À Ersal, un camp de réfugiés syriens entièrement recouvert par la neige. Photo tirée du compte Twitter de Aly al-Amine
La tempête Norma, qui sévit depuis dimanche et qui doit régresser à partir de cet après-midi selon le service de météorologie à l’aéroport de Beyrouth, a été durement ressentie dans les camps de réfugiés syriens répartis sur l’ensemble du territoire, où de nombreux dégâts ont été recensés du fait des conditions précaires dans lesquelles vivent ces populations.
Le bilan du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) est lourd dans ce sens. Selon ce document publié hier, près de 850 camps informels accueillant 50 000 réfugiés sont menacés par les inondations. Des centaines de réfugiés ont déjà été relocalisés dans le Nord et dans la Békaa, selon le HCR.
Vingt-deux camps au Liban-Nord et au Akkar ont été affectés par la pluie diluvienne, dont quatre qui ont été entièrement noyés. De plus, soixante-dix-sept tentes ont été détruites. Selon la Croix-Rouge libanaise (CRL), les camps de Semmaqiyé et de Hekr el-Daheri ont été les plus touchés, notamment par l’inondation du fleuve al-Kabir. Hier, les secouristes de la CRL ont transporté 325 personnes du camp de Semmaqiyé vers une maison de la localité et 150 du camp de Hekr el-Daheri vers le centre du village. Quelque 150 autres personnes ont été transférées dans une salle universitaire de Semmaqiyé et 35 autres dans la salle municipale du village. Près de 1 050 sacs de pain leur ont été distribués.
Lundi, les secouristes de la CRL sont venus en aide à 500 personnes de ces deux camps qui ont été transférées dans les écoles publiques des villages. Des matelas et des couvertures leur ont été distribués.À Jbeil, des membres de la Défense civile sont venus en aide à onze réfugiés, au nombre desquels une femme enceinte et sept enfants, bloqués dans leurs habitations par les eaux débordant du fleuve al-Fidar. Les secouristes ont dû pénétrer dans la forêt pour atteindre la maison des deux familles. Ils les ont transportés chez des parents à eux, à Nahr Ibrahim.
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Scènes de désolation dans la Békaa
Dans la Békaa, Baalbeck et Hermel, le paysage est tout aussi désolant. Contacté par L’Orient-Le Jour, le président du conseil municipal de Ersal, Bassel Hojeiri, explique que quarante tentes ont été entièrement détruites par la neige et que le conseil municipal a assuré des tentes alternatives aux réfugiés. Selon lui, les réfugiés manquent surtout « de produits alimentaires et de mazout pour se réchauffer ». Il explique dans ce cadre que « le HCR avait distribué à chaque famille 400 dollars pour se procurer du mazout ». Il semblerait toutefois que « d’aucuns ont fait mal leur calcul et dépensé l’argent à d’autres fins », se désole M. Hojeiri. Il note que le conseil municipal répond aux cas les plus urgents. « Nous n’avons pas les moyens d’assurer du mazout à tout le monde, insiste-t-il. Nous avons des cas sociaux parmi des Libanais et des Syriens que nous essayons d’aider, mais nous ne pouvons pas le faire avec tout le monde, sachant que Ersal compte près de 5 700 tentes réparties sur 126 camps. »
À Macharih el-Qaa, plusieurs tentes ont été noyées par l’eau. Des secouristes de la CRL sont venus en aide aux sinistrés.
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Dans la Békaa également, une initiative a vu le jour sur Facebook pour venir en aide aux réfugiés syriens sinistrés. Baptisée « Halla’ tzakartouna ? », littéralement « c’est maintenant que vous vous souvenez de nous ? », elle est déjà venue en aide à des centaines de réfugiés, en collaboration avec plusieurs associations locales, comme le signale à L’OLJ Mounza el-Zouhouri, l’une des coordinateurs de la campagne.
Les mêmes images se répètent dans les camps des réfugiés à Beyrouth et du Mont-Liban, où, selon le rapport du HCR, quatre-vingt-onze camps sur les 169 souffrent de graves fuites d’eau et quatre-vingt-dix-neuf ont besoin de kits d’étanchéité. Par ailleurs, trois camps se sont effondrés et cinq autres ont été entièrement noyés par les eaux de pluie et nécessitent une intervention urgente. Au Liban-Sud, les dégâts étaient moindres, selon le rapport.
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Menacés…
La question qui se pose à ce niveau est celle de savoir pourquoi des mesures préventives n’ont pas été prises en amont et que les réfugiés n’ont pas été transférés dans des endroits sûrs, d’autant qu’il était connu qu’une tempête aussi dévastatrice allait sévir. Lisa Abou Khaled, porte-parole du HCR au Liban, affirme à L’OLJ que l’agence onusienne « a commencé dès le mois de novembre à prendre les mesures nécessaires pour permettre aux réfugiés syriens de survivre à la saison froide, d’autant qu’ils vivent dans une situation précaire et que les besoins augmentent en hiver ».
Mme Abou Khaled explique ainsi que « 166 000 familles reçoivent 75 dollars supplémentaires par mois et pour une durée de cinq mois, en guise de contribution pour subvenir à des besoins urgents, comme l’achat de médicaments ou de mazout ». « Bien sûr, il s’agit d’une somme modique, mais elle contribue à couvrir les besoins basiques les plus urgents », affirme-t-elle, soulignant que « même quand nous sommes limités par le budget, nous accordons une priorité à ce programme d’aide en hiver ».
De plus, tout au long de l’année, le HCR distribue aux réfugiés qui vivent dans des conditions déplorables – y compris les tentes – des toiles en plastique et des planches en bois pour renforcer leurs tentes. « Tout au long de l’année, nous assurons 175 dollars par mois à 30 000 familles de réfugiés qui sont les plus nécessiteuses », souligne Lisa Abou Khaled.
Interrogé sur le manque de mesures préventives pour protéger les réfugiés, le ministre d’État sortant pour les Affaires des réfugiés, Mouïn Merhebi, explique de son côté à L’OLJ que son ministère n’a pas de rôle exécutif. Son rôle se limite à la mise en place de stratégies. C’est au ministère des Affaires sociales qu’incombe cette responsabilité, a-t-il précisé, assurant que le ministre sortant, Pierre Bou Assi, n’a pas épargné un effort pour venir en aide aux réfugiés.
M. Merhebi souligne en outre qu’il est souvent impossible de suivre de près la situation dans tous les camps informels qui sont établis dans les différentes régions et qui sont souvent transférés à d’autres régions sans prévenir les autorités locales ou officielles. « Par ailleurs, les propriétaires des terrains loués aux réfugiés syriens exercent souvent une pression sur eux pour les empêcher de quitter les lieux, par peur de perdre le loyer, observe-t-il. Tel a été le cas des réfugiés établis sur les lots 40 et 34 au camp de Haouch el-Harimé (Békaa-Ouest). Le propriétaire les a empêchés de quitter les lieux sous le coup de la menace. Et lorsque les eaux ont inondé les lieux, il a sollicité de l’aide. Hier, des équipes du ministère des Affaires sociales ont transféré les réfugiés dans un camp de Bar Élias. Dans d’autres camps, les réfugiés refusaient de quitter les lieux malgré l’insistance des équipes du ministère des Affaires sociales et du HCR. »
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Au risque de paraître sans coeur, il est grand temps que ces réfugiés rentrent chez eux. Le Liban entier se noie et nous devons nous concentrer sur le sauvetage du pays. Il n'y a plus de guerre dans la majeure partie de la Syrie et plus de raison pour eux de rester. La charge sur l'infrastructure et l'économie du pays est juste trop lourde.
00 h 12, le 10 janvier 2019