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À La Une - Syrie

Quand les déplacés syriens surmontent l'amertume de l'exode par le football

"Il y a ceux qui sont morts, ceux qui sont restés dans les régions sous contrôle du régime et ceux qui sont partis. Aucune équipe (de foot) n'est complète". 

De jeunes syriens de Madaya se préparent pour jouer un match de foot, à Idleb, le 7 août 2018. AFP / OMAR HAJ KADOUR

 Sur un terrain de foot près d'un champ d'oliviers, Zakaria Abdelwahab galope derrière le ballon. Il veut marquer un but en hommage à sa ville natale qu'il a dû quitter en raison de la guerre civile en Syrie. Le jeune homme de 29 ans vivait avec sa femme et son fils à Madaya, près de Damas, dans une maison entourée d'arbres fruitiers. Il faisait partie des combattants rebelles s'opposant au régime du président syrien Bachar el-Assad.

Mais quand ce dernier a repris Madaya ainsi que d'autres régions insurgées, des dizaines de milliers de rebelles et leurs familles ont été transférés vers la province d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, loin de leurs foyers. Pour tenter de leur faire oublier la douleur de l'exode et stimuler les liens entre ces déracinés, un tournoi de foot a été lancé début août.

"Je participe à cette initiative pour me détendre, mais aussi pour rencontrer d'autres Syriens ayant quitté" leur ville ou village natal, explique Zakaria. "On veut aussi mieux connaître les gens d'Idleb", ajoute le jeune homme à la silhouette fine, vêtu d'un tee-shirt gris aux couleurs de son équipe et d'une casquette noire.

Les déplacés sont répartis dans des équipes représentant leur localité d'origine. Des joueurs natifs d'Idleb participent également à la compétition. Chaque équipe compte six joueurs dont un gardien de but. "Aujourd'hui, on a joué contre l'équipe de l'ONG Banafsij d'Idleb et on a méchamment perdu: quelque chose comme 14-3", raconte Zakaria, amusé malgré tout. La province d'Idleb, frontalière de la Turquie, compte 2,5 millions d'habitants, dont près de la moitié sont des déplacés, venus d'anciens bastions insurgés tombés aux mains du régime.


(Lire aussi : En Syrie, le football redonne goût à la vie à des amputés de guerre)


"Aucune équipe complète"

Comme Zakaria et sa famille, nombre d'entre eux ont vécu des moments très durs en raison du siège imposé par le régime à leur localité pendant plusieurs années. "Nous avons été assiégés jusqu'à la mort", raconte Zakaria qui avait fait défection de l'armée syrienne pour rejoindre les rebelles.

La guerre en Syrie a débuté en 2011 après la répression dans le sang par le régime de manifestations réclamant des réformes démocratiques dans ce pays dirigé d'une main de fer par la famille Assad depuis des décennies. A Madaya, la ville de Zakaria, des dizaines de personnes sont mortes de faim durant les années de siège.

En plus des sièges asphyxiants, le régime et son allié russe ont intensifié les bombardements sur les zones rebelles obligeant les insurgés à conclure des accords de reddition et à quitter leurs bastions en direction d'Idleb. Des ONG de défense des droits de l'Homme ont dénoncé ces transferts de population. Le régime contrôle désormais près des deux-tiers de la Syrie.

A Idleb, Zakaria vit avec difficulté. Comme il continue de faire partie d'un groupe rebelle, il touche de temps en temps une allocation de 40 à 50 euros, mais elle lui permet à peine de payer son loyer et les factures d'eau et d'électricité. Il se souvient parfois des matches disputés dans la cour d'une école avec ses amis à Madaya, en amateur. L'équipe a maintenant éclaté comme beaucoup dans un pays où la guerre a fait plus de 350.000 morts. "Il y a ceux qui sont morts, ceux qui sont restés dans les régions sous contrôle du régime et ceux qui sont partis. Aucune équipe (de foot) n'est complète", lâche-t-il.


"On est heureux"

Mohamed Nasser était lui entraîneur dans un orphelinat près de Damas avant d'être forcé à quitter sa région. Ce mordu de sport, âgé de 29 ans et originaire du Qalamoun occidental, veut atteindre la finale du tournoi, prévue le 25 août.

Vêtu d'un maillot orange, la couleur de son équipe, il dit prendre part à cette compétition pour adoucir l'amertume de l'exil. "Tu peux rencontrer des gens de Daraya, de la Ghouta orientale ou du Qalamoun" (régions proches de Damas), se réjouit le jeune homme au teint mat et à l'allure athlétique. "L'être humain a besoin d'avoir un sentiment d'appartenance", ajoute-t-il. La province d'Idleb est désormais dans le viseur du régime syrien.

Alors ce tournoi de foot représente aussi un geste de défiance face au président Assad. "S'il voit nos visages, il verra qu'il ne peut pas nous vaincre", lâche M. Nasser. "Malgré les bombardements, les morts et les destructions, on continue de vivre notre vie et on est heureux".



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 Sur un terrain de foot près d'un champ d'oliviers, Zakaria Abdelwahab galope derrière le ballon. Il veut marquer un but en hommage à sa ville natale qu'il a dû quitter en raison de la guerre civile en Syrie. Le jeune homme de 29 ans vivait avec sa femme et son fils à Madaya, près de Damas, dans une maison entourée d'arbres fruitiers. Il faisait partie des combattants rebelles...

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