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Plaidoyer pour Norma

Les Incas avaient des palais incrustés d’or et de paille : emblème de bien des gouvernements

(Voltaire)

Au diable ce gouvernement qui n’en finit pas d’être formé, au diable aussi la crise socio-économique, les retombées du conflit de Syrie, les frasques de Donald Trump et tous les autres enchantements qui faisaient l’actualité. Place donc à la frigorifiante dame Norma, la tempête portant d’ailleurs un prénom résolument nordique et qui n’a cessé, ces derniers jours, de sévir sur nos villes et nos campagnes. D’occuper, par conséquent, toutes nos pensées.

Nul pays au monde, même le mieux équipé pour y faire face, n’est certes à l’abri des furies de la nature. Mais qu’en serait-il d’un Liban littéralement, proverbialement ouvert à tous les vents et où la notion de services publics n’est plus qu’un souvenir ?


Une maison aux nombreuses demeures : c’est sous ce titre saisissant que Kamal Salibi développait une magistrale histoire du Liban moderne, s’attachant à souligner l’origine des clivages internes ainsi que les liens entre groupes locaux et acteurs régionaux ou internationaux. Maison sans toit protecteur, sans paratonnerre, sans gouttières, ne manquerait-il pas de renchérir aujourd’hui au spectacle d’une tempête qui ne fait après tout que mettre à nu une déglingue bien installée, solidement ancrée, qui n’avait pas attendu la venue de Norma pour empoisonner nos existences. S’il était encore en vie, peut-être même le vénérable historien eût-il évoqué le conte des trois petits cochons dont le premier s’était fabriqué une maison de paille, promptement volatilisée d’un seul souffle par le grand méchant loup.


Le malheur, c’est que du fait de la négligence, de l’imprévision et de la corruption, la paille est partout, dans toutes nos administrations et jusque dans nos édifices politiques. Près de trois décennies (et des milliards de dollars !) après la fin de la guerre, le Liban ne s’est pas encore doté d’un réseau électrique, même embryonnaire, les responsables préférant s’en remettre à des solutions de fortune sans évidemment oublier de se sucrer au passage. C’est pourtant aux éléments déchaînés que l’on impute maintenant les coupures d’un courant qui, de toute manière, ne courait guère que par ratés. Idem pour ces routes libanaises revêtues de mauvais asphalte, rapiécées n’importe comment, criblées de nids de poule, parsemées de bouches d’égout béantes, aux canaux d’écoulement bouchés par les détritus de toute sorte… et inondées bon an mal an, Norma ou pas. Spectaculaires étaient hier les scènes de voitures noyées en pleine autoroute et de citoyens pataugeant dans l’eau jusqu’à la ceinture ; mais ce n’est jamais là que du déjà-vu. Pire, du familier, que l’on reverra sûrement encore …


Il faut bien admettre que cette folle furieuse de Norma a eu la main lourde. Mais que l’on cesse enfin de chercher dans ses débordements une excuse pour toutes les carences, tous les abandons.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

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