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Liban - Témoignages

Quand le retour en Syrie vire au cauchemar

Rouba Mhaissen, de l’association Sawa for Development and Aid. Photo Anne Ilcinkas

« Chaque réfugié syrien veut rentrer en Syrie… » Pour Rouba Mhaissen, fondatrice et directrice de Sawa for Development and Aid, « cela est un fait ». Mais on oublie trop vite que cette affirmation est conditionnée par beaucoup de « si ». Fondée fin 2011 pour répondre à l’arrivée de réfugiés syriens au Liban, cette organisation de la société civile a récolté les témoignages de Syriens pour qui le retour au pays a viré au cauchemar. Des témoignages que Rouba Mhaissen a présentés, mardi à Bruxelles, lors d’un débat sur le retour des Syriens déplacés, en marge de la conférence des donateurs de « Soutien à l’avenir de la Syrie et de la région », ou Bruxelles III, organisée conjointement par l’UE et l’ONU. Des témoignages réunis dans un rapport plus global intitulé « Unpacking Return: Syrian Refugees’ Conditions and Concerns ».

La maison occupée

Il y a sept ans, alors que Layal, ses enfants et son mari fuyaient la Syrie pour le Liban, ce dernier a été arrêté à la frontière. Depuis, elle n’a plus aucune nouvelle. Au début du mois de juin 2018, la jeune femme, lasse de la vie dans un camp de réfugiés avec ses quatre enfants, a décidé de rentrer à Homs où se trouve la maison familiale. À l’époque, « je n’avais aucune information sur ma maison, mais j’étais excitée à l’idée de recommencer ma vie en Syrie avec mes enfants ».

Avant un éventuel grand départ, Layal veut d’abord rapidement tâter le terrain, et décide de partir seule, confiant ses enfants à un voisin digne de confiance. « À Homs, j’ai immédiatement reconnu la porte de ma maison et les souvenirs des temps heureux ont afflué. » Armée de ses titres de propriété, précieusement conservés depuis 2012, elle frappe à la porte. « La personne qui a ouvert m’a immédiatement hurlé dessus, me disant de dégager, puis a claqué la porte. Ce fut comme une gifle », dit-elle. Alors que Layal tente de plaider sa cause, on lui dit que personne ne pourra l’aider. On lui dit néanmoins qu’elle doit s’acquitter des factures des occupants de sa maison (200 dollars pour le téléphone et plus de 2 500 dollars d’électricité). Ne voyant pas d’issue, la jeune femme décide de rentrer au Liban, illégalement, les autorités libanaises l’ayant informée, alors qu’elle quittait le Liban, qu’elle ne pourrait plus y revenir. Aujourd’hui, elle est de retour dans un camp de réfugiés, avec ses quatre enfants, n’en sortant quasiment plus de peur de se faire arrêter.


(Lire aussi : Réfugiés syriens : À Bruxelles, les ONG donnent de la voix pour « que les calculs politiques ne prennent pas le dessus »)


Accusée de terrorisme

C’est l’histoire d’une femme, âgée de 62 ans, qui, en janvier 2018, décide de rentrer à Damas après sept mois passés au Liban auprès de sa famille. Étant donné son âge et le fait qu’elle n’a jamais été impliquée politiquement dans quoi que ce soit, cette femme pensait que ce retour serait sûr, explique Wurood, qui a rapporté cette histoire à Sawa. À la frontière syrienne, elle est pourtant arrêtée, accusée de terrorisme et jetée en prison pour 45 jours. Une fois libre, elle n’a qu’une idée en tête : repartir au Liban. Sur le chemin du retour, par une voie illégale, elle tombe et se casse une jambe et un bras. Après un passage par le camp de Bar Élias, cette femme est désormais auprès de sa famille, à Anjar.

L’enfer à Raqqa

À l’automne 2017, Raed n’a plus les moyens de payer les frais médicaux de son épouse, Sabah, malade. « Ma famille m’a dit que la situation, à Raqqa, d’où je viens, était redevenue normale. Je l’ai crue. » Raed et Sabah vendent tout ce qu’ils ont, engrangeant 400 000 LL (267 $), et se lancent, avec leurs six enfants, en janvier 2018, sur le chemin ardu du retour, par des voies illégales, leurs permis de séjour ayant expiré. « À Raqqa, il ne restait rien de notre quartier. Dans certaines pièces de notre maison, fortement endommagée par les bombardements, nous avons trouvé des corps en décomposition. L’eau, le pain, l’électricité… Tout était très cher. L’État était absent, l’insécurité totale. » Six mois plus tard, Raed décide de rentrer au Liban, s’endettant pour repasser la frontière. « Nous avons tout perdu en rentrant à Raqqa. Cela nous a coûté 2 000 dollars et je ne sais pas comment je vais pouvoir rembourser. Mais le pire, c’est que nous avons perdu espoir. Je suis brisé. Quel avenir attend mes enfants ? »



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« Chaque réfugié syrien veut rentrer en Syrie… » Pour Rouba Mhaissen, fondatrice et directrice de Sawa for Development and Aid, « cela est un fait ». Mais on oublie trop vite que cette affirmation est conditionnée par beaucoup de « si ». Fondée fin 2011 pour répondre à l’arrivée de réfugiés syriens au Liban, cette organisation de la société...

commentaires (7)

Les issues elles existent mais il faut que ces pays arabes deviennent responsables et se mobilisent pour ....leurs frères . Combien de réfugiés syriens le Koweït ou l’Arabie saoudite , pays extra riches, accueillent ils , pour ne citer que ces 2 pays ? Le Liban , petit pays qui a vécu 20 ans de conflits , ne peut se permettre d’être seul comptable des erreurs des autres dirigeants arabes.

L’azuréen

16 h 16, le 14 mars 2019

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Commentaires (7)

  • Les issues elles existent mais il faut que ces pays arabes deviennent responsables et se mobilisent pour ....leurs frères . Combien de réfugiés syriens le Koweït ou l’Arabie saoudite , pays extra riches, accueillent ils , pour ne citer que ces 2 pays ? Le Liban , petit pays qui a vécu 20 ans de conflits , ne peut se permettre d’être seul comptable des erreurs des autres dirigeants arabes.

    L’azuréen

    16 h 16, le 14 mars 2019

  • 1948 : debut de Notre probleme palestinien, Oh combien de nos politiciens et autres ont profité et enrichie de la misere de cesrefugiers .Combien d'ONG inutiles et combien d'effort pour maintenir ce drame bien vivant 2011 :probleme des refugiers syriens. Meme scenario de 1948 ,ONG semblables,politiciens ( ou fils )experimentés et bien conseillés par ces veterans pour qui le Liban se vend à n'importe quel prix ...Le grand Liban a ce rythme va devenir un MINUS

    aliosha

    12 h 05, le 14 mars 2019

  • entre Les déclarations du haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Filippo Grandi qui a visité les 160 000 déplacés rentrés en Syrie et Mme Rouba Mhaissen qui présente sa version il faut choisir .......

    Joseph Zoghbi

    11 h 29, le 14 mars 2019

  • Encore de l’Intox ! On ne peut plus accueuillir la misere du monde. Les Intérêts superieurs d’une nation devraient primer devant des cas isoles choisis “ A la carte “ par des ONG qui veulent justifier leurs salaires mirobolants. Un Referendum National devrait statuer une fois pour toutes sur ce sujet et cette presence qui fragilise toutes la structure du pays. Nous sommes en faillite, l ‘etat est en faillite, la corruption sevit a tous les niveaux, la pauvreté a envahi plusieurs couches de notre societe, A lethargie du peuple libanais drogue a bon escient depuis des annees par les coupures d’électricité, d’eau, de routes revassees et j en passe... a rendu la majorite des citoyens amorphes et manipulés par les partis politiques complices de cette exploitation. La présence prolongée de ces réfugiés indesirables est une plaie qui s ‘ajoute a toutes les misères et les abus que l’on nous inflige depuis 1990. A quand ce reveil tant souhaité du peuple libanais ?

    Cadige William

    09 h 44, le 14 mars 2019

  • LE MALHEUR C,EST QU,IL N,Y A PAS D,ISSUE AVANT AU MOINS UNE DECENNIE ! POUR NE PAS DIRE DEUX ET TROIS ...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 16, le 14 mars 2019

  • Nous n'aurions jamais dû les accueillir chez nous au Liban en 2011 ! Ils vont nous coller dessus . Et nous savons quel partie politique avait insisté en 2011 pour les accueillir chez nous !

    Chucri Abboud

    09 h 01, le 14 mars 2019

  • Ce sont des cas dramatiques et qui ne sont pas des cas isolés ... Il faut que la communauté internationale fasse des efforts y compris politiques pour venir en aide à ces réfugiés victimes d'un sort qu'il n'ont pas demandé. Où sont ceux (les pays) qui ont favorisé les guerres en orient sans trouver des solutions viables et équitables ? C'est triste

    Sarkis Serge Tateossian

    02 h 14, le 14 mars 2019

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