Depuis l’annonce spectaculaire du président américain de retirer ses troupes de Syrie, un vent de panique a soufflé sur les alliés des États-Unis dans la région. En dépit de toutes les analyses et justifications politiques et médiatiques, cette décision a été perçue comme une défaite pour les Américains et leur camp dans la région. C’est justement pour cette raison que le secrétaire d’État américain Michael Pompeo a décidé d’effectuer une tournée dans la région, tout en envoyant son adjoint pour les affaires politiques David Hale au Liban.
David Hale connaît d’ailleurs bien le Liban où il a été en poste en tant que chargé d’affaires à la fin de la guerre avant d’y être nommé ambassadeur de 2013 à 2015. Il sait donc adresser des messages précis aux Libanais à travers chacune de ses démarches. C’est ainsi qu’il a sciemment entamé sa visite à Beyrouth par une rencontre avec le leader druze Walid Joumblatt, lequel avait convié des cadres du PSP et des membres de la Rencontre démocratique à cet événement. Le message était ainsi clair : nous restons présents dans la région et Walid Joumblatt reste un de nos plus solides alliés. Cette visite est donc arrivée à point nommé pour rassurer les parties et personnalités proches des Américains qui avaient clamé haut et fort leur hostilité au régime syrien à partir de 2011 et qui craignaient, avec le probable retour en grâce du président Bachar el-Assad, de se retrouver dans son collimateur.
En plus de cette visite toute en symboles, David Hale a eu aussi une rencontre remarquée avec le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, auquel il a rendu visite dimanche dans son bureau. Là aussi, il s’agissait d’un message clair à tous ceux qui s’intéressent à la question sur le fait que le général Ibrahim est un interlocuteur agréé par les États-Unis. Les autres rencontres du secrétaire d’État adjoint étaient plus traditionnelles et officielles, notamment avec les responsables du pays : le chef de l’État, le président de la Chambre, le Premier ministre désigné et le ministre des Affaires étrangères.
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Selon des sources diplomatiques libanaises, David Hale a surtout voulu déclarer aux Libanais que le retrait américain de Syrie n’aura aucun impact sur le rôle des États-Unis au Liban, ainsi que sur leur influence. D’abord, et en dépit de certains pronostics, le responsable américain n’a évoqué aucune possibilité de remettre en question l’aide de son pays à l’armée libanaise. Pourtant, après la démission du secrétaire d’État américain à la Défense James Mathis, certaines parties libanaises avaient laissé entendre que l’aide américaine à l’armée pourrait être remise en question d’autant qu’elle ne fait pas l’unanimité au sein de l’administration américaine, puisque des personnalités comme John Bolton estimeraient qu’il est inutile d’aider l’armée libanaise si elle ne compte pas affronter le Hezbollah. Or, au cours de ses entretiens avec les différents responsables libanais, David Hale a bien sûr critiqué le Hezbollah et assuré que les États-Unis ne comptent pas baisser les bras devant cette formation considérée comme une organisation terroriste et comme principal instrument de la politique iranienne dans la région. Mais il n’a nullement parlé de la possibilité de réduire ou d’arrêter les programmes d’aide à l’armée libanaise.
De même, tout en réaffirmant la volonté de son pays de poursuivre la lutte contre l’Iran et ses alliés dans la région en cherchant à les affaiblir et à les isoler, le responsable américain n’a pas invité le Liban au sommet contre l’Iran que prépare l’administration américaine à Varsovie à la mi-février. Ce sommet qui devrait regrouper près d’une centaine de pays est destiné à adopter une stratégie globale et à unifier les efforts pour lutter contre l’influence iranienne dans la région. De nombreux pays y sont ainsi invités, en particulier des pays arabes comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Maroc et le Qatar, en plus des pays ayant déjà des relations officielles avec Israël, comme l’Égypte et la Jordanie. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est également invité à ce sommet qui devrait être la première rencontre entre les Arabes et les Israéliens pour discuter d’une stratégie commune contre l’Iran. Le responsable américain a donc tenu compte de la spécificité libanaise et il n’a pas abordé cette question avec ses interlocuteurs à Beyrouth. Dans la déclaration qu’il a faite après sa rencontre avec le Premier ministre désigné, David Hale s’est contenté de pousser le Liban à respecter les échéances économiques dans une allusion claire à la nécessité d’agir au plus vite, même s’il n’y a pas un nouveau gouvernement en fonction. Il a aussi précisé que si la formation du gouvernement regarde les Libanais et eux seuls, la nature du gouvernement concerne tous les pays qui traitent avec le Liban. Ce qui a été perçu par les milieux proches du Hezbollah comme une interférence directe dans les affaires internes libanaises à travers un message clair sur une volonté américaine de voir un nouveau gouvernement qui ressemble fort à l’actuel, c’est-à-dire dans lequel le Hezbollah n’aurait pas plus que ce qu’il a actuellement.
Mais cette allusion mise à part, les milieux proches des différents responsables libanais affirment que David Hale n’était pas porteur d’un message particulier au Liban, sa visite se voulant essentiellement une affirmation du maintien de l’influence des États-Unis dans ce pays, en dépit du retrait des soldats américains de Syrie.
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commentaires (5)
Tout va très bien Madame la marquise....
L’azuréen
22 h 50, le 16 janvier 2019