Hardini
Nehmetallah Kassab el-Hardini, né en 1808 à Hardine (Liban-Nord) et décédé en 1858, était un moine maronite qui a notamment occupé la fonction d’assistant général de l’ordre libanais maronite. Plusieurs miracles lui sont attribués, de son vivant, notamment des prophéties et guérisons, et par intercession après sa mort, comme lorsque la Libanaise Rose Saad a recouvré la vue, le jour de la béatification de Nehmetallah el-Hardini, en mai 1998. Il a été canonisé six ans plus tard par le pape Jean-Paul II, en mai 2004. Sa tombe peut être visitée au couvent de Kfifane (Batroun).
Les bienheureux
Francis, Abdel Moati et Raphaël Massabki
Tous trois laïcs, ces frères de confession maronite sont morts en martyrs à Damas, en Syrie. Ils ont été victimes des massacres de 1860, ayant refusé de renier leur foi, dans la nuit du 9 au 10 juillet, au pied de l’autel où ils s’étaient réfugiés. Ils ont été béatifiés par Pie XI en octobre 1926. Leurs tombes se trouvent à Damas. Début juillet, le Consistoire ordinaire public avait établi que ces bienheureux martyrs seront canonisés le 20 octobre 2024.
Jacques de Ghazir
Né Khalil Haddad, en 1875, à Ghazir (Kesrouan), le père Jacques était un prêtre capucin qui a fondé la congrégation des sœurs de la Croix, tout comme de nombreuses institutions religieuses et éducatives au Liban. Il est décédé en 1954. Le père Jacques a été béatifié en juin 2008 par le pape Benoît XVI. Il repose dans le couvent des sœurs de la Croix, à Jal el-Dib (au nord de Beyrouth).
Stéphane Nehmé
Stéphane (Estephan) Nehmé est né en 1889 à Lehfed (Jbeil, Mont-Liban). Laboureur et cultivateur hors pair, menuisier, maçon et moine, il a passé la majeure partie de sa vie au service de l’ordre libanais maronite et les couvents de cet ordre se disputaient ses services. Il meurt en août 1938. Le frère Stéphane Nehmé est béatifié en 2010 par le pape Benoît XVI. Son corps repose au couvent de Kfifane (Batroun).
Stéphane Doueihy
Né à Ehden (Liban-Nord) en 1630, Stéphane (Estephan) Doueihy a été patriarche de l’Église maronite de 1670 jusqu’à sa mort, en 1704. Considéré comme un « pilier » et une « gloire » de son Église, il a fondé de nombreux couvents et écoles. Il est également connu comme l’un des historiens les plus prolifiques de l’Église maronite. Il a été reconnu vénérable en 2008 par le pape Benoît XVI. Son corps repose dans le couvent patriarcal de Qannoubine, dans la Vallée sainte, près de l’ermitage de Sainte-Marina.
Thomas et Léonard de Baabdate
Thomas Saleh et Léonard Melki, tous deux nés à la fin du XIXe siècle à Baabdate, dans le Metn, étaient missionnaires dans ce qui était alors l’Empire ottoman. Ils ont continué leur mission malgré les massacres et le génocide des Arméniens et des Assyriens dans l’Empire. Léonard Melki a été assassiné et démembré en 1915, après avoir refusé de renier sa foi, tandis que Thomas Saleh est arrêté début janvier 1917 et incarcéré. En prison, où il est torturé, il contracte le typhus, une maladie dont il meurt rapidement. Les frères Thomas et Léonard de Baabdate ont été béatifiés le 4 juin 2022 par le pape François.
Les vénérables
Béchara Abou Mrad
Le père Béchara Abou Mrad est né à Zahlé, dans la Békaa, en 1853. Après avoir été prêtre pour la communauté melkite grecque-catholique, et avoir sillonné infatigablement le Liban-Sud (et principalement la région de Saïda), il entre au couvent en 1927, trois ans avant sa mort, en février 1930. Le Vatican a reconnu, sous Benoît XVI, ses vertus héroïques en 2009. Il repose au couvent Saint-Sauveur de Joun (Liban-Sud).
Élias Hoyek
L’ancien patriarche maronite Élias Hoyek est né en 1843, à Halta (Batroun, Liban-Nord). Il a notamment fondé au cours de sa vie religieuse la congrégation des sœurs maronites de la Sainte-Famille. Il est par ailleurs reconnu comme le « père fondateur du Grand Liban », après avoir réclamé, lors de la conférence de Versailles, qui réunissait à l’époque les vainqueurs de la Première Guerre mondiale, un Liban indépendant ne se limitant pas à la superficie du Mont-Liban. Il a été reconnu comme vénérable le 6 juillet 2019 par le pape François. Son corps repose au couvent des religieuses de la Sainte-Famille, à Ibrine (Batroun).
Par ailleurs, certaines causes de saints sont introduites ou sur le point de l’être, comme celles de Fathi Baladi, un jeune grec-catholique, et de Ghassibé Keyrouz, un maronite, deux jeunes hommes décédés de mort violente durant la guerre civile libanaise dans des circonstances qui laissent penser qu’ils ont subi une forme de martyre. Mais l’héroïcité de leurs vertus doit encore être établie, avant que l’on puisse les offrir en modèles de vie chrétienne. Dans l’exhortation qu’il a prononcée au tournant du XXe siècle, le pape Jean-Paul II a souhaité que le souvenir de ces martyrs, ainsi que celui d’autres témoins que l’histoire pourrait identifier, « ne se perde pas ».
On peut ajouter à tous ces saints , le bienheureux Mgr Flavien Mickaël Melki ,né en 1858 et martyrisé le 29 août 1915 ,dans l'empire ottoman, lors de la grande guerre. Il fit ses études au séminaire syriaque catholique de Charfet, à Daroun-Harissa, dans le Kesrouan. Ordonné prêtre le 13 mai 1883, il fut sacré évêque à Beyrouth le 19 janvier 1913. Le Pape François promulgua sa béatification le 8 août 2015, dont la cérémonie eut lieu au couvent de charfet le 29 août 2015, en présence du Cardinal préfet de la Congrégation des saints, représentant le Pape François. Sa fête est célébrée le 29 août
23 h 16, le 08 août 2024