Soudain, les prémices d’une imminente formation du gouvernement apparaissent à nouveau. Dans certains milieux, on s’attend même à ce que le cabinet voie le jour aujourd’hui, sinon demain… sauf imprévu (prévisible). C’est dans ce cadre qu’il conviendrait de placer l’entretien qui a eu lieu hier entre le Premier ministre désigné, Saad Hariri, et le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, à la Maison du Centre. Il s’agit de leur quatrième rencontre depuis samedi dernier. Ils s’étaient retrouvés à trois reprises à Paris. L’occasion de passer en revue les solutions à même de défaire le nœud sunnite, né de l’insistance du Hezbollah à intégrer les six députés sunnites hostiles du 8 Mars à la future équipe, ainsi que la révision du partage des portefeuilles dont il a récemment été question.
Mais il y a, surtout, la réunion, hier en soirée, entre des représentants du Hezbollah et les six députés concernés. Cette rencontre représente, selon certains observateurs, un signe de progrès significatif. Pendant longtemps, le parti de Hassan Nasrallah a affiché un soutien indéfectible aux sunnites antihaririens désireux d’intégrer le cabinet. La formation chiite a même été jusqu’à s’abstenir de remettre les noms de ses ministrables au Premier ministre désigné, avant d’assurer la représentation de la Rencontre consultative, le sous-groupe réunissant les six.
Outre la représentation des antihaririens, le positionnement politique de leur ministrable a longtemps constitué un obstacle qui entravait la genèse du cabinet. Et pour cause : dans une volonté, quoique implicite, de détenir le tiers de blocage au sein de la future équipe, le leader du CPL plaidait pour intégrer le ministre en question dans le lot du chef de l’État, Michel Aoun. Une éventualité que la Rencontre consultative a longtemps rejetée. À en croire certains médias, le chef de la diplomatie aurait enfin accepté de revenir sur cette demande afin de faciliter la tâche à M. Hariri. Ce sont là des « spéculations médiatiques » que les milieux de M. Bassil s’abstiennent de commenter. Ils se contentent de faire état, via L’Orient-Le Jour, d’un optimisme prudent quant à un proche dénouement heureux, à la lumière des « contacts sérieux actuellement en cours », selon les termes d’un proche de M. Bassil.
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Atmosphère « positive »
C’est ce même optimisme prudent que Saad Hariri (qui s’est entretenu autour d’un dîner hier soir avec le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, en présence de l’épouse de ce dernier, Nora, du député Waël Bou Faour, du ministre sortant de la Culture, Ghattas Khoury, et de l’ambassadeur d’Égypte, Nazih Naggari) avait affiché dans la journée d’hier, soit 24 heures avant l’expiration du délai d’une semaine qu’il s’était accordé pour trancher la question gouvernementale.
Mettant l’accent sur l’atmosphère « positive » des derniers contacts actuellement en cours, le Premier ministre désigné a souligné que la question ministérielle sera décidée cette semaine « que ce soit positivement ou négativement », sans pour autant donner des détails concernant les options auxquelles il pourrait recourir pour trancher en temps voulu.
Emboîtant naturellement le pas à M. Hariri, le bloc parlementaire du Futur s’est félicité du fait que « cette semaine soit considérée comme décisive, dans la mesure où il est temps de progresser vers une nouvelle phase que nous espérons couronnée par la mise sur pied du cabinet, pour que démarre le gouvernement après huit mois d’atermoiements », comme on peut lire dans un communiqué publié à l’issue de la réunion. « Le Premier ministre désigné s’est acquitté de toutes ses responsabilités politiques et constitutionnelles. Il a accompli son devoir afin de former un cabinet, arrondir les angles et rapprocher les points de vue pour aboutir à une mouture ministérielle conforme aux exigences de l’entente nationale pour faire face aux défis politiques, économiques et financiers », ajoute le texte qui souligne toutefois que ces efforts « se sont heurtés à des prises de position et des conditions qui ont empêché la formation du cabinet en temps voulu et exposé le pays au danger d’une longue vacance gouvernementale ».
(Lire aussi : Hariri ne se récusera pas, mais pourrait prendre des décisions courageuses d’ici la fin du mois)
Le CPL
À la faveur de l’optimisme qu’aussi bien les milieux de la Maison du Centre que ceux du leader du Courant patriotique libre se sont employés à distiller pendant plus d’une semaine, le bloc parlementaire dit Le Liban fort parrainé par le CPL a, lui aussi, espéré que l’équipe Hariri pourra voir le jour cette semaine, à la lumière, notamment, de « l’initiative du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, qui respecte les critères de la bonne représentation », comme le souligne un communiqué publié à l’issue de la réunion. Le Liban fort faisait ainsi allusion aux idées qu’avait proposées le leader du CPL en vue de sortir le processus gouvernemental de sa longue léthargie.
Mais les aounistes ne semblent plus cacher leur ras-le bol quant aux atermoiements qui entachent le processus. C’est dans ce cadre qu’il conviendrait de placer ces propos de César Abi Khalil, député du Chouf : « Si le gouvernement n’est pas mis sur pied cette semaine, nous aviserons la semaine prochaine, dans la mesure où nous serons sûrs qu’il y a des intentions de bloquer le processus à dessein. » Un peu plus tôt dans la journée, Eddy Maalouf, député du Metn, avait même déclaré, à la Voix du Liban 93,3, que si les tractations actuelles échouent, son parti optera pour d’autres éventualités, dont le recours à des manifestations.Il va sans dire qu’à travers cette escalade verbale, le CPL tente de répondre à ceux qui l’ont longtemps accusé de bloquer les tractations pour pouvoir s’emparer du tiers de blocage, soit onze ministres.
Quant à la Rencontre consultative sunnite, et avant la réunion avec le Hezbollah, elle avait exprimé, par la bouche de Fayçal Karamé, sa position traditionnelle. « La Rencontre consultative veut être représentée par un de ses membres, ou une des personnalités qu’elle avait nommées (Osman Majzoub, Hassan Mrad et Taha Nagi) », a-t-il déclaré à l’issue de sa rencontre avec le chef du législatif Nabih Berry. « Ce ministre représentera exclusivement la Rencontre au sein du cabinet. Il devrait prendre part à ses réunions et voter conformément à ses orientations », a-t-il ajouté, notant qu’il n’ « y a aucun problème à ce qu’il relève du lot du chef de l’État ». Cette solution semble devenir de plus en plus probable. Selon certains médias, les contacts menés hier auraient abouti à intégrer le ministre concerné à la quote-part du président Aoun. Il ne participera pas aux réunions de la Rencontre, mais votera conformément aux directives de M. Aoun dans les dossiers stratégiques.
En attendant la fumée blanche, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, s’est indigné hier, devant une délégation du Rassemblement de Saydet el-Jabal, du fait que les protagonistes retardent la mise sur pied du gouvernement pour des motifs liés à leurs intérêts particuliers.
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commentaires (13)
Pourquoi s'indigner de la présence de l'Ambassadeur d'Egypte Nazih Naggari ? Les temps ont changé. Abdel-Fattah al-Sissi n'est pas Jamal Abdel-Nasser et Nazih Naggari n'est pas l'interventionniste Abdel-Hamid Ghaleb. L'Union Syro-Egptiennne n'a vécu que ce que vivent les roses, l'espace d'un matin. Abdel-Hamid Ghaleb était chargé de diluer le Liban dans la République Arabe Unie, mais le patriotisme acharné et tenace de Camille Chamoun l'avait noyée dans les eaux du Barada en dépit de tout et de tous.
Un Libanais
17 h 48, le 30 janvier 2019