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À La Une - Liban

Les députés votent enfin la loi sur les disparus : "C'est l'issue d'un très long combat"

Les parlementaires ont accepté de relever le plafond des transferts à EDL afin de payer près de 100 000 tonnes de fuel commandé par l’établissement à son fournisseur algérien Sonatrach pour assurer les besoin du pays jusqu’à la fin de l’année.

Le président du Parlement Nabih Berry présidant la séance législative, lundi 12 novembre 2018. Photo tirée du compte Flicker du Parlement

Les députés libanais, réunis en séance parlementaire consacrée à la législation "de nécessité", en l'absence de gouvernement, ont voté lundi soir la proposition de loi sur les personnes victimes de disparition forcée, en présence du Premier ministre désigné, Saad Hariri, rentré dans la nuit de Paris où il est demeuré une dizaine de jours, alors que la formation du gouvernement semble bloquée.

La proposition de loi sur les personnes victimes de disparition forcée comprend trois volets principaux : la création d’une instance nationale qui sera chargée de régler la question des disparus ; la garantie des droits fondamentaux des familles des disparus (accès à l’information, à la protection…) et les procédures à appliquer pour l’exhumation des dépouilles. Cette proposition de loi a été voté après de longs débats au cours desquels certains députés ont réclamé que le texte soit renvoyé en commission. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a soumis ce renvoi au vote, mais une majorité d'élus a voté contre. Le texte a ensuite été voté article par article et des applaudissements ont retenti dans l'hémicycle après son adoption.

"Je suis ému parce que c'est l'issue d'un très long combat. Ce n'est que justice que cette loi soit enfin votée", a réagi l'ancien député Ghassan Moukheiber contacté par l'OLJ. La proposition de loi est une fusion de deux textes, l’un présenté par Hikmat Dib, député du bloc Aoun, et l’autre par Ziad Kadri, ex-député du groupe parlementaire du Futur, et M. Moukheiber, ex-député du bloc aouniste. "Ce soir, je sens l'absence présente de Ghazi Aad (porte-parole décédé de Solide – Soutien aux Libanais en détention et en exil) et de toutes les mères qui ont quitté ce monde avant que cette loi ne soit votée. Ce n'est qu'un début pour le dénouement du dossier", a-t-il ajouté. "Je pense également à Wadad Halaouani (présidente du Comité des familles des disparus et kidnappés au Liban) et tous les efforts qu'elle a déployés dans ce cadre", a-t-il poursuivi.

"Avec le vote de ce texte, le Liban entre, pour la première fois depuis la fin de la guerre civile, dans l'étape de la véritable réconciliation en pansant les plaies et en donnant aux parents (des disparus) le droit de savoir. La page de la guerre se referme sur la vérité et la réconciliation", a de son côté écrit sur Twitter le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, ardent soutien de cette loi. "Sans Ghazi Aad, cette loi n'aura pas vu le jour. Nous la lui dédions", a-t-il ajouté.



EDL
Lors de cette séance, les parlementaires doivent au total examiner une quarantaine de projets et propositions, concernant notamment le secteur de l’électricité, l’un des talons d’Achille de l’économie du pays tant au niveau de ses carences en tant qu’infrastructure que de son poids sur les finances publiques. 

Lundi, les parlementaires ont notamment accepté de relever le plafond des transferts à Electricité du Liban fixé à l’article 13 du budget pour 2018 afin de payer près de 100 000 tonnes de fuel commandé par l’établissement à son fournisseur algérien Sonatrach pour assurer les besoin du pays jusqu’à la fin de l’année. Le nouveau plafond, qui s’élève à 2 724 milliards de livres (1,8 milliard de dollars), contre 2100 milliards (1,4 milliard de dollars) avant le vote, doit ainsi permettre d’absorber les plus de 425 millions de dollars que le ministère de l’Energie avait initialement demandé à celui des Finances de débloquer, via la procédure prévue à l’article 85 de la Constitution et relative aux dépenses d’urgence. Une requête que le ministre sortant des Finances, Ali Hassan Khalil, avait refusée, estimant le montant trop important pour éviter un vote préalable du Parlement. La livraison du fioul avait alors été bloquée plusieurs jours entre fin octobre et début novembre avant que Sonatrach n’accepte d’en livrer une partie, suite à des négociations entreprises notamment par le Premier ministre désigné, Saad Hariri.



EDZ
Sur le dossier Electricité de Zahlé (EDZ), les députés ont voté dans la soirée un projet de loi présenté en dehors de l'ordre du jour  par le ministre sortant de l'Energie et de l'Eau, César Abi Khalil, qui consiste à permettre à EDL de signer un contrat d'opérateur avec EDZ et de réduire les tarifs, à l'issue d'un vif débat. "L’Etat a recouvré ses droits sur certains régimes d'exception sur plusieurs plans et à Zahlé, l’Etat veut recouvrer son droit conformément à l'article 4 de la loi sur l'électricité (...) Contrairement à ce que peut penser l'opinion publique, il y a des générateurs privés à Zahlé qui contribuent à l'alimentation de la ville 24 heures sur 24 et qui utilisent le réseau d’EDL", a expliqué le ministre.

Le projet de loi concernant la prolongation de deux ans de la concession détenue par EDZ depuis 1923, et qui expire à la fin de l’année, inscrit initialement à l'ordre du jour, a donc été écarté des discussions après avoir fait un vif débat.

Avant le vote de la proposition de M. Abi Khalil, une réunion a été improvisée hors de l'hémicycle entre le ministre, le n°2 des Forces libanaises, le député Georges Adwan, le chef des Kataëb, Samy Gemayel, ainsi que les députés de Zahlé Georges Okaïs (FL), Michel Daher (bloc Liban fort" et Assem Araji (Futur). 

EDZ a renoncé dans les années 1960 à sa prérogative de production en faveur du monopole d’EDL, tout en conservant son droit de gérer la distribution à Zahlé et à 16 localités voisines. Mais face aux carences de l’établissement public, EDZ a recommencé à produire du courant en 2015 en louant des générateurs industriels et à le distribuer à ses abonnés pendant les coupures d’EDL. S’étant de facto substituée aux propriétaires de générateurs de la région, EDZ facture depuis la consommation réelle de ses usagers à un tarif médian calculé en fonction de ses propres coûts de production et des tarifs de l’établissement public (fixés par la loi), au prorata des heures de fourniture de chacune des deux sources. Ce système permet à la société de pratiquer des prix plus compétitifs que ceux des propriétaires de générateurs. Les habitants de Zahlé sont globalement satisfaits de cette solution et sont nombreux à être favorables à une prolongation de la concession jusqu’à ce qu’EDL produise assez de courant pour tout le pays, alors que le ministère de l’Energie souhaite voir EDZ revenir dans le giron de l’établissement public en 2019. Plus tôt dans la journée, des habitants de Zahlé, 10.000 personnes selon une source de L'Orient-Le Jour citant la Sécurité de l’État, avaient d'ailleurs tenu un sit-in devant le siège d'EDZ pour réclamer l'adoption de cette loi, qui permettrait à EDZ de continuer à bénéficier de la concession.



Photo D.R.



Quatre lois sur la santé
Par ailleurs, l'examen du "projet de loi visant à permettre au secteur privé de construire des usines de traitement des déchets solides et de les transformer en énergie électrique, pour la vendre à EDL a été reporté. Ce texte, présenté par le député César Abi Khalil le 31 mai 2018, est considéré comme "dangereux" par la Coalition civile pour la gestion des déchets, qui dit craindre une prolifération des incinérateurs dans les régions et qui appelle à le rejeter.

En outre, quatre projets de loi sur la santé ont été adoptés. Ces textes concernent des accords de prêts entre le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) et la banque islamique de développement visant à fournir des équipements aux hôpitaux. Les députés ont toutefois voté ces textes en posant comme condition que la liste des hôpitaux bénéficiaires de ces équipements soit approuvée en Conseil des ministres. 

La Chambre a aussi adopté l'article de l'ordre du jour relatif au financement d'une ligne de crédit supplémentaire de 75 milliards de livres (50 millions de dollars) pour couvrir la fourniture par le ministère de la Santé des médicaments pour les personnes atteintes de maladies chroniques et du cancer. La proposition de loi adoptée, revêtant un caractère de double urgence, avait été présentée par le député des Forces libanaises Eddy Abillamaa. Réagissant à ce vote, Ali Hassan Khalil, a estimé que ce financement n'était "pas applicable". "Où allons-nous trouver les recettes pour courir ce montant ? Il ne reste pas une seule livre dans les fonds de réserve du budget", a-t-il souligné. Le président de la Chambre (et chef du mouvement Amal, auquel appartient M. Khalil), lui a répondu que cette loi était "applicable", déclarant que le gouvernement est "obligé" d'assurer ces fonds. Répondant à une question du député Hassan Fadlallah (Hezbollah), le ministre sortant de la Santé, Ghassan Hasbani, a admis que ce crédit supplémentaire a déjà été dépensé par son ministère.

Le président de la commission parlementaire du Budget et des finances, le député Ibrahim Kanaan (aouniste), a lui aussi répondu à M. Khalil, soulignant que "la responsabilité (de fournir les fonds nécessaire à l'ouverture de cette ligne de crédit, NDLR) revient au ministère des Finances, qui était représenté lors des réunions de la commission au cours de laquelle la proposition de financement a été discutée".

M. Hasbani, a de son côté affirmé que "le Parlement a adopté l'ouverture d'une ligne de crédit parce que la question du financement des médicaments n'avait pas été incluse dans le budget" adopté l'année dernière. Il a précisé que le ministère avait "fixé des critères pour les médicaments afin de limiter les dépenses".


Autres textes examinés
- Un projet de loi concernant l'élargissement et le développement du port de Tripoli a été approuvé et un autre sur le même sujet reporté en raison d'une page manquante. Pour ce projet, la Banque islamique de développement a accordé au printemps 2017 un prêt de 86 millions de dollars au Liban qui a été approuvé par le Conseil des ministres en janvier dernier.

- Un projet de loi autorisant le gouvernement à adhérer à l'Accord international de 2015 sur l'huile d'olive et les olives de table a été approuvé. 

- Le projet de loi visant à amender quatre articles du Code de procédures fiscales a été retiré de l'ordre du jour à la demande du ministre des Finances parce que certaines dispositions du projet avaient déjà été adoptées dans le cadre de la loi de finances de 2018. 

- L'examen du projet de loi sur l'exploitation des ressources pétrolières libanaises onshore a été reporté à la prochaine session parlementaire. Le texte encadre l’exploration et l’exploitation des ressources pétrolières onshore et avait été soumis au Parlement en août 2016. La loi existant pour la gestion des ressources pétrolières se limite jusqu’à présent aux activités offshore et le texte proposé vise donc à pallier ce manque.

- Le projet de loi visant en l'exemption des voitures endommagées par la guerre de juillet 2006 et les événements de Nahr el-Bared des frais de l'inspection mécanique a été retiré à la demande du Premier ministre. Selon lui, toute dépense supplémentaire qui n'est pas financée par des prêts concessionnels doit être réétudiée. Les députés du Hezbollah ont protesté contre cette décision. 

- Le projet de loi sur la création d'une réserve naturelle à Jabal Rihane a été renvoyé à la commission de l'Environnement. 


Enfin, les députés ont adopté une proposition de loi régissant les droits des bénéficiaires économiques réels afin que le Liban se mette en conformité avec ses engagements internationaux.

A sa sortie de la séance matinale, M. Mikati s'est de son côté prononcé contre l'adoption des lois, estimant en quittant le Parlement que "la législation de nécessité doit se faire sur la base de critères définis et clairs".  Rappelant que le gouvernement est un gouvernement d'expédition d'affaires courantes, l'ancien Premier ministre a affirmé que "l'équilibre entre les pouvoirs est absent". "C'est ce qui nous pousse à exiger que la législation de nécessité soit soumise à des critères équilibrés ce qui n'est pas le cas actuellement", a-t-il réitéré.


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Les députés libanais, réunis en séance parlementaire consacrée à la législation "de nécessité", en l'absence de gouvernement, ont voté lundi soir la proposition de loi sur les personnes victimes de disparition forcée, en présence du Premier ministre désigné, Saad Hariri, rentré dans la nuit de Paris où il est demeuré une dizaine de jours, alors que...

commentaires (7)

Trop d'années après voilà qu'une loi vient d'être enfin votée pour entamer un début d'apaisement et de soulagement des plaies de tant de citoyens, qui restent sans nouvelles de leurs proches et familles. Le travail sera long mais un espoir est né. Pour tout le reste .... c'est bien mais rien ne remplacera la formation du gouvernement On est en attente ... jusqu'à quand ?

Sarkis Serge Tateossian

21 h 20, le 12 novembre 2018

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Commentaires (7)

  • Trop d'années après voilà qu'une loi vient d'être enfin votée pour entamer un début d'apaisement et de soulagement des plaies de tant de citoyens, qui restent sans nouvelles de leurs proches et familles. Le travail sera long mais un espoir est né. Pour tout le reste .... c'est bien mais rien ne remplacera la formation du gouvernement On est en attente ... jusqu'à quand ?

    Sarkis Serge Tateossian

    21 h 20, le 12 novembre 2018

  • Vu leurs émoluments, toujours revus la hausse, faut bien qu'ils se décarcassent et fassent leur vrai boulot: Légiférer et non pas passer leur temps en salamalecs larmoyants d'un enterremnt à l'autre!

    Tina Chamoun

    17 h 29, le 12 novembre 2018

  • On a l'impression très nette que beaucoup de "Libanais" ont perdu toute notion d'honneur et de patriotisme, égarés qu'ils sont par des chimères...venant d'ailleurs ! Pauvre Liban sacrifié sur l'autel d'intérêts iraniens et syriens ! Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 43, le 12 novembre 2018

  • GOUVERNANCE SANS GOUVERNEMENT... C,EST QUOI ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 22, le 12 novembre 2018

  • Des lois à la dizaine on vote mais rien ne s 'applique comme la loi des loyers .

    Antoine Sabbagha

    13 h 53, le 12 novembre 2018

  • C'est bien de rédiger et voter des lois, mais faut un exécutif pour l'appliquer.

    DAMMOUS Hanna

    13 h 03, le 12 novembre 2018

  • Une preuve de plus qu'on peut travailler sans gouvernement . Mieux vaut mal habillé que mal accompagné .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 48, le 12 novembre 2018

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