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Liban - Tension politique

Les efforts convergent vers une sortie de crise

La réconciliation Hariri-Joumblatt devrait être scellée ce soir à la faveur d’un dîner chez Berry.

Dans le contexte actuel, marqué par les incidents des derniers jours, la visite du leader des Forces libanaises, Samir Geagea, et de la députée de Bécharré, Sethrida Geagea, à la tête d’une délégation FL à la Maison de la communauté druze constitue un geste politique d’une importance certaine. Photo ANI

Sur le terrain, Kfarmatta et Qabrchmoun renouent progressivement avec une vie normale, après les incidents meurtriers de dimanche, même si l’interpellation, hier, de trois partisans du PSP, soupçonnés d’être impliqués dans l’échange de tirs qui a coûté la vie à deux gardes du corps du ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib, a secoué la communauté proche de Walid Joumblatt. Parallèlement, au plan politique, des efforts convergent vers un désamorçage de la nouvelle crise née de cette affaire et qui menaçait jusqu’en milieu de journée, hier, de faire voler en éclats la fragile cohésion politique du gouvernement de Saad Hariri.

La journée d’hier a été ainsi par excellence celle des contacts et des médiations menés dans toutes les directions pour éviter des débordements qui seraient encore plus difficiles à contenir. C’est dans cette perspective que le Premier ministre, Saad Hariri, a fini par reporter la réunion du gouvernement qui était prévue à 13h, alors que celle-ci semblait compromise, en raison d’un défaut de quorum dû à l’absence des députés du bloc du CPL et de leurs alliés parmi les ministres proches du président de la République. Réunis au ministère des Affaires étrangères, autour de Gebran Bassil, également chef du CPL, ces derniers, qui réclamaient que le gouvernement défère le dossier sur cet incident devant la Cour de justice, ont fait planer pendant un peu moins que deux heures le doute quant à leur participation au Conseil des ministres, avant de se rendre au Sérail et de nier toute volonté de blocage.


(Lire aussi : Le leadership joumblattiste dans le collimateur de la « moumanaa » ?)


Les contacts engagés sans relâche par le chef de l’État, Michel Aoun, le président de la Chambre, Nabih Berry, et même Saad Hariri, qui a mandaté le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, pour engager une médiation auprès des belligérants, ont fini par avoir raison de l’obstination des uns et des autres. La mission de Abbas Ibrahim était concentrée sur le Sérail, Khaldé, le palais Bustros et Clémenceau, notamment pour assurer que les personnes impliquées dans les incidents de dimanche se rendent. Ce ballet a fini par déboucher sur une formule de compromis qui consiste pour le chef du Parti démocratique, Talal Arslane, et ses alliés au sein du gouvernement de cesser de réclamer un renvoi du dossier de l’affaire devant la Cour de justice et pour le parti de Walid Joumblatt – qui a regagné hier Beyrouth, au terme d’une visite au Koweït – d’accepter que les personnes soupçonnées d’avoir tiré sur le convoi de Saleh Gharib soient interpellées pour les besoins de l’enquête.

De toute façon, pour Saad Hariri, il n’était pas question de déférer le dossier de cette affaire devant la Cour de justice, dont les jugements sont comme on le sait sans appel, ce qui équivaudrait pour lui à entériner la thèse de la tentative d’attentat préméditée contre Saleh Gharib, que le Parti démocrate et le CPL font promouvoir, alors que les circonstances de l’échange de tirs n’ont toujours pas été élucidées, compte tenu des versions antinomiques des faits. Deux blessés lors de ces échanges de tirs dimanche ont d’ailleurs déposé plainte contre Saleh Gharib auprès du bureau du procureur général près la Cour de cassation de Beyrouth. « Je considère qu’il s’agit d’une plainte politique et j’espère que personne ne bénéficiera d’une couverture, a commenté M. Gharib. Nous ne pouvons en aucune façon revenir au passé, quelle que soit l’intensité du conflit politique et des divergences de vues. »

Dans les milieux du chef du gouvernement, on souligne qu’il appartient à l’autorité judiciaire ordinaire de qualifier les faits et c’est sur base de ses conclusions que le Conseil des ministres pourra juger si le dossier relève ou non de la compétence du tribunal d’exception.


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« Le gouvernement et l’entente politique se portent bien »
Le Premier ministre n’a pas manqué d’ailleurs de faire part de ses réserves au sujet d’un recours à la Cour de justice, dans la conférence de presse qu’il a tenue pour annoncer le report de la réunion du gouvernement. Dans le même temps, il a laissé entendre qu’il ne se laissera soumettre à aucune pression, lorsqu’il a affirmé, en réponse à une question sur les motifs du retard du Conseil des ministres : « Si quelqu’un veut jouer à ce jeu avec moi, je saurai prendre la position qu’il faut », en allusion vraisemblablement à une éventuelle démission. En fait, c’est ce même message qu’il aurait fait parvenir à ses ministres réunis au palais Bustros, en présence de Saleh Gharib, selon ses milieux, et qui aurait poussé ses derniers, après un contact entre MM. Hariri et Bassil, à se rendre au Sérail. Ni le CPL ni ses alliés pouvaient se permettre une démission du chef du gouvernement et encore moins un éclatement du premier gouvernement d’un mandat qui peine toujours à faire ses preuves. Et c’est sans doute pour rassurer son équipe sur ce plan que le Premier ministre a conclu sa conférence de presse par un : « Le gouvernement et l’entente politique se portent bien. »

Sa décision de reporter la réunion était surtout motivée par une volonté d’éviter un clash inéluctable entre les ministres du PSP et leurs collègues du Parti démocrate et du CPL. « J’ai décidé de reporter la séance du Conseil des ministres car nous avons besoin de 48 heures pour désamorcer le conflit et permettre à la justice de suivre son cours (….) d’autant que nous nous dirigeons vers une solution », a-t-il dit, avant d’insister sur le fait que « la sécurité est une ligne rouge » et sur la nécessité de « laisser la justice suivre son cours ».

M. Hariri n’a tenu la conférence de presse qu’une fois le quorum requis pour le Conseil des ministres atteint. Le bras de fer qui était manifeste dans la matinée entre lui et le groupe des ministres Aoun-Bassil-Arslane a été aussi l’occasion d’un échange de messages indirects peu rassurant. Le trinôme a ainsi démontré qu’il détient la minorité nécessaire pour bloquer le gouvernement et le Premier ministre a sans ambages fait savoir qu’il est prêt à jeter l’éponge si un tel cas de figure se présente. « Nous ne torpillons pas les séances du gouvernement, mais nous déjouons les pièges », a alors annoncé le ministre d’État pour les Affaires présidentielles, Salim Jreissati. « Les ministres affiliés au bloc (Liban fort) sont venus au Grand Sérail. C’est moi qui ait décidé de reporter la séance », a déclaré Saad Hariri.


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Quoi qu’il en soit, la tendance à l’apaisement a transparu aussi bien dans le tweet que Walid Joumblatt a posté après l’interpellation de trois de ses partisans que dans la conférence de presse que Gebran Bassil a tenue en fin d’après-midi, et au cours de laquelle il a particulièrement insisté sur sa volonté d’ouverture en direction de tous les partis, même s’il a retenu la thèse du Parti démocrate au sujet d’un « acte prémédité » à Qabrchmoun, tout en l’imputant à « des parties étrangères ». « Loin du flot d’attaques, d’insultes et de provocations, le PSP n’est pas au-dessus des lois. Dès les premiers instants, il a demandé l’ouverture d’une enquête. Le PSP a présenté ses condoléances aux victimes, souhaité le prompt rétablissement aux blessés, salué le rôle de l’armée, des services de renseignements et de toutes les forces de sécurité dans la préservation de la sécurité et de la stabilité », a écrit Walid Joumblatt, qui devait avoir un entretien avec Saad Hariri, en présence du député Teymour Joumblatt, à la Maison druze où il était venu présenter ses condoléances au cheikh Akl, Naïm Hassan, à la suite du décès du cheikh Ali Zeineddine. Il s’agit de la première réunion entre les deux hommes depuis les échanges acerbes qu’ils avaient récemment eus, laissant ainsi éclater au grand jour leurs divergences de vues sur de nombreux dossiers.

Ces retrouvailles, qui s’inscrivent dans une logique d’apaisement politique, sont elles aussi le fruit d’une médiation menée par le président de la Chambre, qui accueillera ce soir à sa table MM. Hariri et Joumblatt. Un dîner placé sous le signe de la réconciliation officielle.


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Sur le terrain, Kfarmatta et Qabrchmoun renouent progressivement avec une vie normale, après les incidents meurtriers de dimanche, même si l’interpellation, hier, de trois partisans du PSP, soupçonnés d’être impliqués dans l’échange de tirs qui a coûté la vie à deux gardes du corps du ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib, a secoué la communauté...

commentaires (2)

Avec cette photo et surtout sa taille et en première page, on ne peut que conclure qu'ils "convergent vers une sortie de crise". Signe de profond malaise, la plupart a la main sur le cœur... Quant à la visite de courtoisie, elle relève de la récupération...

L'ARCHIPEL LIBANAIS

02 h 07, le 03 juillet 2019

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Commentaires (2)

  • Avec cette photo et surtout sa taille et en première page, on ne peut que conclure qu'ils "convergent vers une sortie de crise". Signe de profond malaise, la plupart a la main sur le cœur... Quant à la visite de courtoisie, elle relève de la récupération...

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    02 h 07, le 03 juillet 2019

  • UNION et rien que UNION

    Sarkis Serge Tateossian

    00 h 58, le 03 juillet 2019

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