Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Positive Lebanese

Maya Bizri veut réparer les vivants

Photo DR

Les nombreuses secousses qui agitent le pays ne laissent pas indemnes. Malgré leur résilience et leur magnifique instinct de vie, les Libanais traversent en permanence des montagnes russes génératrices d’angoisse et de stress intense. À quel moment cette agitation permanente influe-t-elle d’une manière concrète sur la santé ? Comment qualifier ces maux chroniques qui affaiblissent l’énergie et qui fatiguent le corps et l’esprit ? Comment surtout en parler et ne pas avoir peur de demander de l’aide ?

Fraîchement diplômée en psychiatrie, Maya Bizri a décidé de faire de la psychosomatisation son cheval de bataille. Pour cette jeune trentenaire enthousiaste, le mal n’est jamais « dans la tête ». Il existe bel et bien et trouve ses sources et ses solutions dans l’organisme. Quand on a mal quelque part on va chez le spécialiste. Mais quand on a mal à l’âme on se tait. Soit parce qu’on pense qu’on est à même de trouver soi-même une solution. Soit parce qu’on a honte de parler de ce qu’on pense, à tort, être une faiblesse. Soit parce qu’on ne sait pas où aller. Après des études de médecine, la jeune femme décroche un master en santé publique à Boston avant de continuer sa spécialisation en psychiatrie à l’Université américaine de Beyrouth. Deux passages fructueux à la Mayo Clinic, d’abord dans le département psychosomatique où les maux du corps et de l’esprit sont indissociables, et à Cleveland la convainquent qu’il existe un grand travail à faire au Liban dans le domaine de la santé mentale, surtout que les Libanais souffrent beaucoup de maux psychosomatiques. Commence alors pour Maya Bizri une vraie mission.

De son grand-père médecin qui recevait gratuitement une fois par semaine les patients dans sa ville natale de Saïda, à son oncle qui a repris le relais, elle hérite du sens des responsabilités vis-à-vis de la société en détresse. C’est d’abord dans le cadre de l’ONG Embrace fondée il y a cinq ans par le Dr Ziad Nahas et Mia Atoui et qui apporte soutiens et conseils aux personnes en détresse mentale que Maya Bizri consolide sa vision. Cette ONG indispensable effectue des recherches exhaustives autour d’un sujet aussi tabou que le suicide et a mis en marche une hotline pour tous ceux qui pensent au suicide et qui se retrouvent totalement perdus et seuls dans leur brouillard opaque. Plus de soixante opérateurs et opératrices entraînés sont à l’écoute de midi à deux heures du matin pour recevoir les appels de personnes qui ne savent pas vers qui se tourner. Les chiffres sont quand même glaçants quand on apprend que tous les trois jours et demi une personne se donne la mort au Liban. Cela sans compter les nombreuses tentatives qui n’aboutissent pas et qu’il faut considérer comme autant d’appels au secours. Les femmes seraient dans notre pays plus nombreuses que les hommes à « essayer », mais les hommes seraient plus nombreux à « réussir ». Et ceux qui mettent fin à leurs jours se situent surtout dans la catégorie des 20 à 30 ans et dans celle des plus de 70 ans.

Dans un pays où la cellule familiale joue un rôle important, où la religion est omniprésente, il y a de quoi réfléchir. Et réfléchir en profondeur à la manière de venir en aide de façon optimale à cette société en mal de repère pour qui « aller chez le psychiatre » est encore tabou, et qui éprouve de la honte devant ce qu’on qualifie de « c’est dans la tête ». C’est l’une des préoccupations majeures de Maya Bizri. Pour la jeune femme aucun mal n’est fictif et aucune douleur qu’elle soit mentale ou physique n’a pas ses racines dans un dérèglement organique. Un point de vue plus qu’intéressant, puisque cela ouvre des portes aux solutions et surtout à plus de compréhension. En attendant de développer concrètement son programme, la jeune femme partage son temps entre les recherches avec Embrace, ses visites régulières à l’association Ashghalouna pour aider les veuves à avancer malgré leurs difficultés et des consultations gratuites à Saïda avec l’ONG al-Mouassat. Le bénévolat n’est pas un choix pour Maya Bizri, mais bel et bien une perpétuation de la tradition familiale et une saine évidence. Aider les autres à sortir de leur détresse c’est aider la société à avancer, briser les murs de la honte, faire évoluer la recherche, proposer des solutions alternatives, apporter une énorme pierre à l’édifice d’un pays qu’elle aime tant et qui souffre souvent un peu trop en silence.


*Positive Lebanon est un concept basé sur les initiatives concrètes de la société civile libanaise. Ces initiatives qui font que le pays tient encore debout. Mais derrière chaque initiative se tient une Libanaise ou un Libanais courageux, innovant, optimiste et plein d’amour pour son pays.


Dans la même rubrique

Mayaline Hage avec Assafina et vers la lumière

Mayaline Hage avec Assafina et vers la lumière

Jean-Paul Fares, quand mission rime avec passion

Alice Eddé au pays des merveilles de Byblos

Raymond Nahas, ou l’esquisse d’un Liban tant aimé


Les nombreuses secousses qui agitent le pays ne laissent pas indemnes. Malgré leur résilience et leur magnifique instinct de vie, les Libanais traversent en permanence des montagnes russes génératrices d’angoisse et de stress intense. À quel moment cette agitation permanente influe-t-elle d’une manière concrète sur la santé ? Comment qualifier ces maux chroniques qui affaiblissent...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut