Pousser les portes d’un musée, c’est ouvrir son cœur et son esprit à la découverte. Pousser les portes d’un musée, c’est quitter quelques heures la temporalité implacable et accéder à une forme d’éternité. Mais entrer dans l’univers magique du musée des minéraux, mim, à Beyrouth, c’est pénétrer dans les mystères d’un univers d’une puissance inégalée. Il aura fallu la passion d’un homme et son amour pour le Liban pour que, dans l’entresol du campus de l’innovation et du sport de l’Université Saint-Joseph, se dévoilent toutes les merveilles insoupçonnées de cette terre si riche, si vivante, si vibrante, si belle. On pourrait écouter des heures durant Salim Eddé se laisser porter par sa passion, essayer de suivre les agitations tectoniques, le mouvement des plaques, les millions d’années qui nous ont précédés, les hasards des circonstances qui forment les cristaux. On pourrait poser des dizaines de questions à Salim Eddé, vouloir tout savoir, tout décrypter, tout comprendre et, surtout, se laisser emporter par la générosité de son partage. Partage d’informations scientifiques, de découvertes incroyables, d’explorations approfondies, mais aussi de la volonté de ce polytechnicien de formation de transmettre son savoir et sa collection.
On pourrait aussi ouvrir grands les yeux pour entrer dans l’ambiance incroyable de cet endroit, effleurer les entrailles de la terre et se sentir instantanément dans l’émerveillement absolu. L’écrin est à la hauteur des merveilles. La verrière de lumière inspirée des formes géométriques des minéraux, les vitrines où chaque pièce est posée sur un socle comme une offrande, le mur en laiton, prouesse architecturale formée de pavages de formes différentes qui donne l’illusion d’être en trois dimensions ; les animations, films et éclairages pour optimiser le plaisir de la découverte.
(Pour mémoire : Salim Eddé à « L’Orient Le Jour » : « Garder le Liban présent à l’esprit »)
Et quelle découverte ! Ce n’est pas une collection, mais deux qui se donnent à admirer au sein du musée mim. La collection de minéraux d’abord née de la passion de Salim Eddé, vibrante depuis 1997. C’est cette année-là qu’il commence à acquérir du monde entier des pièces magistrales de plus en plus belles, de plus en plus précieuses, de plus en plus rares. Jusqu’au moment où, en 2004, il décide de la partager et la propose au père René Chamussy qui ne met que quelques minutes éclairées pour lui proposer l’espace adéquat. Le musée ouvrira ses portes en octobre 2013 et, depuis, n’a de cesse de s’enrichir. D’abord avec de nouvelles acquisitions qui viennent régulièrement s’ajouter aux quelque 2 000 minéraux actuels, dont un quartz de quatre tonnes en provenance du Brésil.
Ensuite avec une collection de 250 fossiles du Liban qui racontent chacun une histoire de terre, d’animaux, du passage de millions d’années et surtout la richesse d’un pays que son passé géologique a transformé en un vivier de découvertes. Suivre Salim Eddé, c’est découvrir une patte de dinosaure imprimée dans la roche, un requin que le temps a immortalisé dans la roche, le relief d’un dinosaure volant du nom « libanais » Mimodactylus libanensis , les traces d’un serpent à pattes, transition entre le lézard et le reptile que l’on connaît aujourd’hui. Suivre Salim Eddé, c’est ne plus savoir où donner des yeux tant les minéraux rayonnent de beauté et de pureté, de couleur et de richesse, et dont certains, sous la lumière fluorescente, révèlent une splendeur à couper le souffle.
(Pour mémoire : Salim Eddé, deux passions au service du Liban)
Suivre Salim Eddé, c’est comprendre très vite que, bien entouré de Suzy Hakimian et de Carole Attallah, ce passionné ne va pas s’arrêter là. Outre les cristaux et merveilles sans cesse traqués dans plus de 60 pays, les innovations techniques continuellement apportées au musée mim, les fossiles achetés régulièrement dans les gisements libanais, une troisième passion pointe à l’horizon. Celle de ces extraordinaires écosystèmes du Liban d’aujourd’hui, qui font que nous possédons une faune et une flore que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans cette diversité. Un musée de sciences naturelles contemporaines qui donnerait à découvrir la richesse d’un pays qui était, il y a des millions d’années, un fond marin et que l’aventure géologique a fait glisser de l’Afrique, où il se trouvait à la surface de sa géographie actuelle.
Sortir (à regret) du musée mim, c’est garder dans les yeux la lumière extraordinaire reflétée par ces milliers de perfections minérales. C’est aussi mesurer la grandeur de cet univers dont nous avons l’immense chance de faire, même temporairement, partie.
*Positive Lebanon est un concept basé sur les initiatives concrètes de la société civile libanaise. Ces initiatives qui font que le pays tient encore debout. Mais derrière chaque initiative se tient une Libanaise ou un Libanais courageux, innovants, optimistes et pleins d’amour pour leur pays.
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