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Chercher sa voix

Que de remous, que de tintamarre pour un malheureux strapontin à la troisième conférence de Bruxelles sur le sort des réfugiés de Syrie!


Qu’à sa grande colère Saleh Gharib, ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, n’ait pas été pressenti pour faire partie de la délégation libanaise peut, de fait, paraître surprenant. À lui seul, en effet, et bien que dépourvu de toute attribution précise (et même de bureau de fonction !), le titre qu’il arbore devrait logiquement en faire un personnage naturellement concerné par de telles assises internationales : autant concerné, sinon plus, que ses collègues des Affaires étrangères, des Affaires sociales ou de l’Éducation.


Mais voilà, Saleh Gharib est aussi l’une de ces Excellences qui s’estiment parfaitement libres de se rendre à Damas sans y avoir été mandatées par le Conseil des ministres, pour rencontrer les responsables syriens et répandre ensuite leur bonne parole. C’est le chef du gouvernement qui représente le Liban à Bruxelles, tranchait dès lors, hier, un Saad Hariri visiblement excédé par la polémique, à l’issue d’un entretien avec le chef de l’État.


Gharib ou pas Gharib, on ne risquait pas de se torturer les méninges avec la question. Ce qu’il importe en revanche de savoir, c’est si, dans cette vaste concertation internationale, le Liban, qui ploie pourtant sous le fardeau des réfugiés, a véritablement voix au chapitre, et pas seulement parce qu’il ne pèse pas bien lourd face aux acteurs russes, iraniens, américains, européens, saoudiens, onusiens et autres du drame syrien.


Si le Liban n’a pas de voix, c’est tout bêtement parce que beaucoup trop de voix en son sein prétendent s’exprimer en son nom. Nul n’a tiré la leçon de la première expérience libanaise en matière de réfugiés, où l’on a vu les discordes entre Libanais ouvrir largement la voie aux ingérences et manipulations externes, ce qui finissait par faire de la résistance armée palestinienne un protagoniste majeur de la guerre de quinze ans. Or les enjeux actuels ne sont pas moins angoissants, avec la présence au Liban d’une masse de réfugiés syriens représentant le tiers de sa population.


C’est dans ce contexte explosif qu’on a cru, comme à l’accoutumée, éluder le(s) problème(s) en ornant d’un flou artistique le programme gouvernemental. Car le fait demeure qu’une partie de l’exécutif s’en tient aux normes internationales quant à un retour volontaire et sécurisé des réfugiés à leurs foyers, tandis que l’autre ne voit d’autre issue qu’un dialogue immédiat avec le régime Assad : cela sans préalable aucun, sans attendre un règlement du sanglant conflit, sans regrets syriens pour tout le mal causé au Liban, sans engagement crédible de bon voisinage et bonne conduite pour l’avenir.


Mais sont-ils seulement certains, ces partisans d’une normalisation au galop, que la dictature largement sectaire de Damas, en dépit de ses assurances, souhaite elle-même le retour d’une telle masse d’humanité en détresse, elle qui a impitoyablement œuvré à ce phénoménal déplacement de populations ? Et parler déjà de reconstruction de la Syrie, en indécente avance sur le calendrier, n’est-ce pas prouver, s’il en était encore besoin, qu’à Damas comme à Beyrouth, le sens des affaires ne cède jamais le pas aux jeux de la politique et de la guerre ?


Par leurs sempiternels conflits d’intérêts et d’obédiences étrangères, les Libanais n’auront pas peu contribué à la présente image d’une minuscule terre d’hospitalité et d’asile menaçant désormais de tourner au vaste camp de réfugiés.


Issa Goraieb
igor@lorientlejour.com

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