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Une question de priorité

Ce qu’il faudrait appeler désormais l’affaire Georges Zreik constitue bel et bien, quels qu’en soient les tenants et les aboutissants, une véritable sonnette d’alarme à l’adresse des responsables. Le grave problème posé par l’augmentation des frais de scolarité, qui a poussé ce père de famille à se livrer à un acte désespéré, ne représente que l’un des aspects du marasme socio-économique dans lequel se débat le pays. Une situation désolante à bien des égards et dans plus d’un domaine vital.

En visite aux Émirats arabes unis, le Premier ministre Saad Hariri a mis sur ce plan le doigt sur la plaie. Relevant que le Liban se trouve face à la dernière opportunité d’attirer à nouveau les investissements étrangers, il a affirmé la détermination de son gouvernement à enclencher sérieusement le processus de redressement tant attendu. À la bonne heure… Car le pays se rapproche à grands pas de la ligne rouge – s’il ne l’a pas déjà atteinte – en termes de détérioration des conditions de vie et de la chute de la performance des services publics les plus élémentaires.

Du rationnement drastique en courant électrique – qui se montre « tenace » depuis la fin (officielle) de la guerre libanaise – jusqu’au réseau internet qui fonctionne à une cadence sinusoïdale, en passant par le drame surréaliste des déchets solides et liquides, la pollution généralisée, l’état scandaleux du réseau routier (véritable complot contre les voitures), la léthargie d’une bonne partie des administrations publiques, sans compter la stagnation économique qui n’épargne aucun secteur, ou aussi l’envolée des frais scolaires et universitaires, et l’essor destructeur des carrières qui ravagent nos montagnes et défigurent la nature : le cabinet Hariri III a beaucoup de pain sur la planche …

Depuis pratiquement la fin des années 50, les Libanais – ou du moins une partie d’entre eux – se montrent plus royalistes que le roi à chaque fois qu’un acteur régional est engagé dans un conflit ou une quelconque aventure. Ce fut le cas avec la montée du nassérisme à la fin des années 50, l’implantation des organisations armées palestiniennes à partir de 1969, les visées anschluciennes de la Syrie sur le Liban, l’occupation israélienne et, cerise sur le gâteau, l’expansionnisme iranien au Liban et dans la région…

Si le nouveau gouvernement est réellement sérieux dans sa volonté, affichée, de sortir le pays de l’ornière, il doit montrer dans ce contexte qu’il perçoit à sa juste valeur la volonté de l’écrasante majorité des Libanais de voir les responsables – ou plus précisément certaines factions –accorder la priorité absolue aux affaires internes réglementant la vie quotidienne de la population, après près de six décennies de fanfaronnades régionales stériles. Aujourd’hui, pour les classes moyennes et appauvries, la solution radicale à la crise chronique des déchets est bien plus importante que la contribution à la sauvegarde du régime de Bachar el-Assad ; l’approvisionnement en courant électrique, la gestion des services publics, le fonctionnement normal et régulier du réseau internet sont plus cruciaux que l’implication dans l’aventurisme d’un Kassem Souleimani ; la réhabilitation du réseau routier et, d’une manière générale, de l’ensemble des infrastructures de base du pays doit prendre le dessus sur la solidarité communautaire au Yémen, en Irak ou à Bahrein ; la relance de la croissance économique devrait se substituer à la lutte doctrinale et sectaire menée contre l’Occident et les pays du Golfe…

Le leitmotiv « Liban d’abord » peut paraître un slogan creux. Mais il reflète en réalité un conflit profond entre deux courants qu’opposent des options existentielles totalement divergentes : celui qui souligne que le peuple libanais a suffisamment enduré des conflits régionaux depuis près de six décennies sans grand résultat et qu’il est par conséquent temps que l’on s’occupe de son bien-être à tous les niveaux ; et le courant qui prend toute la population en otage pour rester ancré idéologiquement à un projet transnational qui fait fi des considérations d’équilibres internes et des impératifs de la paix civile…

Le véritable enjeu du nouveau gouvernement aujourd’hui se situe à ce niveau précis : créer une dynamique interne puissante pour imposer comme priorité absolue le traitement des grands dossiers internes en suspens. Et face à un tel enjeu, les calculs politiciens et purement partisans ne sauraient avoir leur place.

Ce qu’il faudrait appeler désormais l’affaire Georges Zreik constitue bel et bien, quels qu’en soient les tenants et les aboutissants, une véritable sonnette d’alarme à l’adresse des responsables. Le grave problème posé par l’augmentation des frais de scolarité, qui a poussé ce père de famille à se livrer à un acte désespéré, ne représente que l’un des aspects du...

commentaires (9)

Votre article est un délice de vérité ! Bravo ! Mais bien sûr le Liban d’abord ! Que dit L’Iran d’après vous ? L’Arabie saoudite que dit elle ? Que dit Israël ? Les Palestiniens ? La Syrie dit elle le Liban d’abord et ensuite on verra ? L’Égypte que dit elle ? Que disent les USA ? La Russie ? La Chine ? La suisse ? Et même chaque pays européens ? .....Que disent ils ? Ils mettent en avant leur pays , leur population et leurs préoccupations ...c’est pas compliqué ,c’est universel et évident comme la rotation de la terre ....

L’azuréen

16 h 52, le 12 février 2019

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Votre article est un délice de vérité ! Bravo ! Mais bien sûr le Liban d’abord ! Que dit L’Iran d’après vous ? L’Arabie saoudite que dit elle ? Que dit Israël ? Les Palestiniens ? La Syrie dit elle le Liban d’abord et ensuite on verra ? L’Égypte que dit elle ? Que disent les USA ? La Russie ? La Chine ? La suisse ? Et même chaque pays européens ? .....Que disent ils ? Ils mettent en avant leur pays , leur population et leurs préoccupations ...c’est pas compliqué ,c’est universel et évident comme la rotation de la terre ....

    L’azuréen

    16 h 52, le 12 février 2019

  • La chevauchée fantastique de Nasser en Syrie n'est pas parvenue à déloger le tenace Camille Chamoun de sa résidence présidentielle de Qantari en 1958 en dépit des armes fournies à ses partisans au Liban, d'ailleurs c'est cette ténacité qui avait suscité la dissolution de l'éphémère Union Syro-Egyptienne.

    Un Libanais

    16 h 48, le 12 février 2019

  • On peut rever evidement mais ce qui est clair est CECI La dispute pour les ministere montre bien que RIEN N'A CHANGE Ce sera a nouveau qui prend quoi en contrepartie de qui prend quoi les milliards a recevoir seront a nouveau dilapides en contrats signes pour enrichir certains, il ne faut pas se tromper car meme le ministere contre la corruption qui n'a RIEN FAIT durant deux ans a ete plus simplement aboli TOUT UN PROGRAMME EN EFFET Si ce President fort et ce Premier Ministre sont serieux pour sauver le Liban il faut commencer par ceci LEVER DU SECRET BANCAIRE POUR TOUT HOMME POLITIQUE ET TOUTE SA FAMILLE OFFICIALISER LEUR DECLARATION FISCALE DEPUIS 10 ANS ET A PARTIR DE MAINTENANT CHAQUE ANNEE EXIGER D'EUX ET DE CHAQUE FONCTIONNAIRE DU GOUVERNEMENT DE DECLARER LEURS AVOIRS Autrement c'est de la poudre aux yeux et c'est malheureusement ce qui va arriver de toute facon car que celui qui n' a pas faute jette la premiere pierre

    LA VERITE

    14 h 40, le 12 février 2019

  • Tous ces slogans tonitruants "Mort à l'Amérique" et "Mort à Israél" ne sont que des coups d'épée dans l'eau pour la galerie. L'Iran ne veut tuer ni l'un ni l'autre. Le néo-expansionnisme perse vise à étendre sa souveraineté sur les pays à majorité ou à minorité chiite. Il crée des slogans faciles et la foule applaudit. Notre pays, Etat laïc multiconfessionnel refuse toute mainmise sur sa liberté, sa souveraineté et son indépendance.

    Un Libanais

    12 h 59, le 12 février 2019

  • Mr Touma, vous écrivez dans le vide. La priorité de nos politiciens et de certains libanais miliciens ou autres n'est absolument pas le LIBAN. Pour eux, c'est le LIBAN APRES. Après la Syrie, l'Iran, le Yemen, le FAKIH, le radicalisme, l'islamisme, le wahabite etc.…. Et surtout n'espérez rien de ce nouveau gouvernement et de l'homme "fort" à la tête de l'Etat. Leur unique priorité est de comment se partager les miettes du gâteau.

    Achkar Carlos

    11 h 38, le 12 février 2019

  • EN DEUX MOTS IL FAUT ELIMINER LE BORDEL ET LE REMPLACER PAR UN ETAT DE DROIT EN TOUTE CHOSE. PLUS DE PATRONS ET DE PATRONNES... PLUS D,IGNORANCE, D,INCOMPETENCE, DE CORROMPTION ET D,ABRUTISSEMENT... LES LIBANAIS EN ONT ASSEZ ! SINON, DEGAGEZ !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 11, le 12 février 2019

  • Effectivement, Liban d'abord ne semble pas paraître un concept creux, c'est un concept creux. Fermons les yeux et prions, quand on les aura ouvert on aura gagné un concept et perdu notre terre.

    FRIK-A-FRAK

    08 h 42, le 12 février 2019

  • Magnifiquement bien dit !!

    Bery tus

    06 h 18, le 12 février 2019

  • Vous écrivez : ""Depuis pratiquement la fin des années 50, les Libanais – ou du moins une partie d’entre eux – se montrent plus royalistes que le roi à chaque fois qu’un acteur régional est engagé dans un conflit ou une quelconque aventure. Ce fut le cas avec la montée du nassérisme à la fin des années 50, l’implantation des organisations armées palestiniennes à partir de 1969, les visées anschluciennes de la Syrie sur le Liban, l’occupation israélienne et, cerise sur le gâteau, l’expansionnisme iranien au Liban et dans la région…"" Vous avez mille fois raison ! Y en a marre d’épouser toutes les causes du monde, alors qu’on croule sous des dettes, des problèmes cruciaux, comme celui de la santé, du financement de l’enseignement dont dépend l’avenir de la jeunesse. Ils sont une priorité absolue ! Et qu’on ne vienne pas nous taxer de ""réactionnaire"". Le Liban s’est trouvé seul par le passé… et a payé très cher les engagements, les errements de ceux qui se sont engagés pour l’une ou l’autre cause….

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    01 h 55, le 12 février 2019

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