Pour reprendre le mot d’un responsable politique qui a de l’humour, « le Bassil nouveau est arrivé ! » (en référence au beaujolais nouveau). Le cru de cette année semble même meilleur que les précédents, marqué par un mélange de maturité et de sagesse. Accusé il y a quelques semaines encore d’entraver la formation du gouvernement, le ministre sotrant des Affaires étrangères multiplie désormais les rencontres pour tenter de défaire « le nœud sunnite », se posant en médiateur pour la bonne cause.
Gebran Bassil, que l’on avait l’habitude de voir toujours au cœur d’une polémique – qu’il l’ait provoquée ou subie –, a ainsi revêtu l’habit du conciliateur bienveillant, soldat infatigable et discret au service de l’entente interne. L’homme qui défrayait la chronique par ses déclarations en flèche, toujours prêt à l’attaque et toujours sur la défensive, a surpris les milieux politiques par son nouveau rôle. Et le plus étonnant, c’est que de l’avis de ceux qui le critiquaient, il le joue à la perfection. Certes, avec son franc-parler habituel, le chef des Marada Sleiman Frangié continue de lui faire assumer la responsabilité du froid qui s’est installé entre lui et le CPL, et même avec le président de la République. Il a été suivi en cela par le chef des Forces libanaises Samir Geagea qui, depuis son projet de rapprochement avec les Marada, déclare à son tour que le problème n’est pas avec le président de la République mais bien avec le ministre Bassil, qui serait ainsi responsable de la pause dans l’application de « l’entente de Meerab ». Mais les deux leaders chrétiens sont désormais les seuls à dire cela, les autres composantes politiques se déclarant satisfaites du nouveau rôle de Bassil. Même le président de la Chambre, qui était pourtant l’un de ses plus féroces détracteurs – le contentieux entre les deux hommes étant long et fourni –, affirme aujourd’hui dans ses rencontres privées qu’il apprécie le sérieux et le dévouement de Gebran Bassil dans sa volonté de trouver des solutions acceptables pour tous et respectueuses des spécificités de chacun.
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D’ailleurs, le fait même que le ministre sortant des Affaires étrangères ait choisi d’entamer sa mission de médiateur pour tenter de défaire « le nœud sunnite » par une rencontre de près de 45 minutes avec le président de la Chambre en marge de la séance plénière du Parlement, lundi, est déjà le signe d’un changement dans son attitude, après des mois, voire des années de tiraillements entre les deux hommes au sujet de plusieurs dossiers, dont l’électricité, le ministère des Affaires étrangères et le pétrole.
À travers cette rencontre, Gebran Bassil a en quelque sorte sollicité l’aide de Nabih Berry pour tenter de trouver des solutions. Ce qui leur a permis de renouer leurs relations et d’établir un climat de coopération, loin des dossiers conflictuels. Le rapprochement avec le président Berry est sans doute le plus grand défi relevé par le ministre Bassil, car leur relation était la plus complexe. À partir de là, il lui a été facile d’entreprendre des contacts avec le Premier ministre désigné, d’un côté, et avec les députés sunnites de « la rencontre consultative », de l’autre. Il a aussi eu un entretien prolongé avec le secrétaire général du Hezbollah. Certains ont rapporté que la rencontre entre Hassan Nasrallah et Gebran Bassil a été houleuse, mais des sources proches des deux camps affirment plutôt qu’elle était franche et profonde et qu’elle jette les bases d’une coopération pour l’étape future. De même, le ministre a renoué avec le leader druze Walid Joumblatt et jeté les bases d’une entente avec son fils, le député Taymour.
En quelques jours donc, Gebran Bassil, que certains accusaient de ne pouvoir s’entendre avec personne et même de créer des animosités au président de la République, est devenu un interlocuteur incontournable et précieux, patient et à l’écoute des autres, soucieux de rapprocher les points de vue et de trouver des solutions. De « faiseur de problèmes », il est devenu en dix jours celui qui non seulement peut contribuer à la solution, mais qui est aussi sollicité pour cela. Lui que l’on critiquait parce qu’il était toujours pressé se prête désormais à la lenteur des négociations et écoute attentivement les doléances des uns et des autres, soucieux de faire en sorte que les communautés soient apaisées et satisfaites pour consolider la stabilité interne.
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Cette médiation résume en réalité la théorie de Gebran Bassil sur le fait que les communautés doivent être représentées équitablement pour éviter les exclusions et les injustices qui provoquent la frustration, et plus tard l’extrémisme. C’est à ce titre qu’avec les autres partisans du général Aoun, il avait milité pour son élection à la présidence en tant que personnalité de premier plan chez les chrétiens, et il cherche aujourd’hui à ce que les autres composantes soient aussi représentées équitablement au sein du gouvernement. Après ses différents entretiens, il reste optimiste tout en reconnaissant, selon ses proches, que la mission est difficile. Surtout parce que les deux parties (le Premier ministre désigné et les six députés sunnites) ont trop haussé le ton pour pouvoir reculer facilement, et ensuite parce que la situation générale du pays et de la région est compliquée et pousse certaines parties à préférer attendre pour ne pas faire de faux pas. Selon ses proches, la solution devrait reposer sur des concessions réciproques, et il précise qu’il n’abandonnera pas la partie, restant convaincu qu’au final le gouvernement sera formé et qu’il sera le plus équitable possible...
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commentaires (11)
Pourquoi nos excellents politiques concernés, soucieux comme jamais depuis 6 mois pour l'avenir du pays, ne se réunissent pas en séminaire le temps qu'il faut pour finaliser la césarienne. Le paragraphe qui comme commence par" cette médiation" et qui explique LA théorie du soutien du gendre est à mourir de rire. Merci beaucoup, très amusant vraiment.
Shou fi
22 h 21, le 17 novembre 2018