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À La Une - Syrie

Coupe d'Asie : l'équipe syrienne veut redonner de la joie, malgré les divisions

"Celui qui dit que la politique n'a rien à voir avec le sport se fait des illusions", assène un habitant de la ville d'Azaz, tenue par des rebelles dans le Nord syrien.

Des joueurs de l'équipe nationale de football de Syrie fêtant leur victoire contre l'Iran lors des matches de qualification pour la Coupe du Monde 2018, au Stade Azadi de Téhéran, le 5 septembre 2017. Photo d'archive AFP / ATTA KENARE

Qualifiée pour la Coupe d'Asie des nations, la Syrie s'offre pour la première fois en près de huit ans de guerre, une participation à une compétition internationale. Mais avec le conflit, les divisions perdurent chez les mordus de foot.

Les "Aigles de Qassioun" vont disputer dimanche leur premier match aux Emirats arabes unis dans le cadre de cette coupe qui s'ouvre samedi à Abou Dhabi. Leur dernière participation à la Coupe d'Asie remonte à janvier 2011, quelques mois seulement avant le déclenchement de la guerre.

L'événement est d'autant plus symbolique que pour le Mondial-2018, le rêve d'une qualification avait été raté de peu, la sélection nationale n'ayant pas réussi à dépasser les éliminatoires.

"Les pressions et les souffrances de la guerre ont eu un impact positif sur notre mental : nous sommes déterminés à apporter de la joie aux Syriens qui en ont besoin", confie à l'AFP Mouayad Ajan, qui fait partie de la sélection pour la Coupe d'Asie. "Notre qualification est une victoire pour tout le monde", se réjouit le joueur évoluant avec le club jordanien Al-Jazeera.

Dans un pays où le conflit a fait plus de 360.000 morts et laissé en ruine des villes et des localités entières, l'équipe ne peut pas accueillir des matchs internationaux à domicile. Mais sa participation aux événements sportifs à l'étranger est toujours suivie avec passion.

(Lire aussi : Tout ce qu’il faut savoir sur la Coupe d’Asie des nations)



"On danse, on pleure" 
"On a eu beaucoup de tristesse tout au long de la guerre. On veut profiter de chaque instant de joie", justifie Maria Baroud, jeune vendeuse dans une boutique de vêtements à Damas. La jeune femme a acheté le maillot de l'équipe nationale et se tient désormais toujours informée du calendrier des matchs. "Je n'aurais jamais cru qu'un jour viendrait où je connaîtrais par cœur le nom des joueurs", s'amuse-t-elle. "Pour moi ce n'est plus juste un sport machiste et dur, c'est une question de patriotisme", poursuit la jeune femme. "On danse quand l'équipe gagne, on est triste et on pleure quand on perd".

L'édition 2019 de la Coupe d'Asie propose une participation élargie : pour la première fois, 24 équipes prendront part à la compétition, contre 16 habituellement.

Dimanche, les "Aigles de Qassioun" joueront contre un adversaire qui connaît bien les affres de la guerre : l'équipe palestinienne. Ils vont aussi affronter l'Australie, détentrice du titre de championne d'Asie. Un match symbolique, puisque les Syriens avaient raté les éliminatoires du Mondial-2018 après leur défaite face à l'équipe des Socceroos.

Peu après le début du conflit, les compétitions sportives ont été interrompues en Syrie, avant de reprendre timidement dans les zones gouvernementales épargnées par les combats, comme la capitale Damas. Elles ont aujourd'hui fait leur retour dans des bastions rebelles reconquis par le pouvoir, à l'instar de Homs, dans le centre, ou encore Alep, deuxième ville du pays.

A l'occasion des derniers entraînements de l'équipe fin décembre avant son envol pour les Emirats, un grand public avait afflué dans un stade de Damas. Ils étaient des milliers à scander des slogans d'encouragement, tirant des fumigènes et brandissant leur téléphone portable pour filmer. Dominant les gradins, deux portraits du clan Assad. l'ancien président Hafez al-Assad, et son fils qui lui a succédé, Bachar.


(Pour mémoire : Quand les déplacés syriens surmontent l'amertume de l'exode par le football)


Equipe du régime ?
Une scène qui symbolise peut-être les divisions encore suscitées par le foot, dans la Syrie morcelée par la guerre. Car pour des habitants des territoires rebelles, l'équipe représente uniquement le pouvoir de Damas.

"Celui qui dit que la politique n'a rien à voir avec le sport se fait des illusions", assène Rami Mohamed, un habitant de la ville d'Azaz, tenue par des rebelles dans le Nord syrien. "Tous les joueurs de la sélection ont chanté les louanges du régime criminel. Comment je peux soutenir une équipe qui soutient un assassin ?", ajoute-t-il. "Cette équipe ne me représente pas".

En octobre 2017, après les éliminatoires de la Coupe du monde, le président Assad avait reçu l'équipe nationale, signant leur maillot et posant pour une photo souvenir. Et aux premières heures du conflit, certains joueurs avaient été éloignés pour des motifs politiques, à l'instar de Firas al-Khatib. Redevenu capitaine de l'équipe, il ne participera toutefois pas à la Coupe d'Asie en raison d'une blessure.

Aujourd'hui, l'équipe fait front uni et évite soigneusement de mêler sport et politique.

Mohamed Barafi a déjà décidé de prendre une journée de congé dimanche pour rester chez lui regarder le match. "La sélection actuelle est la meilleure qu'on a jamais connue en Syrie", s'enthousiasme le jeune homme de 24 ans. "Elle est née en temps de crise. C'est l'équipe de la guerre", poursuit cet employé d'une entreprise informatique. Pour lui, les joueurs "ont une grande responsabilité. Celle de rendre les gens heureux".



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Qualifiée pour la Coupe d'Asie des nations, la Syrie s'offre pour la première fois en près de huit ans de guerre, une participation à une compétition internationale. Mais avec le conflit, les divisions perdurent chez les mordus de foot.
Les "Aigles de Qassioun" vont disputer dimanche leur premier match aux Emirats arabes unis dans le cadre de cette coupe qui s'ouvre samedi à Abou Dhabi....

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