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Liban - Citoyen grognon

Onde de choc

Dix jours déjà, depuis le tragique suicide par immolation de Georges Zreik, ce père de famille désespéré de ne pouvoir payer les trop lourds frais de scolarité de sa fille. Dix jours déjà que cet homme qui s’est vu refuser une attestation de scolarité, pour avoir accumulé des arriérés d’écolages, a violemment mis fin à ses jours devant l’école de sa fille, le collège grec-orthodoxe Notre-Dame de Bkeftine. Et rien ne semble avoir vraiment bougé.

L’onde de choc qui s’est propagée dans le pays était pourtant immense. Un bruit amplifié par la colère de tout un chacun contre une classe politique indifférente au difficile quotidien des Libanais en ces temps de crise aiguë, contre un État qui a failli à ses obligations d’assurer à tous les élèves un enseignement gratuit de qualité. Et ce, alors que par une loi mal étudiée, il provoquait une hausse drastique des écolages dans le secteur privé.

Les médias, les réseaux sociaux, la rue et même les salons, absolument tout ce monde s’est emparé de l’affaire. Qui présentant ses condoléances. Qui exprimant sa profonde réprobation. Qui fustigeant le mercantilisme d’une école privée pourtant en crise. Qui accusant l’État d’incapacité patente.

Mais au final, les vagues de critiques sont allées dans tous les sens. Elles n’ont pas réussi à converger ni à créer un mouvement de masse conséquent avec des revendications bien précises. Et la fureur des citoyens s’est éteinte aussi soudainement qu’elle a éclaté. Quelques dizaines de personnes tout au plus ont pris la peine de manifester, lundi 12 février, à Beyrouth, devant le ministère de l’Éducation. Elles ont à la fois dénoncé les écolages trop élevés, le peu d’efficacité des comités de parents d’élèves, la corruption politique, l’absence de réforme, réclamant au passage… la démission du directeur du département de l’enseignement privé au Liban. Une série de revendications que nul n’a pris la peine d’écouter.


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Entre-temps, la justice cherche toujours à déterminer les responsabilités dans le décès de Georges Zreik. Les proches du malheureux tentent eux, par quelques sit-in organisés à l’incitation du parti Sabaa, de maintenir vivante sa cause. Quant à l’école incriminée, elle se défend d’avoir acculé le père de famille et affirme avoir assuré la gratuité à sa fille pour la totalité de l’année 2017-2018. Pour la soutenir, la Fédération des associations scolaires privées rappelle l’État à ses devoirs et regrette les campagnes calomnieuses à l’égard des écoles privées. De son côté, le ministère de l’Éducation martèle que le drame aurait pu être évité, l’institution étatique ayant autorité pour délivrer l’attestation nécessaire au transfert d’élèves du privé au public.

C’est dans cet état des lieux que la déclaration ministérielle promet « l’accès pour tous à une éducation de qualité dans les écoles publiques » et « la sécurité et la stabilité de l’enseignement privé ». Elle s’engage aussi à développer « une stratégie nationale pour l’enseignement et la formation technique », à « intégrer l’internet au système éducatif » et enfin à « développer les programmes scolaires conformément à l’évolution scientifique et technologique ». À lire ces belles promesses, aussi vagues que concises, Georges Zreik serait mort pour rien. Car le gouvernement aurait, semble-t-il, décidé d’appuyer à fond sur l’accélérateur. Sauf que l’acte de désespoir de ce père de famille, mis à part le fait qu’il a profondément ému, et bien au-delà des frontières nationales, doit demeurer à jamais gravé dans la mémoire de chaque femme et homme politique libanais.



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Il est le signe du ras-le-bol citoyen, face à une classe dirigeante bien plus soucieuse de ses acquis communautaires que des souffrances d’une population exsangue. Exsangue, car minée par une crise économique dont elle ne voit pas la fin. Car épuisée par un taux de chômage élevé et qui pousse sa jeunesse à l’exode. Car découragée par l’absence chronique des services de base. Car excédée par les sempiternelles querelles politiciennes qui empêchent le pays d’avancer… et continuent d’empoisonner la scène locale, au quotidien.


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Dix jours déjà, depuis le tragique suicide par immolation de Georges Zreik, ce père de famille désespéré de ne pouvoir payer les trop lourds frais de scolarité de sa fille. Dix jours déjà que cet homme qui s’est vu refuser une attestation de scolarité, pour avoir accumulé des arriérés d’écolages, a violemment mis fin à ses jours devant l’école de sa fille, le collège...

commentaires (2)

L'erreur dans cet article c'est de nous avoir révélé qu'il était grec orthodoxe, ou sans le dire indexer un collège par sa couleur religieuse . Au moment de se suicider, Georges n'avait plus de religion, et le collège nommé de Bkeftine non plus. On aurait mieux fait de nous laisser dans l'ignorance quant à l'appartenance religieuse, le problème est plus national , ce que l'article explique la suite , très bien d'ailleurs .

FRIK-A-FRAK

11 h 28, le 16 février 2019

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Commentaires (2)

  • L'erreur dans cet article c'est de nous avoir révélé qu'il était grec orthodoxe, ou sans le dire indexer un collège par sa couleur religieuse . Au moment de se suicider, Georges n'avait plus de religion, et le collège nommé de Bkeftine non plus. On aurait mieux fait de nous laisser dans l'ignorance quant à l'appartenance religieuse, le problème est plus national , ce que l'article explique la suite , très bien d'ailleurs .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 28, le 16 février 2019

  • Grogner pour grogner c'est facile! La déclaration ministérielle est claire et nette au sujet de l'éducation nationale . Si au bout d'un délai correct rien n'a été réalisé, alors là oui, G. Zreik serait mort pour rien!

    Tina Chamoun

    08 h 37, le 16 février 2019

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