Rechercher
Rechercher

Liban - Interview

Lassen : Aujourd’hui, l’UE donne sept fois plus au Liban chaque année qu’avant 2012

L’Union européenne fête ses quarante ans au Liban. L’occasion de faire le point avec l’ambassadrice Christina Lassen sur l’engagement de l’UE au Liban, la prochaine conférence de Bruxelles sur la Syrie, et la Journée internationale de la femme.

« La plus grande majorité des réfugiés syriens rentreront aussitôt qu’ils sentiront qu’ils n’ont pas à craindre pour leur sécurité », estime Christina Lassen. Photo DR

Cette année, l’Union européenne célèbre ses quarante ans au Liban. Cet anniversaire a coïncidé avec l’inauguration des nouveaux locaux de la délégation au centre-ville de Beyrouth en présence de la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini, en visite au pays du Cèdre la semaine dernière. « Ces nouveaux locaux au cœur de Beyrouth dans le secteur des ambassades, non loin du Sérail, symbolisent nos liens profonds avec le Liban », affirme dans un entretien avec L’Orient-Le Jour l’ambassadrice de l’UE au Liban Christina Lassen.

Il y a quarante ans, en 1979, l’UE, qui s’appelait à l’époque la Communauté économique européenne (CEE), ouvrait un bureau à Hamra, au centre Gefinor. Le bureau sera ensuite transféré à Manara, Jounieh, puis à Achrafieh. L’Union européenne grandit au Liban et déménage encore une fois dans un nouveau local à Saïfi qu’elle a quitté il y a quelques mois.

« En 1979, en pleine guerre, treize personnes travaillaient surtout sur l’assistance humanitaire, à Gefinor. Aujourd’hui, l’Union européenne à Beyrouth rassemble une équipe de plus de 100 personnes, constituée de Libanais et d’Européens », indique Mme Lassen, soulignant que l’immeuble qui abrite désormais les locaux de la délégation est un bâtiment vert qui respecte l’environnement, conformément aux valeurs de l’Europe.

Avec la fin de la guerre du Liban, l’UE s’engage sur des projets de reconstruction et de développement. L’année 2002 constitue un tournant majeur dans les relations libano-européennes quand Beyrouth et Bruxelles signent l’accord d’association, entré en vigueur en 2006. « Il s’agit d’un accord global que nous avons uniquement avec nos partenaires les plus proches et qui met l’accent sur les relations politiques, la libre circulation des marchandises, ainsi que la coopération économique, financière, sociale et culturelle. Au cours des dernières années, nous y avons ajouté d’autres secteurs comme la sécurité et la lutte contre le terrorisme », déclare Mme Lassen.

Soulignant la force des liens entre l’Europe et le Liban, elle note qu’en « trois ans et demi, Mme Mogherini s’est rendue quatre fois au Liban ». « Le Liban est un partenaire très important pour nous dans cette région et cela pour tout ce que le pays représente en termes de valeurs, la convivialité étant l’une d’elles. Nous partageons aussi les mêmes défis, notamment en ce qui concerne les réfugiés, la migration, le terrorisme et la sécurité », dit-elle.

(Lire aussi : Mogherini : Investir au Liban est plus que jamais une priorité)


Donner sept fois plus au Liban

Depuis 2012, l’Union européenne a dépensé 1,7 milliard d’euros au Liban. « Cette somme est très importante par rapport à la superficie, au nombre d’habitants et au PIB du pays. Aujourd’hui, nous donnons sept fois plus au Liban chaque année que ce que nous donnions avant 2012 », précise-t-elle.

Avec le gouvernement libanais, trois axes de soutien ont été définis : l’économie et le marché de l’emploi, la sécurité et la lutte antiterroriste ainsi que le développement local et la bonne gouvernance.

C’est la crise syrienne, avec son flot de réfugiés, qui a influé sur le volume de l’aide. Le soutien de l’Europe s’adresse aussi bien aux réfugiés qu’aux communautés hôtes. Ainsi, de nombreux projets concernant les Libanais ont été mis en place en matière d’infrastructures et de services, qu’il s’agisse de l’eau, du traitement des ordures ou de la santé. Une attention particulière est désormais accordée aux Libanais les plus pauvres, et cela grâce à des projets qui avaient initialement pour cible les réfugiés syriens.

Toujours concernant le dossier syrien, l’Union européenne prépare actuellement en coopération avec les Nations unies la troisième conférence de Bruxelles qui se tiendra du 12 au 14 mars dans la capitale belge. C’est la troisième édition de cette conférence lors de laquelle des fonds sont levés pour venir en aide aux déplacés syriens dans leur pays, aux réfugiés dans les pays limitrophes à la Syrie et aux communautés hôtes.

Cette année, le chef du gouvernement Saad Hariri présidera la délégation libanaise. « Le Liban a toujours été très bien préparé pour cette conférence. Nous espérons mobiliser les donateurs pour avoir les mêmes engagements que les années précédentes. En 2018, 95 % des sommes promises ont été allouées, ce qui prouve que les donateurs sont en train de tenir leurs promesses », indique Mme Lassen.

En réponse à une question relative au contentieux entre le Liban et la communauté internationale au sujet du retour des réfugiés syriens dans leur pays, l’ambassadrice de l’Union européenne au Liban déclare : « Je ne pense pas que nous sommes tellement en désaccord avec les responsables libanais, car nous partageons des points de vue communs sur la plupart des points essentiels. Nous sommes d’accord, par exemple, sur le fait que la solution ultime est le retour des réfugiés. Nous sommes aussi d’accord sur le fait qu’une solution politique n’est pas une condition pour leur retour. Aujourd’hui, certains réfugiés rentrent volontairement chez eux car ils se sentent en sécurité. Mais nous savons que de nombreux autres sentent qu’il n’y a pas encore la sécurité nécessaire à leur retour, que les conditions à l’intérieur de la Syrie ne sont pas bonnes. » « Aujourd’hui, il y a encore plusieurs conflits dans plusieurs parties de la Syrie. En raison de la confiscation et d’expulsions aléatoires de terrains et de propriétés, une majorité de personnes ont peur de se voir obligées de servir dans les rangs de l’armée syrienne, arrêtées ou détenues par le régime. Donc les conditions sur le terrain demeurent incertaines pour un retour en sécurité. La plus grande majorité des réfugiés rentreront aussitôt qu’ils sentiront qu’ils n’ont pas à craindre pour leur sécurité », ajoute-t-elle, affirmant que « nous ne voyons pas que les conditions sont réunies pour le retour organisé et massif en Syrie sous l’égide des Nations unies ».

Interrogée sur l’initiative russe lancée l’année dernière et qui prévoit que Moscou encadre le retour des réfugiés, Mme Lassen indique que « toutes les idées sont bonnes pour venir à bout de la crise ou traiter ses conséquences. Mais cette initiative n’a pas eu de succès parce que justement les conditions du retour ne sont pas réunies ».


Efforts qui restent à faire

Évoquant la Journée internationale de la femme, Mme Lassen estime qu’au « Liban, tant d’activités sont organisées pour marquer cette occasion que l’on peut dire que c’est la semaine des femmes. Et pourtant, beaucoup devrait être encore fait pour l’autonomisation des femmes ».

Au Liban, des efforts restent à faire sur divers plans, notamment politique. « Le Liban figure au bas de la liste quand il s’agit des droits des femmes, de leur participation à la vie économique et politique, et cela même parmi le classement des pays arabes », souligne Mme Lassen, qui met l’accent cependant sur les quelques efforts fournis avec l’adoption de certaines lois, notamment celle sur la violence domestique. La diplomate se dit, en outre, confiante que les lois relatives à l’octroi de la nationalité par la femme, à l’âge du mariage et au viol conjugal seront modifiées.

Qualifiant de très positive la récente nomination d’une femme ministre de l’Intérieur, en la personne de Raya el-Hassan, elle souligne que « de nombreux efforts restent à faire sur le plan politique où les femmes ne sont pas vraiment représentées », estimant que « les choses changeront peut-être lors des prochaines élections législatives et municipales ».

L’Union européenne est très sensible à la question du genre et cela dans chaque projet qu’elle finance au Liban. Des projets portant, notamment, sur l’autonomisation des femmes. « Nous avons dépensé, au cours des sept dernières années, 110 millions d’euros en projets de divers aspects ayant les femmes pour cible. Il s’agit de soutenir la participation politique et économique des femmes », martèle, en conclusion, Mme Lassen.


Pour mémoire

Quand les ambassadeurs européens se penchent sur Saïda

Cette année, l’Union européenne célèbre ses quarante ans au Liban. Cet anniversaire a coïncidé avec l’inauguration des nouveaux locaux de la délégation au centre-ville de Beyrouth en présence de la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini, en visite au pays du Cèdre la semaine dernière. « Ces nouveaux locaux au cœur de Beyrouth dans le secteur des ambassades,...

commentaires (2)

L'Europe n'a pas d'obligation de donner n'importe quoi au Liban. Que donnera le Liban a l'Europe ?? Les liens commerciaux entre le Liban et l'Europe sont importants, mais si on a comme base de discussion le montant qu'on "donne" on part d'une mauvaise base de depart. Le bon verbe serait ce qu'on "echange", pas ce qu'on "donne".

Stes David

16 h 05, le 09 mars 2019

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • L'Europe n'a pas d'obligation de donner n'importe quoi au Liban. Que donnera le Liban a l'Europe ?? Les liens commerciaux entre le Liban et l'Europe sont importants, mais si on a comme base de discussion le montant qu'on "donne" on part d'une mauvaise base de depart. Le bon verbe serait ce qu'on "echange", pas ce qu'on "donne".

    Stes David

    16 h 05, le 09 mars 2019

  • Oui, mais comme les politiciens volent 10 fois plus, le bilan est quand même négatif pour le Liban...

    Gros Gnon

    15 h 58, le 09 mars 2019

Retour en haut