Les États-Unis sont plus que jamais déterminés à affronter l’hégémonie iranienne au Moyen-Orient afin d’éliminer l’influence de la République islamique et ses alliés, notamment le Hezbollah, dans la région. C’est ce message que le sous-secrétaire d’État américain pour les Affaires politiques David Hale a adressé aussi bien à la République islamique qu’au parti de Hassan Nasrallah depuis la tribune de la Maison du Centre.
La visite de M. Hale à Beyrouth ne peut naturellement pas être dissociée de son contexte régional et international particulièrement fiévreux. Elle intervient près d’un mois après la décision de Washington de retirer ses forces armées du territoire syrien. Elle coïncide aussi avec la tournée du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, dans la région afin d’assurer les pays arabes alliés de Washington du maintien de la stratégie militaire et politique US dans le monde arabe en dépit du retrait de Syrie.
La tournée revêt surtout son importance dans la mesure où elle intervient à l’heure où Israël poursuit l’opération Bouclier du Nord afin de détruire des tunnels que le Hezbollah aurait, selon lui, creusés dans la zone frontalière.
Perçus sous cet angle, les propos tenus par le diplomate américain à l’issue de son entretien avec le Premier ministre désigné Saad Hariri (en présence du ministre sortant de la Culture Ghattas Khoury) sont particulièrement importants. « Si l’État libanais a le droit de se défendre, il est inacceptable qu’une milice agisse en dehors du giron de l’État, à laquelle toutes les composantes du peuple libanais doivent demander des comptes, qui creuse des tunnels et qui accumule un arsenal de centaines de missiles pouvant être une menace pour la stabilité », a-t-il déclaré. Une allusion au Hezbollah, que le responsable américain a qualifié d’ « organisation terroriste ».
Se voulant encore plus clair, David Hale n’a pas mâché ses mots : « Nous poursuivons nos efforts visant à faire face aux agissements iraniens dans la région, dont le financement des organisations terroristes comme le Hezbollah. »
« Les États-Unis soutiennent les institutions officielles libanaises, comme l’armée et les forces de sécurité, pour protéger les frontières et préserver la sécurité intérieure du pays », a-t-il ajouté, insistant par ailleurs sur l’importance de la formation d’un nouveau gouvernement, un dossier suivi, selon lui, de près par la communauté internationale. À ce sujet, David Hale a été clair : « Le choix du gouvernement est un choix appartenant exclusivement aux Libanais. Mais le type du cabinet choisi nous concerne tous. D’autant que ce qui nous intéresse est un Liban stable et prospère. » Et d’ajouter : « Certaines réformes économiques cruciales reculent, à l’heure où l’économie nationale s’effondre sous l’effet de l’obscurantisme. Cela est à même d’exposer le pays à des dangers. »
« Nous encourageons le cabinet sortant à progresser, là où cela est possible, notamment en matière d’économie, afin d’éviter des dégâts supplémentaires et de préserver la confiance internationale », a conclu le diplomate américain.
(Lire aussi : Hale à Beyrouth pour le suivi des propos de Pompeo sur le Hezbollah)
Message à Hariri
Certains observateurs estiment que les propos de David Hale sont à même de mettre le Liban officiel au pied du mur. Et pour cause : la nouvelle stratégie US dans la région implique une confrontation entre la communauté internationale et le parti de Hassan Nasrallah, à l’heure où celui-ci fait partie des institutions politiques du pays et, bien entendu, du compromis politique élargi qui a donné le coup d’envoi au sexennat de Michel Aoun en 2016.
Sauf que dans les milieux proches du Premier ministre désigné Saad Hariri, on est soucieux de mettre les points sur les i : le courant du Futur est attaché à la stabilité (générée par l’entente de 2016), mais il est en contradiction avec le Hezbollah autour des questions souverainistes, comme le souligne à L’Orient-Le Jour Moustapha Allouche, membre du bureau politique de la formation haririenne. « Les Américains et les Russes convergent sur la nécessité d’écarter l’Iran du territoire syrien, une question de vie ou de mort pour le Hezbollah. Et David Hale est venu assurer aux responsables libanais que Washington ne fera pas marche arrière, les invitant par la même occasion à agir en conséquence en prenant de sages choix », explique encore M. Allouche, insistant sur l’importance de la politique de distanciation du Liban par rapport aux conflits régionaux.
De même, Farès Souhaid estime que la visite de David Hale à Beyrouth a confirmé que le Liban est, à n’en point douter, un des champs de bataille entre la République islamique et les États-Unis. Il vient s’ajouter à l’Irak, à la Syrie et au Yémen. Contacté par L’OLJ, M. Souhaid soulève des nuances politiques significatives. « Le fait que David Hale adresse ses messages depuis la Maison du Centre, et non du palais de Baabda, reflète un soutien à Saad Hariri face au Hezbollah qui continue d’entraver le processus de formation du gouvernement », explique M. Souhaid, qui souligne que « les propos de David Hale reflètent aussi le déséquilibre du compromis de 2016, dans la mesure où le maintien de celui-ci en dépit de la conjoncture régionale pourrait exposer le Liban à des dangers ».
Pour ce qui est du gouvernement, l’ancien député de Jbeil estime que l’appel implicite de M. Hale à la redynamisation du cabinet démissionnaire prouve que la genèse de la nouvelle équipe Hariri n’est pas pour demain. « Mais le diplomate américain a, en même temps, souligné que son pays est concerné par “ le type” du futur gouvernement. Une façon d’exhorter M. Hariri à ne pas céder aux desidérata du Hezbollah afin de le pousser à former un cabinet taillé à sa mesure », analyse le président de la Rencontre de Saydet el-Jabal.
C’est également sous l’angle de la formation de l’équipe ministérielle que les Forces libanaises interprètent les propos de David Hale. Selon un cadre du parti contacté par L’OLJ, il s’agit d’un appel à la formation d’un gouvernement dans les plus brefs délais afin de maintenir la stabilité du pays. « D’autant que la confrontation politique et militaire n’est dans l’intérêt de personne », souligne-t-il.
Les frontières
David Hale s’est rendu hier au palais de Baabda pour y rencontrer le chef de l’État. L’occasion pour le diplomate américain de lui exposer les objectifs de la tournée de Mike Pompeo dans la région et de réitérer le soutien de son pays au Liban dans tous les domaines.
Quant à M. Aoun, il a affirmé qu’« à chaque fois que les États-Unis soutiennent un processus de paix juste au Moyen-Orient, la situation au Liban se trouve détendue et le calme prévaut à sa frontière sud », ajoutant que le tracé de cette frontière avait été retardé. Saluant le soutien de Washington à l’armée libanaise, le chef de l’État a assuré que le Liban entend entreprendre des réformes économiques et financières, notamment à travers le renforcement des secteurs de production et la lutte contre la corruption.
M. Hale a ensuite été reçu par le ministre sortant des Affaires étrangères Gebran Bassil au palais Bustros. À l’heure où Israël poursuivait hier les travaux de construction d’un mur isolant dans la zone frontalière au Liban-Sud, M. Bassil affirmait à son interlocuteur que le Liban est attaché à l’intégralité de ses frontières et estime que les développements observés dans cette zone représentent une opportunité de conclure un accord, sous l’égide de l’ONU, à même de rendre au Liban ses droit et empêcher la détérioration de la situation. Cette même question a été évoquée avec le président de la Chambre Nabih Berry, que M. Hale a rencontré à Aïn el-Tiné. L’occasion pour M. Berry de souligner l’importance d’une solution politique en Syrie.
Notons enfin que M. Hale a rencontré l’ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban, Walid Boukhari, et a pris part à un dîner donné au domicile de Michel Moawad, député de Zghorta, en présence de représentants de blocs politiques, dont celui d’Amal.
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Une milice qui agit en dehors de l’influence de l’état est une histoire impossible à résoudre . La seule issue c’est la résurgence de l’etat sur tout le territoire national... voilà ce qu’il veut dire . Et c’est d’une logique implacable !
21 h 55, le 15 janvier 2019